Depuis le 25 janvier 2021, le MOOC « Elles font l’art » est disponible gratuitement sur la plateforme FUN. « Elles font l’abstraction » est une exposition à l’initiative du Centre Pompidou qui aura lieu au printemps prochain. Ce Massive Open Online Courses (MOOC) est réalisé en partenariat avec l’Université du Québec à Montréal pour donner aux femmes artistes, si souvent mises de côté, la place qu’elles méritent dans l’Histoire de l’art.
Grâce au parcours chronologique, les participants (re)découvrent des artistes talentueuses, aux styles diverses, qui ont réussi à se faire une place au sein des mouvements artistiques de 1900 à nos jours. De nombreux sujets y sont abordés, de la place de la femme dans l’art jusqu’à la déconstruction de la vision masculine et hétérosexuelle de cette discipline, en passant par l’importance du mouvement avant-gardiste pour les femmes artistes. « Elles font l’art » donne la parole à des références du féminisme en art, comme la professeure d’Histoire de l’art Thérèse St-Gelais spécialiste du féminisme et du genre. Ce travail a été réalisé grâce à la collaboration fructueuse entre professionnelles de la culture et professionnelles de l’art. Mais ne vous y méprenez pas, ce MOOC n’est pas réservé aux femmes, il est ouvert à toutes les personnes qui souhaiteraient en apprendre davantage sur ce sujet !
Il y a tant à découvrir…
Les femmes inspirent les artistes depuis la naissance de l’art, alors pourquoi ne pas s’intéresser à elles en tant que créatrices ?
Des débuts dans l’ombre
Au XIXème siècle, ces dernières n’ont pas accès à la même éducation artistique que les hommes. Elles peuvent, en effet, s’intéresser à l’art mais ne doivent surtout pas souhaiter faire carrière dans ce domaine encore très masculin. Pour accéder à l’Académie des Beaux-arts – interdite aux femmes jusque 1906 en France – ou pour exposer leurs créations, certaines, comme la sculptrice Jane Poupelet, se travestissent en homme et signent leurs œuvres d’un pseudonyme. D’autres, comme Jeanne Itasse-Broquet, ont la chance de grandir dans une famille d’artistes et peuvent ainsi, avoir facilement accès aux matériaux et aux conseils leurs permettant de se perfectionner.
Les codes de l’art se modifient
Le XXème siècle ouvre les portes des écoles aux femmes mais ces dernières restent encore trop souvent cantonnées à des domaines dits « féminins » (la peinture : nature-morte ou portrait ; la broderie, les arts décoratifs etc.) souvent en lien avec le foyer familial. A la même époque, les mouvements avant-gardistes se développent et déconstruisent les codes de l’art. Les femmes artistes y voient alors une opportunité d’intégration bien que nombre de ces mouvements soient encore très machistes voire misogynes.
Bien qu’évoluer dans une famille ou un couple d’artistes au XXème siècle semble être un atout pour accéder au monde de l’art, le rapprochement entre une femme et un homme, tous deux artistes, n’est pas forcément avantageux pour la carrière artistique de la femme ni pour sa place dans l’Histoire de l’art.
La citation de Simone de Beauvoir « Il n’y a qu’un travail autonome qui puisse assurer à la femme une authentique autonomies » s’applique parfaitement aux artistes. Nombre d’entre elles ont été réduites au rang de « femme de », « fille de », « mère de » avant d’être peintres, sculptrices, photographes ou créatrices. De la même manière, dans l’Histoire, le statut de muse ou de modèle écrase bien trop souvent la carrière artistique. Ce manque de reconnaissance est à l’origine d’un vide historiographique important autour de femme artiste, largement oubliée, ou du moins, sous représentée. Cette situation impacte aujourd’hui les institutions culturelles. Comment pouvons-nous y remédier ?
Un réveil culturel
Bien qu’une partie importante des institutions culturelles ait pris conscience du manque de représentation des femmes dans l’art, il reste beaucoup de progrès à faire dans le secteur de la culture en France dans le monde.
Des inégalités marquées…
Au sein des institutions culturelles, les œuvres réalisées par des femmes sont nettement moins présentes dans les collections permanentes d’Art Moderne que celles réalisées par des hommes. Les travaux des artistes femmes avoisinent généralement 15% d’une collection. Les expositions monographiques sont également plus souvent consacrées à des hommes. On retrouve le même phénomène sur le marché de l’art : les femmes artistes y sont très peu représentées et leurs cotes restent toujours plus faibles que celles des hommes.
Mais des progrès constants
Il est toutefois important de reconnaître que la prise de conscience commence à porter ses fruits et pousse les institutions à se renouveler. Pour la première fois en 2018, les collections publiques ont acquis autant d’œuvres réalisées par des femmes que par des hommes. Le Centre Pompidou en est un très bon exemple : en 2020, les œuvres des artistes femmes représentaient 21% de la collection totale contre 18% en 2010. Le Musée national d’Art Moderne souhaite en effet acquérir plus d’œuvres réalisées par des femmes artistes. Cette ambition est inspirée par le succès de l’accrochage thématique innovant réalisé en 2009 « elles@centrepompidou » ne présentant que des œuvres réalisées par des femmes artistes.
La commissaire de cette exposition, Camille Morineau est l’une des figures majeures de la diffusion des femmes artistes et leur travail. Elle est la créatrice de l’association AWARE (Archives of Women Artists, Research and Exhibition) et de son site internet gratuit bilingue français-anglais, qui met à la disposition de tous, des connaissances sur les femmes qui ont marqué le monde de l’art. L’association organise également des colloques comme « Parent-elles, compagne de, fille de, sœur de… : les femmes artistes au risque de la parentèle » qui s’est déroulé en septembre 2016. Ces journées de discutions abordent les effets parfois occultants qu’ont les liens familiaux sur la création des femmes. Toutes ces initiatives accompagnent la reconnaissance croissante accordée aux femmes artistes dans le monde culturel ces dix dernières d’années.
Un pas vers l’égalité ?
Vous êtes alors en droit de vous demander, pourquoi est-ce si important de s’intéresser aux femmes artistes en particulier ? Pourquoi réaliser des expositions uniquement consacrées à celles-ci ? Et pourquoi ne pas faire un MOOC sur l’art en général en y intégrant des femmes ?
Tout d’abord, ces initiatives permettent de découvrir un pan de l’histoire de l’art encore méconnu à ce jour. Mettre en valeur les femmes artistes dans un MOOC ou une exposition constitue une chance supplémentaire de découvrir de nouvelles artistes, des œuvres qui touchent le spectateur pour leur esthétique ou pour leurs sens. Pour nous, passionnés d’art, n’est-ce pas ce que l’on souhaite : apprendre ? comprendre ? être ému ?
Ces actions centrées sur les femmes artistes sont une introduction à un nouveau monde culturel : elles éveillent les esprits, la curiosité, elles procurent l’envie d’en voir davantage. C’est ce qui mènera ensuite à la parité dans les collections. Par « parité », je n’entends pas l’obligation ferme que la moitié des œuvres d’une collection permanente soit réalisée par des femmes - notamment si cela empêche l’acquisition d’une œuvre reconnue réalisée par un homme. Non, j’imagine des collections permanentes ou des expositions temporaires qui révèlent une réelle représentation de l’Histoire de l’art mélangeant créateurs et créatrices, d’origines, de styles et de visions différentes. J’entends par parité le fait de tendre vers un idéal dans lequel les femmes artistes ont une place équivalente à celle des hommes dans les musées et dans l’Histoire de l’art.
N’attendez plus !
Alors, pour obtenir votre dose de culture, que la fermeture des musées ne facilite pas, profitez du couvre-feu pour découvrir de talentueuses artistes et de belles œuvres dans le MOOC « elles font l’art » disponible jusqu’au 25 juin 2021. À la fin du MOOC, vous recevrez une attestation de vos acquis suite aux quizz réalisés tout au long du cours.
Belle découverte ! N’hésitez pas à aller voir le MOOC grâce au lien ci-dessous.
Adèle Desmichelle
Sources
Le MOOC « Elles font de l’art »
RIVIERE, Anne. Jane Poupelet 1874-1932, Roubaix, Gallimard, 2005, p.12-16.
ADLER, Laure, VIÉNILLE Camille. Les femmes artistes sont dangereuses, Paris, Flammarion, 2018.
CHAPPEY, Frédéric, et RIVIERE, Anne. Sculpture’Elles – Les sculpteurs femmes du XVIIIe siècle à nos jours, Boulogne-Billancourt, Édition d’art Somogy, 2011
LICHTENSTEIN, Jacqueline, et POLLOCK Griselda. « Griselda Pollock : Féminisme et histoire de l’art ». Perspective. Actualité en histoire de l’art, no 4, 31 décembre 2007, p568-584.