Le 26 janvier 2023, les chercheurs·es de Google annoncent dans un article scientifique les progrès de leur logiciel MusicLM, une intelligence artificielle en développement qui, à l’instar de ChatGPT ou DALL-E pour l’art visuel, serait capable de créer des morceaux de musique de façon autonome, par simple saisie de texte. Les progrès de l’IA font parler et inquiètent, en particulier dans l’art, mais est-ce justifié ?
Bien qu’il n’est pas le seul, le modèle de Google semblerait être le plus puissant et qualitatif. Entraîné par l’archivage de plus de 280.000 heures de musique, il permettrait de créer un morceau à partir d’un air fredonné. Les progrès de l’IA font parler et ont de quoi inquiéter les artistes, mais sont-ils suffisant pour vraiment remplacer l’humain ? Aujourd’hui nous essayerons de répondre à cette question en regardant les avancées techniques dans le secteur musical.
La part de l’humain dans le processus créatif de l’IA
“Je ne considère pas les images générées par les IA comme des images définitives. Ce sont juste des planches de style qui ouvrent des pistes.” Étienne Mineur pour l’ADN.
De plus en plus d’entreprises l’ont compris : l’intelligence artificielle ouvre de nouvelles portes en termes de créativité. Mais il n’est pas question de laisser un logiciel faire tout à sa place : la création est toujours accompagnée par un humain. En effet, l’IA n’a et n’aura sans doute jamais une idée du beau. L’humain aura toujours une part dans le processus créatif, la part artistique justement. Le logiciel nécessite un artiste et n’est finalement qu’un outil pour développer sa créativité. Une IA n’a pas l’originalité d’un artiste, ni sa vision du monde, par le fait même qu’elle a besoin de données déjà existantes pour travailler.
L’IA comme outil d’expérimentation
Souvent, l’intelligence artificielle est utilisée par les artistes non pas pour créer une oeuvre à leur place, mais comme nouvel outil d’expérimentation, l’IA devient alors un moyen d’expression stylistique au même titre que n’importe quelle autre technique (peinture acrylique, musique concrete…) à la différence qu’elle est applicable à quasi tous les arts.
On pense au réalisateur français Neb, qui a récemment utilisé l’IA pour réaliser le clip musical du morceau ‘Paradis’ par DJ Pone et Disiz La Peste. Ici on est sur une vraie recherche et la volonté d’utiliser l’IA pour créer un effet graphique bien particulier. On donne une base de données à l’IA, on l’entraîne d’une certaine manière, en lui apprenant des motifs qu’elle est capable ensuite d’intégrer pour créer une œuvre dans un style différent. L’IA ne crée pas : elle apprend et transforme. L’humain est nécessaire à la base du processus. « Ça ouvre la porte à énormément de possibilités, on peut vraiment aller dans tous les styles graphiques possibles. Clairement, toute l’industrie va être bouleversée. »
On retrouve ce même effet sur d’autres contenus vidéos, ici l’annonce de la programmation du festival Sonar Lisboa :
Ce vent d’inquiétude: un air de déjà vu dans l’industrie musical?
Dans les années 70, l’arrivée de l’arpégiateur permettait d’improviser sur des gammes sans bases en solfège. Plus tard, la démocratisation de la MAO (musique assistée par ordinateur) a également inquiété. Le Mellotron dans les années 60 puis l’échantillonneur dans les années 80, toujours autant utilisé aujourd’hui, posait un souci de droits d’auteurs, car permettait l’enregistrement sur bandes et la réutilisation d’échantillons de musique, en les transformant grâce à l’application d’effets sonores. Ces instruments révolutionnaires n’ont jamais remplacé les musiciens classiques, on peut penser qu’il en sera de même pour l’IA.
Pas plus que la boîte à rythmes a remplacé le batteur ou l’ordinateur les groupes de musique, l’intelligence artificielle ne remplacera pas les artistes. Elle sera sans doute la porte d’entrée vers de nouveaux styles, et de nouvelles spécialisations.
Hugo Bouvet