Éternel aventurier, Prix Renaudot 2019, Sylvain Tesson poursuit ses récits de voyage dans La Panthère des Neiges et se montre plus que jamais proche de la nature en prônant une vie ancrée dans le réel.
Adepte de sensations fortes, amoureux de Notre-Dame, il avait escaladé sa flèche une centaine de fois. Éternel enfant, il garde en lui le besoin d’aller frôler la mort, « de guérir par le mouvement », d’atteindre un point de vue très haut pour toucher du doigt le somptueux.
Au-delà de son incroyable aventure, c’est son écriture qui marque. Sa capacité à nommer des sensations, à décrire ce qui l’entoure. Par l’écriture, il appelle à être patient, à ne pas se précipiter pour construire ou reconstruire, à écouter plutôt qu’écourter les silences.
C’est d’ailleurs ce grand silence qu’il ressentit dans le cœur des français au moment de l’incendie de Notre-Dame. Comme si dans ce brasier elle avait voulu se rappeler à notre bon souvenir. Par sa grandeur, au-delà de sa sacralité, elle représente l’œuvre de bâtisseurs qui mirent plus de deux siècles à la construire alors que notre siècle veut la reconstruire en seulement cinq ans. Sensations qu’il décrit merveilleusement dans son ouvrage Notre-Dame de Paris – Ô reine de douleur.
Ce silence, on le retrouve aussi dans La Panthère des Neiges, où l’écrivain attend, sur les hauteurs du Tibet en compagnie de Vincent Munier, que la panthère, appelée Saâ en tibétain, se montre. Dans le livre, alors que la panthère leur apparaît par trois fois, elle les invite à ne rien faire, à laisser glisser ce moment de légèreté et de simplicité que la nature leur impose.
« Cette réalité extraordinaire du monde, cette présence de la vie dans ses formes mystérieuses et étonnantes nous apparut. Tout est là sous nos yeux dans une réalité préservée et non augmentée. […] C’était le plus beau jour de ma vie depuis que j’étais mort. »
Sylvain Tesson
Dans le roman, la nature repose plus que jamais dans sa souveraineté, mais aussi semble-t-il dans sa cruauté. La panthère chasse, la panthère attaque. C’est cette hostilité naturelle que Sylvain Tesson nous rappelle et qui contredit l’image souvent trop lisse qu’on nous donne à voir de la nature. Mais si la loi du plus fort règne, la Nature, elle, repose dans une organisation parfaite. L’auteur n’appelle pas à un retour à la nature, mais un retour de notre nature. L’idée qu’en tant qu’être de sagesse nous ne pouvons pas tout attaquer ni maîtriser dans la précipitation. Nous devons regarder « l’aménagement de la vie dans toutes les strates du monde, être dans la dévotion du miracle vivant. » dit-il. Grâce à la patience et l’observation, nous conservons le joyau qu’on appelle naïvement Notre Monde.
S’il nous invite parfois à quitter la ville, Sylvain Tesson nous apprend aussi à voir, à faire pause.
Par Léopold Célereau.
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