Motown Records et sa postérité

Lorsque l’on pense à un artiste, on pense aux musiques qu’il a interprété, les albums qu’il a produits… Un seul élément manque toujours, sa maison de disque. Je ne suis pas capable de citer les labels auxquels mes artistes préférés appartiennent. Pourtant, il existait une époque où les maisons de disques avaient une signature propre : le son, les instruments utilisés. Elle laissait sa patte sur chaque morceau de ces artistes et on pouvait facilement reconnaitre à quelle maison appartenait l’artiste. Nous allons donc faire un retour dans le passé et parler d’une maison disque qui a fondé la musique de son époque dans les années 60 à 70 : Motown Records ou à son origine Tamla.

Mais parlons tout d’abord de son fondateur Berry Gordy Jr qui a révolutionné et changé la trajectoire de la musique afro-américaine aux Etats Unis. Berry Gordy était un boxeur raté et un ancien soldat qui s’est battu lors de la guerre de Corée. A son retour, il développe un intérêt pour la musique et plus particulièrement la soul et le jazz. En 1958, il écrit deux chansons ayant un succès plutôt modeste et décide de réinvestir ses royalties de 3,19 dollars et d’un prêt de 800 dollars dans la création de sa propre maison disque à Detroit : Tamla. Le first single de Tamla, ‘Come to Me’ de Mary Johnsons reçoit un certain succès près de Detroit et signe pour le sortir à l’échelle nationale.

Money that’s what I want!

Le premier single qui va vraiment permettre le succès de la maison de disque dans ses débuts est ‘Money (That’s What I Want)’ de Barrett Strong. Il sera repris postérieurement par les Beatles ou encore les Rolling Stones. Il est très symbolique que ce soit ce morceau qui entame la popularité de Tamla Records. En effet, il représente la philosophie de Berry Gordy Jr. La maison de disque doit faire des hits qui lui font gagner de l’argent et il est prêt à tout pour réaliser ce souhait.

Avant de continuer l’histoire, il faut comprendre une chose : Berry Gordy est un businessman. Il ne croit pas au pouvoir mystique de l’artiste et de la création. Il pense aux intérêts et aux différentes manières pour gagner plus.

Le but de Berry Gordy était de faire entrer la musique afro américaine soul dans la pop mainstream des Etats Unis. A l’époque, les afro-américains ne représentaient que 10% de la population. Les artistes noirs n’étaient connus que de manière régionale et communautaire. Les blancs écoutaient de la musique fait par des blancs et les noirs de la musique fait par des noirs. Tamla Motown veut gommer la couleur de peau de ses artistes pour pouvoir démocratiser dans l’ensemble des Etats-Unis sa musique, pour les noirs mais surtout pour les blancs.

Stax records: un rival de taille

La maison de disque qui est considéré comme sa plus grande compétitrice est Stax Records, et elle a une philosophie inverse. C’est une maison disque du sud, plus précisément de Memphis. Elle prend position durant le mouvement des années 60, elle assume et célèbre son identité afro-américaine. Elle signe des artistes comme Otis Reading ou Bill Cosby. A Stax, la musique est faite par des ‘artisan’, elle est relativement simple pour garder l’essence de la musique noire.

A l’inverse, chez Motown, la musique est une industrie et tout est pensé. Il y avait des arrangeurs musicaux, des grands interprètes, des costumiers, des chorégraphes. La musique de la Motown est toujours très arrangée : on ne la laisse pas telle quelle. Le ‘son’ de la Motown peut être reconnue par l’usage du baryton, d’un certain son de guitare et de ses thèmes récurrents comme celui de l’amour. Ainsi après avoir sorti ‘My Guy’ avec Mary Wells, la maison sort ‘My Girl’ pour les Temptations. Il fallait faire une musique lissée pour plaire à un public très large. Tout est pensé pour permettre le crossover des cultures aux Etats-Unis. Berry Gordy va réussir son pari.

Dans les trois premières années de sa création, Tamla va signer Marvin Gaye, Steve Wonders, les Supremes et les Temptations. Plus tard, il signera les Jackson Five et Martha Reeves and the Vendellas. Toutes les semaines, la maison de disque sortira un nouveau hit en concurrence avec la musique blanche de l’époque tel que les Beatles ou bien les Beach Boys.

Martha Reeves & The Vandellas ou l’opportunisme de Gordy

Une des histoires ou pourrait-on dire légende les plus connues au sein de la maison de disque est la formation du groupe Martha Reeves and the Vandellas. Martha Reeves, qui a prêté son nom au groupe, était une chanteuse le soir dans des bars et une secrétaire au sein de la maison de disque le jour. Un jour, Berry Gordy entre dans son bureau sans qu’elle ne s’en soit rendu compte et l’écoute chanter. Opportuniste qu’il est et souhaitant signer un nouveau groupe, il lui crée un groupe de chanteuse et sors en 1964 la célèbre chanson ‘Dancing in the Street’ qui sera Numéro 2 dans le Billboard Hot 100. Berry Gordy avait toujours les bonnes intuitions pour signer des artistes qui allait faire des hits.

Cette chanson va être reprise dans les années 1980 par Mick Jagger et David Bowie.

What’s going on – Le rendez-vous presque raté de Tamla

Comme mentionné précédemment, Marvin Gaye est un des premiers artistes à avoir signé avec la maison de disque. Cela fait pratiquement plus de 15 ans qu’il y est. Après les évènements de 1969, et la brutalité policière dont il a été témoin, Marvin Gaye veut faire un album politique parlant de la Guerre du Vietnam, de l’écologie ou bien encore du mouvement pour les droits civiques.

Seulement, cela n’est pas du goût de Berry Gordy. La politique ne devrait pas intervenir dans la musique. Cela peut diviser l’audience et consécutivement faire perdre en revenu et réputation la maison de disque. Lorsque Stax avait une pris position politique, elle avait perdu une bonne partie de son audience. Berry Gordy veut donc rester sur du politiquement correct en parlant de sujets universaux comme l’amour. Il désire garder une audience ‘crossover’, noire et blanche.

Marvin Gaye décide alors qu’il ne sortira rien si on ne lui laisse pas enregistrer cet album. A cette époque, il est déjà un artiste très influant aux Etats-Unis et contribue en grande partie au succès de la maison de disque. Marvin Gaye ressort vainqueur du bras de fer et l’album va sortir. Il est vendu a plus de deux millions d’exemplaire et reçoit deux nominations aux Grammys. Il sera qualifié par le journal AllMusic comme ‘l’album le plus important et passionné de la musique sortant de la soul, interprété par l’une des plus grande voix’. Berry Gordy n’a donc pas toujours raison.

En 1971, Marvin Gaye va signer un nouveau contrat avec la Motown valant 1 million de dollars, soit le deal le plus lucratif pour artiste noir à l’époque.

Sources :

Motown : https://classic.motown.com/timeline/

Podcast :

Stax et Motown : histoire de la bande originales des sixties et seventies – La nuit de la culture https://open.spotify.com/episode/0WuFbrdxUz4wWVcbBH6Nhf?si=fe7a63800efb4b3a

Lucie Duthuillé