Aya Nakamura : un destin imprévisible  

« Je ferais mieux d’aller choisir mon vocabulaire, pour te plaire. Dans la langue de Molière ».  

C’était l’un des moments les plus marquants de la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques de Paris 2024 : la performance musicale entre Aya Nakamura et la garde Républicaine sur le symbolique pont des Arts. Si pour la majorité d’entre nous cette performance a été exceptionnelle, pour d’autres, elle a été un désastre pour la France. 

Aya Nakamura est devenue aujourd’hui une artiste incontournable à la fois sur la scène nationale et internationale. De « Love d’un voyou » à « Hypé » en passant par « Djadja », ses titres ont fait le tour du monde et font briller la France à l’international à l’image de ces chiffres stratosphériques : plus de 6 milliards d’écoutes sur toutes les plateformes musicales, et plus de 8,6 millions d’abonnés Spotify l’écoutent par mois. Pourtant, l’artiste d’origine malienne ne fait pas l’unanimité. Racisme, misogynie, cyberharcèlement, Aya Nakamura a été forcée de se sculpter une carapace afin de se protéger de ses détracteurs.  
Mais alors pourquoi sont-ils aussi nombreux ? Pourquoi le phénomène Aya Nakamura dérange-t-il autant ? Quelle est l’histoire de cette femme au destin imprévisible ?  

Nous allons donc retracer le parcours de cette femme qui, à la base, voulait juste faire de la musique. 

 Aya Coco Danioko 

Aya Nakamura, de son vrai nom Aya Coco Danioko, est née à Bamako au Mali. Elle est l’aînée d’une fratrie de 5 enfants et est issue d’une famille de griots (personnes qui chantent des louanges). Quelques mois seulement après sa naissance, Aya et sa famille emménagent en France à Aulnay-Sous-Bois (93).  

Après un court passage en études de mode, elle décide de s’orienter vers la musique.  
C’est en 2014, alors âgée de 19 ans, qu’elle publie son premier titre, Karma, sur Facebook.  
Elle enchaîne ensuite les sorties de titres sur les réseaux et c’est en 2015 qu’elle connait son 1er succès auprès des adolescents avec la sortie des titres “Brisé” (13 millions de vues sur YouTube) et “Love d’un voyou” en collaboration avec le rappeur Fababy. 
Elle signe alors rapidement avec une maison de disque et sort son 1er album en 2017 intitulé Journal intime

Djadja 

En 2018, alors que la France a les yeux rivés sur la préparation des Bleus, futurs champions mondiaux, un phénomène fait irruption : “Djadja. Sorti à la base pour promouvoir son futur album, le titre se classe rapidement à la 1ère place des singles français et devient le « tube de l’été ». Il traverse même les frontières de la France en se glissant parmi les titres les plus écoutés notamment aux Pays-Bas. Le phénomène Aya Nakamura prend vie et toute la planète chante le refrain devenu culte. Ce succès s’intensifie et traverse l’Atlantique puisqu’une année après, en 2019, Rihanna danse sur le hit “Djadja lors d’une soirée pour sa marque.  

Tout va très vite pour la jeune artiste car en juin 2019, elle est nommée dans la catégorie « meilleur artiste international » lors de la cérémonie américaine BET Awards et devient la première artiste féminine francophone à être nommée dans cette catégorie.  

Aya enchaîne avec les succès avec la sortie de son 3e album « Aya » en 2020 puis de son dernier album en 2023 baptisé « DNK » en mémoire de son nom de famille Danioko.  

Des critiques justifiées ?

« Catchaka qui est l’ode à la levrette » Ce sont les mots de Gérard Larcher (président du Sénat) lorsqu’on lui demande son avis, sur le plateau des « Quatre Vérités » en mars dernier, sur la présence d’Aya Nakamura à la cérémonie d’ouverture des JO.  

Aya Nakamura a souvent été critiquée car les paroles de ses chansons sont jugées incompréhensibles ou encore vulgaires. Ces critiques, même si elles peuvent être recevables, ne justifient pas l’acharnement dont elle est victime. De plus, ces critiques perdent leur sens lorsque l’on sait que des artistes comme Charles Aznavour et Edith Piaf employaient eux-mêmes des mots d’argot dans leurs textes. D’ailleurs, le nom de scène « Piaf » est un nom populaire faisant référence à un moineau. De son côté, Charles Aznavour avait été censuré à la radio pour son titre “Après l’amour

Des critiques qui ne font donc pas vraiment sens puisque les artistes avec lesquels Aya est comparée et qui sont aujourd’hui adorés, avaient été critiqués pour les mêmes raisons il y a quelques décennies.  

Aya Nakamura : un symbole ?

Qu’on l’adule ou la critique, la haïsse ou l’adore, Aya Nakamura est le symbole d’une génération qui fait ce qui lui plait et qui casse les codes établis depuis des décennies. 

En effet, l’une des particularités de cette nouvelle génération est son utilisation des réseaux sociaux, et c’est grâce à ces mêmes réseaux qu’Aya est née. Elle a publié ses premiers titres dessus et l’emballement qu’elle a connu a été propulsé par les réseaux. Il est intéressant de noter qu’il y a un tournant dans l’histoire de la consommation musicale puisqu’une chanson postée sur un réseau social (Instagram, TikTok…) peut facilement devenir une « trend » (à la mode) et donc faire propulser un(e) artiste à une échelle nationale et même internationale. Aya Nakamura a bénéficié de ce système et a réussi à se créer une place alors même qu’elle avait les médias traditionnels (TV, radio) sur son dos. 

Malgré son succès planétaire, l’artiste fait l’objet de critiques permanentes qui dépassent la seule appréciation de sa musique. Elle est constamment victime de racisme et de misogynie et est la cible parfaite de l’extrême droite. On se souvient de la banderole déployée par un groupe d’extrême droite à l’annonce des rumeurs de sa participation aux JO, qui inscrivait : « Y a pas moyen Aya. Ici c’est Paris pas le marché de Bamako ». 

Même avec toutes ces critiques et cet acharnement permanent, Aya reste digne et continue de faire sa musique. Elle est devenue, malgré elle, un symbole de liberté et d’expression d’une nouvelle génération qui sort des codes habituels. Elle est pour beaucoup de personne une source d’inspiration et de combat contre des idées souvent dépassées.  

Le mot de la fin

Pourquoi ne sommes-nous pas fiers d’Aya Nakamura ? Pourquoi une partie de la France la rejette alors qu’elle est accueillie les bras ouverts à l’international ? Encore récemment, l’artiste a fait un concert sur la place Vendôme lors du Vogue World Paris 2024 et en mai 2024 elle est la 1ère chanteuse française à être invitée au Met Gala !  

Toutes ces questions sont légitimes d’être posées et questionnent un sujet beaucoup plus profond : celui de notre identité.  

Peu importe ce que l’on pense d’elle, Aya Nakamura représente une partie de la population et permet à des milliers de personnes de s’identifier et de s’assumer. Elle représente une génération qui se bat pour ses rêves et qui n’a pas peur d’oser et d’être elle-même. Elle est devenue le symbole d’une France nouvelle qui est fière d’accueillir celles et ceux qui la font rayonner. Une France qui est prête à voir émerger de nouveaux talents, peu importe leur origine sociale ou leur couleur.  

FIN (nom d’une chanson d’Aya sortie dans son album DNK) 

Jean-Michel Assamagoa