L’exposition Polygones par Georges Rousse prend possession du musée Thomas-Dobrée à Nantes jusqu’au 7 avril. C’est dans un musée dénudé de son mobilier et de ses collections avant un vaste projet de rénovation que le photographe et plasticien français a été invité à laisser libre court à son art à même les murs du palais.
Le musée d’art, d’archéologie et d’histoire situé dans le Palais Dobrée, est une part indéfectible du patrimoine nantais. Le musée, construit par Thomas Dobrée (1810-1895), le fils d’un riche armateur, qui abandonna les affaires pour se consacrer pleinement aux arts, ouvrit ses portes en 1899, après qu’il a légué son palais et ses collections au département. Fermé au public depuis 2011, il continue de participer à la vie culturelle nantaise à travers des expositions temporaires et événements organisés ponctuellement dans certains espaces du musée ; l’exposition Polygones clôture cette étape intermédiaire avant la fermeture complète jusqu’à la réouverture prévue en 2021.
C’est dans ce contexte particulier que Georges Rousse a pu réinventer les intérieurs du musée pour une grande exposition. Né à Paris en 1947, Georges Rousse est un artiste pluridisciplinaire, peintre, architecte, photographe, plasticien, qui fait appel à toutes ces disciplines dans son processus de création polymorphe. Il découvrit la photographie à l’âge de 9 ans, lorsqu’il reçut à Noël un Brownie Flash de Kodak. Plus tard, lors de ses études à Nice, il suivit des cours de photographie et ouvrit son propre studio de photographie d’architecture. Ce médium resta au coeur de son travail, lui apportant toute sa signification, loin de se contenter d’une fonction d’archivage de ses oeuvres. Celles-ci ne peuvent en effet exister qu’à travers un objectif, notre cerveau ne pouvant appréhender le caractère anamorphique de ses polygones dans sa totalité. Nos yeux perçoivent en effet malgré eux la profondeur des formes dessinées et seul le point de vue de l’appareil permet de saisir le polygone tel que souhaité par l’artiste.
La découverte du Land Art fut décisive dans l’évolution de l’oeuvre de Georges Rousse, lui inspirant l’envie d’intervenir dans l’espace photographique qu’il choisit. Singulier, il préfère exécuter ses oeuvres dans des espaces intérieurs, des friches, plutôt que dans la nature, et trouve son inspiration dans les formes géométriques et l’utilisation de la peinture dans l’espace avec le carré noir sur fond blanc de Kasimir Malevitch. Il est indéniablement un artiste inclassable même si d’aucuns le comparent à Felice Varini, artiste suisse, remarqué récemment pour son anamorphose à la cité de Carcassonne. La différence est néanmoins certaine, Varini travaille essentiellement sur les lignes et dans des espaces extérieurs, recourant à une méthode de projection pour tracer ses oeuvres compte tenu de leur échelle importante tandis que Rousse utilise une méthode beaucoup plus “artisanale” qui mérite d’être soulignée. Il conçoit ses oeuvres à partir de dessins et d’aquarelles, épreuves présentées lors de cette exposition, car témoins du cheminement de réflexion de l’artiste, et de l’adéquation entre le projet et le résultat final. Pour arriver à ses fins, l’artiste guide ses collaborateurs à la voix pour tracer sur les murs, sols et plafonds les formes de son invention, tel un chef d’orchestre.
Cette exposition invitant à découvrir in situ le travail d’un des grands artistes contemporains français offre un regard nouveau sur le musée Dobrée, dont les murs écaillés ont été sublimés par l’intervention de Georges Rousse. Elle témoigne d’une rencontre réussie entre l’art contemporain et les espaces d’un monument historique. L’artiste s’est adapté aux espaces, parfois restreints des salles, exploitant leurs possibilités, et offre par exemple un hommage à Thomas Dobrée, par son oeuvre clin d’oeil au tableau “Les Ambassadeurs” de Hans Holbein Le Jeune, placée sous le portrait du créateur du musée. C’est une continuité soulignée, qui saura toucher ceux qui pourraient être troublés par la transformation de ce bâtiment du XIXe siècle, dont l’intégrité est néanmoins totalement respectée par l’artiste. L’intervention de Georges Rousse fait d’autant plus sens qu’elle paraît dans un moment charnière de la vie du musée et permet ainsi de marquer symboliquement et visuellement le passage d’un ancien à un nouveau musée Dobrée.
Informations pratiques :
Entrée libre et gratuite
Jusqu’au 7 avril 2019
Du mercredi au dimanche, de 14h à 18h
Musée Dobrée, 18 rue Voltaire à Nantes
Non accessible aux PMR