Lorsque vous croisez des gens qui lisent dans le tram ou le train, s’agit-il souvent de lecteurs plongés dans Phèdre, ou dans le dernier Shakespeare ? Vous avez forcément étudié certaines grandes œuvres de Molière et de Racine, lu à haute voix certains grands monologues. Et puis, vous avez arrêté pour lire des romans. Voilà pourtant pourquoi lire le théâtre est fait pour vous.
Le théâtre dans le texte
Le texte de théâtre est d’abord le support du spectacle vivant. Le texte écrit n’aurait donc de valeur que pour ceux qui vont le mettre en scène, l’animer et lui donner vie sur scène. On a souvent l’impression que le texte et ses didascalies ne sont qu’une retranscription première de ce qui doit être représenté – incomplet en lui-même. Le texte ne donne que les directives, matériel brut de la construction d’une pièce. A la rigueur on peut lire la pièce avant d’aller la voir jouée pour se renseigner. Seulement voilà, en tant qu’étudiant, aller au théâtre n’est pas donné…
Lire le théâtre
Vous pouvez lire sur internet ou en bibliothèque un certain nombre de textes, qui ne vous coûteront rien. Voilà comment se cultiver avec un budget serré. Notamment quand vous ne savez pas quoi aller voir et ne voulez pas vous risquer à dépenser dix voire vingt euros sans savoir ce que la pièce vaut.
En plus d’être abordable, un texte de théâtre est souvent court, avec des styles et des thématiques très diverses. Comédie populaire, tragédie grecque ou pièces engagées politiquement : vous y trouverez forcément votre compte. Pile le temps d’en finir une la prochaine fois que vous prenez le train pour rendre visite à vos parents.
Qui dit texte court dit histoire intense, pleine de rebondissement, qui véhicule des émotions fortes et engage véritablement le lecteur dans l’intrigue. Moins de description, plus d’action. Toute l’histoire est transmise par les dialogues et monologues donc chaque mot est choisi avec soin, et on peut apprécier des discours très touchants ainsi que des réparties inattendues.
Les textes de théâtre ont toujours une valeur littéraire et poétique, et le verbe théâtral est d’une grande qualité. Ce sont des œuvres littéraires à part entière. Ces textes sont d’ailleurs – comme mentionné plus haut – le matériel à la base de la mise en scène, ce sur quoi les artistes s’appuient pour monter le spectacle. Aussi, quand un spectateur assiste à une pièce, il perçoit en simultané de nombreux signaux : comment les acteurs vont interpréter le texte, les décors, les costumes… C’est l’intention du metteur en scène. Lire le théâtre, c’est donc revenir au texte brut, écrit par l’auteur sans biais, et interpréter directement le texte. Vous avez pu détester telle ou telle pièce, essayer de la lire et vous n’aurez ni les silences dramatiques pour appuyer le pathos, ni les mauvais jeux d’acteur, ni certains éléments de décors qui ont pu vous déranger. Vous n’avez plus d’excuses pour ne pas lire le théâtre
Par quoi commencer alors?
Lysistrata – Aristophane
Difficile à croire parfois qu’Aristophane est un auteur antique quand on lit les thématiques qu’il aborde. C’est une pièce qu’on qualifie aujourd’hui de féministe, mais surtout avec un message politique déguisé grâce un humour beauf et obscène. La « grève du sexe » de la pièce s’est d’ailleurs vu appliquée par les femmes Togolaises en 2012, et d’autres pour faire pression.
En attendant Godot, Samuel Beckett
Avec un humour absurde, des personnages décalés et des dialogues qui ne vont nulle part, on peut résumer la pièce en une phrase: deux personnages attendent Godot. Tandis qu’eux semblent s’ennuyer et le temps s’étirer, on rigole beaucoup à lire ce qui ne fait aucun sens.
Lorenzaccio, Alfred de Musset
Après un premier échec sur scène, Alfred de Musset a écrit le recueil de pièces Spectacles dans un fauteuil, dont cette pièce fait zpartie, pour qu’elles soient lues et non jouées, par peur de la réaction du public. Il n’a donc pas vraiment limité le nombre de ses personnages – environ quarante cinq pour cette pièce. Cette œuvre complexe traite des notions du bien et du mal dans la politique avec un lyrisme certain.
Cendrillon, Joël Pommerat
Cette réécriture moderne du conte éponyme aborde des thèmes tels que le deuil, le déni, le mensonge et la famille, le tout avec un style et un langage très contemporain. Les personnages sont très marquants, comme le prince naïf dans le déni ou la fée qui refuse de faire de la vraie magie car elle préfère les tour de passe-passe (qu’elle rate).
Phèdre, Racine
Une tragédie des plus classiques mais une valeur sûre par la beauté de ses vers et le sujet de l’amour interdit et passionnel qui est décrit.
Dans la solitude des champs de coton, Bernard Marie Koltès
Dialogues (et longs monologues) entre un client et un dealer. C’est une pièce qui traite philosophiquement des concepts de la vente, de l’achat, et du deal.
La Tempête, Shakespeare
Pour ceux qui en ont marre de la tragique histoire de Roméo et Juliette ou de Macbeth, cette pièce peut-être moins connue reste du grand Shakespeare et vaut le détour. L’occasion peut-être de la lire en version originale…
Louna Bruder