C’era una volta la commedia all’italiana !
Le cinéma italien est l’un des plus anciens et des plus célèbres au monde. Le 28 décembre 1895 les Frères Lumières présentent le Cinématographe en France, quelques mois après ils l’introduisent en Italie. Le cinéma français et italien se retrouvent liés dès leurs débuts et partagent un genre commun : la comédie.
La Comédie italienne est un genre à part entière au sein du cinéma italien et elle contribue très largement à faire la renommée de celui-ci à travers le monde. Je vous propose dans cet article d’explorer la commedia all’italiana, miroir de la société italienne. Andiamo !
La Comédie à l’italienne, reflet d’une société unique en son genre
Mario Monicelli, réalisateur du célèbre film comique I soliti ignoti (Le Pigeon) a dit :
« Quoi qu’en pensent certains critiques peux enclins au rire et méconnaissant le rôle de la satire et de l’hilarité, la comédie italienne a eu un grand retentissement dans l’Histoire des mœurs italiennes, je ne crois pas qu’il y ait eu au monde un cinéma comique qui ait eu cette ténacité pour combattre les fléaux sociaux »
Le public italien va au cinéma pour s’amuser. Cela peut expliquer le peu de films d’auteur et de salles de cinéma d’Art et d’Essai dans le pays. Le peuple italien veut rire de tout, il est très attaché au réel et à l’expérience de la rue. Il y a ainsi une volonté de rire du bas-peuple et des classes populaires, souvent représentées de manière grossière. L’autodérision est une caractéristique de la société italienne que l’on retrouve dans les comédies.
Bien qu’il le caricature souvent, le cinéma comique est proche du peuple. Les acteurs viennent de toutes les régions de l’Italie et bien qu’ils jouent exclusivement en italien et non dans leur dialecte local, on retrouve une forte empreinte régionale dans la comédie avec des acteurs comme Toto, caricature du napolitain moyen.
Du Néoréalisme à la Comédie (1945-1950)
L’Italie post-mussolinienne, marquée par le fascisme et les destructions d’après-guerre, donne naissance au mouvement néoréaliste.
Ce mouvement se veut le plus réaliste possible en représentant un pays en proie à la pauvreté qui doit entièrement se reconstruire. Les acteurs ne sont pas professionnels, les films sont tournés directement dans la rue car les studios italiens Cinecitta sont occupés par les réfugiés. Des films noirs émergent alors et marquent le monde du cinéma. On peut citer Ladri di Biciclette (Le Voleur de bicyclette), Miracolo a Milano (Miracle à Milan) et Umberto D. réalisés par Vittorio De Sica ou encore Rome, ville ouverte de Roberto Rossellini.
Le Néoréalisme prend fin en 1952 et est remplacé par le Néoréalisme rose. Cette période de transition ouvre la porte au cinéma comique. Les films sont beaucoup plus légers en accord avec des conditions générales de vie qui s’améliorent grandement. Ce mouvement utilise des actrices aux formes généreuses, nommées maggiorata, qui deviennent de vraies célébrités. Les actrices comme Sophia Loren, Gina Lollobrigida, Silvana Mangano, Claudia Cardinale et Stefania Sandrelli deviennent les têtes d’affiche du cinéma italien dans le monde. Elles participent ensuite à diffuser et populariser la Comédie italienne en Europe et aux États-Unis.
Le triomphe de la Comédie italienne (1958-1980)
Les années 1960 à 1970 sont celles du « miracle économique italien » et sont marquées par une forte croissance économique, une pauvreté en baisse, une émancipation des jeunes et un esprit de fête général. Dans ce contexte la Comédie devient l’un des genres les plus populaires du cinéma italien. Elle évoque de façon détournée, mais de manière profonde, les thèmes sociaux, politiques et culturels de l’Italie. Le film I Solti Ignoti (le Pigeon) de Monicelli mettant en scène une bande de malfrats minables qui tentent un vol rocambolesque ouvre cette ère.
De grands réalisateurs émergents tels que Mario Monicelli, Ettore Scola, Pietro Germi, Luigi Comencini et Dino Risi font jouer dans leurs films des acteurs aussi célèbres que Marcello Mastroianni, Vittorio Gassman, Ugo Tognazzi, Alberto Sordi, Claudia Cardinale, Monica Vitti et Nino Manfredi.
Divorce à l’italienne (Divorzio all’italiana) réalisé par Pietro Germi – 1961
Le baron Ferdinando Cefalu, issu d’une vieille famille de l’aristocratie sicilienne, ne supporte plus sa femme, Rosalia. Il est tombé amoureux de la belle Angela. Mais alors que le divorce demeure interdit, le baron prend connaissance d’un article de loi invitant à la clémence vis-à-vis des assassins ayant tués leur conjoint pour « sauver leur honneur ». Dès lors, il va échafauder un plan incitant sa femme à avoir une relation adultère, afin de pouvoir plus légitimement la tuer ensuite ! Le problème est de trouver celui qui voudra de son énervante épouse. Le réalisateur Pietro Germi va utiliser la satire pour dénoncer cette société italienne très conservatrice des années 1960 dans laquelle le divorce est encore interdit par la loi et très mal vu. Ainsi pour se débarrasser de leurs femmes ou en cas d’adultère, certains hommes n’hésitent pas à tuer leurs épouses en bénéficiant d’une loi très laxiste qui ne les condamne qu’à quelques années de prison ! Le réalisateur dénonce cet état de fait et va même plus loin en présentant le mariage comme un « tue-l’amour ».
L’Argent de la Vieille (Lo Scopone Scientifico) réalisé par Luigi Comencini – 1972
Chaque année, une vieille milliardaire américaine (Bette Davis) vient assouvir à Rome sa passion pour le « Scopone scientifico » un jeu de cartes traditionnel italien. Elle joue avec un couple de chiffonniers (Alberto Sordi et Silvana Mangano), issu d’un bidonville voisin. Chaque année les habitants croisent les doigts pour la victoire des leurs… Une victoire qui n’arrive bien sûr jamais.
Nous nous sommes tant aimés (C’Eravamo Tanto Amati) de Ettore Scola – 1974
Film bilan qui retrace trente ans d’histoire et de cinéma italien en évoquant Fellini (la Dolce Vita), De Sica ou Antonioni. Le film commence à la fin de la guerre en 1945, trois personnages Antonio (Nino Manfredi), Gianni (Vittorio Gassman) et Nicola amis de lutte dans le maquis voient un nouveau monde s’ouvrir à eux dans lequel ils mettent tous leurs désirs et leurs rêves.
Les Nouveaux Monstres (I Nuovi Mostri) de Mario Monicelli, Dino Risi et Ettore Scola – 1977
Ce film présente un format particulier puisqu’il est constitué de douze petits sketchs.
Les réalisateurs dénoncent toutes les formes d’hypocrisie et de bassesse humaine sur un ton virulent. Ils s’attaquent aux institutions comme l’Église, la famille et les classes sociales, qu’ils tournent en dérision avec un humour noir et décalé. Les meilleurs comiques italiens de l’époque : Vittorio et Alberto Sordi se surpassent et donnent toute sa qualité au film.
La Comédie italienne de 1980 à aujourd’hui
A partir des années 1980 la popularité du genre décroit. Néanmoins le genre est toujours présent sur les écrans italiens. On peut citer l’excellent La Grande Bellezza de Paolo Sorrentino (2013). Ce film met en scène un critique d’art désabusé, Jep Gambardella (incarné par Toni Servillo). Confident du microcosme bourgeois romain, familier des fêtes, de la chirurgie esthétique et de l’art contemporain, Jep traverse les années pour finalement réaliser qu’il a raté sa vocation : être écrivain.
Cette fois ci la comédie fait une satire non pas sur le bas peuple mais sur la haute bourgeoisie romaine, le ridicule et la vacuité de sa vie au travers d’un homme qui peu à peu est répugné par son milieu social.
Ainsi la « Commedia all’italiana », bien que moins populaire aujourd’hui est toujours présente après 60 ans d’existence. Elle aura contribué à faire connaitre le cinéma comme les acteurs italiens à l’étranger. La comédie est « le reflet de l’âme italienne », à vous de la découvrir !
Antonin Gaillarde
NB : A propos de son film, l’Argent de la vieille, le réalisateur raconte : « Ce film trouve son origine dans un fait divers dont j’ai été témoin à Naples en 1948. Devant la petite pension où je logeais, je vis arriver un jour une élégante Rolls-Royce, d’où descendit une Hollandaise qui devait avoir dans les quatre-vingts ans. Elle demanda au concierge de trouver un certain Peppino et un certain Cirillo, puis s’en alla. Intrigué, je demandai au concierge de m’expliquer qui était cette milliardaire et ce qu’elle voulait de Peppino et Cirillo. L’histoire qu’il me raconta était incroyable. Mariée à un riche banquier américain, la dame en question faisait le tour du monde à longueur d’année, en suivant le printemps. En mai, chaque année, elle arrivait à Naples, louait une villa et, pour passer le temps, jouait aux cartes toute la journée. Et ainsi, depuis huit ans, en mai, deux pauvres, vêtus d’un habit de soirée improvisé, montaient tous les jours à la villa, poursuivant le rêve de réussir le gros coup qui leur aurait permis de devenir milliardaires. »
Sources
https://www.treccani.it/enciclopedia/commedia-all-italiana_%28Enciclopedia-del-Cinema%29/
https://www.cinematheque.fr/cycle/comedie-a-l-italienne-307.html
https://www.cineclubdecaen.com/analyse/comedieitalienne.htm
https://www.universalis.fr/encyclopedie/comedie-italienne-cinema/
Autres liens conseillés
https://www.senscritique.com/top/resultats/Les_meilleures_comedies_italiennes/728740