En quoi l’East Side Gallery est-elle un symbole de l’Histoire de Berlin ?

East Side Gallery, Mühlenstraße, Friedrichshain. Photo prise à l’occasion des 25 ans de la chute du Mur de Berlin : © Gerhard Westrich. Source : https://www.geo.de/

L’East Side Gallery: un lieu culturel engagé et chargé d’histoire

L’East Side Gallery est la partie du mur de Berlin qui a été la mieux conservée. Elle mesure 1,3 km de long et est recouverte de fresques dessinées par des artistes peu après la chute du mur de Berlin. Elle est classée monument historique et est aujourd’hui l’une des plus grandes galeries en plein air du monde.

L’East Side Gallery se trouve dans le quartier berlinois de Friedrichshain. En janvier 1990, 118 artistes de 21 pays se sont réunis ensemble pour peindre cette partie du mur qui était restée intacte. Elle a été officiellement inaugurée en tant que galerie d’art en plein air le 28 septembre 1990. Les thèmes choisis par les artistes étaient bien sûr la division et la réunification de l’Allemagne. Mais les peintures montrent aussi l’espoir d’un renouveau, le souhait d’un monde meilleur, l’euphorie de la chute du mur, le changement. Un an plus tard, la galerie a obtenu le statut de « monument protégé ».

Aujourd’hui, la partie la mieux conservée de l’East Side Gallery se trouve près de la gare Ostbahnof, où les fresques ont été rénovées. Malheureusement, les œuvres subissent les mauvais traitements du temps et surtout des nouveaux graffitis viennent aujourd’hui recouvrir certaines oeuvres et les font disparaître. Il y a donc de nouveaux projets de rénovation, et les fondateurs de la galerie ont également créé une association afin de récolter des fonds et de protéger les œuvres.

Berlyn de Gerhard Lahr, 1989, East Side Gallery. Cette œuvre a été endommagée par les nombreux graffitis. Photo : © djunaphotos. Source : https://berlinpoche.de/

Un lieu historique qui rappelle les années sombres de la Guerre froide et du mur de Berlin

L’East Side Gallery est avant tout un lieu historique, un rappel des années sombres de la guerre froide et de l’Histoire particulière de Berlin. Elle est en tout premier lieu un souvenir du mur de Berlin lui même, qui se tenait là avant elle. Ce lieu, cette galerie, avant d’être une oeuvre d’art, était ce mur qui divisait Berlin en deux parties que tout opposait. A la fin de la Seconde Guerre mondiale en 1945, l’Allemagne est en effet divisée en quatre zones d’occupation : une zone soviétique, une zone britannique, une zone américaine et une zone française. La ville de Berlin, située au cœur de la zone d’occupation soviétique, est alors également divisée en quatre parties.

En 1949, la République fédérale d’Allemagne (RFA) est créée, comprenant les zones américaine, britannique et française. Peu après, l’Union soviétique créé la République démocratique d’Allemagne (RDA), officialisant ainsi la division de Berlin en deux entités distinctes.
C’est à cette époque que les Allemands de l’Est commencent à émigrer massivement vers l’Ouest. Leurs raisons sont politiques, idéologiques, économiques… Le respect des libertés individuelles, de meilleurs salaires, une croissance plus forte, une abondance de biens que l’on ne trouvait pas à l’Est, …; ce sont les raisons principales à l’époque pour décider de quitter l’Allemagne de l’Est. C’est donc pour empêcher l’exode massif vers l’Ouest que le mur de Berlin est créé dans la nuit du 12 au 13 août 1961. Le mur de Berlin, souvent qualifié de « mur de la honte » par les Allemands de l’Ouest en réaction à l’appellation officielle du gouvernement est-allemand qui était « le mur de protection antifasciste », devient rapidement le symbole de la division de l’Allemagne et du monde. C’est un symbole concret de la guerre froide, mais aussi un symbole pour les victimes de cette guerre.

La construction du mur de Berlin dans la nuit du 12 au 13 août 1961. Photo : © dpa/picture alliance. Source : https://www.dw.com/

Une matérialisation forte de l’opposition entre deux modèles économiques et géopolitiques

La construction du mur est une réaction à l’effondrement économique de la RDA. Comme les autres pays du bloc de l’Est, le SED ( le parti socialiste unifié) met en place à cette époque une économie planifiée. Mais le plan septennal (1959-1965) est un échec dès le début, la production industrielle augmentant moins vite que prévu et la collectivisation des terres agricoles entraînant une baisse de la production et une pénurie alimentaire. 63 000 Berlinois de l’Est perdent leur emploi à l’Ouest, 10 000 Berlinois de l’Ouest perdent leur emploi à Berlin-Est, et ce sont aussi des milliers de familles qui seront séparées pendant plus de 20 ans.

Les deux parties de Berlin, à l’image des « deux Allemagne » vont en effet connaître un tout autre développement. Alors que Berlin-Ouest se modernise, Berlin-Est perd sa dynamique. Un fossé politique, économique et culturel entre l’Est et l’Ouest se creuse et se propage de plus en plus, mais également sur le plan culinaire et architectural. L’Est en particulier, prend, sous le pas communiste, un retard économique qu’il mettra des années à rattraper.

Aujourd’hui, la galerie comme symbole de la réunification de l’Allemagne…

La chute du mur a été favorisée par l’ouverture des frontières entre l’Autriche et la Hongrie en mai 1989. En effet, de plus en plus d’Allemands se rendent en Hongrie afin d’avoir un asile en République fédérale d’Allemagne. Cela conduit à de grandes manifestations à Leipzig et dans d’autres grandes villes de la RDA qu’on appellera les « Montagsdemonstrationen ». Des milliers d’Allemands de l’Est manifestent pour avoir plus de liberté et entamer un changement.

Le 9 novembre 1989, le gouvernement de la RDA déclare que le passage vers l’Ouest est autorisé. Le même jour, des milliers de personnes se rassemblent aux points de contrôle, comme Checkpoint Charlie, pour passer de l’autre côté et personne ne peut les arrêter. Le lendemain, les premières fissures voient le jour dans le mur. Après cette libération, familles et amis ont pu se retrouver 28 ans après. 329 jours après la chute du Mur, la réunification des deux États allemands est achevée le 3 octobre 1990 : La RDA rejoint la République fédérale d’Allemagne.

Rassemblement près d’une partie du mur de Berlin détruite après la décision de la République démocratique allemande (RDA) d’ouvrir les frontières entre Berlin-Est et Berlin-Ouest vers novembre 1989 à Berlin. Photo : ©Getty – Carol Guzy /The Washington Post / Contributeur. Source : https://www.radiofrance.fr/

… et un symbole de la liberté d’expression et une invitation au devoir de mémoire

Les artistes montrent par leurs œuvres et leur engagement que le désir de liberté est plus fort que les mesures coercitives et la violence. Avec plus d’une centaine de peintures, ils ont exprimé dans leur travail leur joie au moment de la chute du Mur, mais aussi leurs espoirs, leurs doutes, leurs questionnements, leurs craintes et leurs rêves de paix, de liberté et de démocratie.

L’East Side Gallery permet à chacun de se remémorer cette période, et ce devoir de mémoire est aussi une manière de faire en sorte qu’une telle division ne puisse plus jamais se reproduire. Elle devient un monument vivant et un témoignage de cette période si particulière de l’Histoire de l’Allemagne mais aussi du monde. Surtout, la galerie permet à chacun de se rappeler que le changement est toujours possible.

L’East Side Gallery est donc un symbole vivant de l’histoire de Berlin, car elle témoigne de l’histoire sombre de Berlin après la Seconde Guerre mondiale. L’East Side Gallery permet à chacun de se remémorer la guerre froide, comment des milliers de personnes ont perdu leur liberté, comment ils ont espéré un nouveau monde, un nouveau modèle et un nouveau système et comment ils ont exprimé leur euphorie après la chute du mur. Avant tout, ce lieu culturel qui attire aujourd’hui de nombreux visiteurs est un symbole de la réunification, du vivre ensemble, du lien fraternel, et est un symbole du présent et des décisions qui sont prises toujours encore aujourd’hui pour que l’Allemagne et le monde ne puissent plus jamais être séparés.

Test the Best (Trabant) de Birgit Kinder, 1989, East Side Gallery. La Trabant, la voiture populaire d’Allemagne de l’Est, transperce le Mur de Berlin et rappelle les nombreux Allemands de l’Est qui ont tenté de fuir à l’Ouest. Photo : © djunaphotos. Source : https://berlinpoche.de/

Sophie Nille