Comment visiter un musée sans quitter son fauteuil ?

Le 6 février 2021, 100ème jour de fermeture des lieux d’exposition, a marqué un tournant dans l’histoire des musées. Du jamais vu. Si le temps n’est plus à la course dans la grande galerie du Louvre comme celle qui entraîne Frantz, Arthur et Odile dans le Bande à part (1964) de Jean-Luc Godard ou celle de Matthew, Théo et Isabelle dans The Dreamers de Bernardo Bertolucci (2003), la visite de musée et la contemplation des œuvres n’en restent pas moins possibles. 

Mis à part les visites virtuelles, il existe un bon moyen de voyager à travers des siècles d’histoire de l’art : le cinéma. Il regorge de films en tout genre dont les sujets vont de la découverte archéologique (The Dig de Simon Stone récemment sorti sur Netflix), jusqu’à l’exposition en salle (The Square, Ruben Östlund, 2017), en passant par les étapes de la création (Frida, Julie Taymor, 2002). À travers une liste subjective de films, nous allons voir comment l’art et les musées sont mis en scène au cinéma.   

Bande à Part (1964) versus The Dreamers (2003)

 L’artiste sous l’œil des cinéastes   

Tout d’abord, les biographies de créateurs s’imposent comme un thème récurrent au cinéma. Un grand nombre de réalisateurs s’est prêté au jeu de retranscrire plus ou moins fidèlement la vie d’un artiste. Van Gogh est par exemple l’un des peintres qui a donné lieu au plus grand nombre de biopics. On ne compte pas moins de quinze déclinaisons depuis 1948. La première prend la forme d’un court métrage réalisé par Alain Resnais ; puis d’autres grands réalisateurs de différentes nationalités se prêtent à l’exercice. On peut citer Vincente Minnelli en 1956 avec La vie passionnée de Vincent Van Gogh, Robert Altman en 1990 avec Vincent et Théo, Maurice Pialat en 1991 avec Van Gogh pour lequel Jacques Dutronc remporte le César du meilleur acteur pour son interprétation du peintre, ou encore plus récemment Julian Schnabel en 2018 avec At Eternity’s Gate pour lequel William Dafoe a été nommé aux Oscars dans la catégorie du meilleur acteur.  

D’autres artistes célèbres ont été mis en avant au cinéma comme le néerlandais Vermeer de Delft dans La Jeune fille à la perle de Peter Webber en 2003, entremêlant  réalité et fiction (la jeune fille à la perle, véritable personnage, entretient une liaison avec le peintre), ou comme la sculptrice Camille Claudel dans le film éponyme de Bruno Nuytten récompensé aux Césars dans les catégories de meilleure actrice (Isabelle Adjani transcendante), meilleur film, meilleurs décors, meilleure photographie et meilleurs costumes. Dans un autre registre, Tim Burton s’est aussi essayé aux biopics à travers Big eyes (2014) racontant l’histoire d’un couple de peintres, les Keane, dont l’histoire a fait scandale à la fin des années 1950 aux États-Unis. 

Si vous vous intéressez aux artistes, mis à part les biopics romancés de vie d’artiste, il existe de très célèbres documentaires tel que Le mystère Picasso (H.G Clouzot, 1956) qui s’attache à représenter le peintre au travail dans son atelier sans aucun artifice cinématographique ; le film est dénué de musique ou de tout mouvement de caméra.  

Sur un ton moins sérieux mais tout aussi intéressant, il existe au cinéma de nombreux artistes imaginaires qui fournissent des personnages principaux ou secondaires. On trouve cela dans l’inoubliable Meurtre dans un jardin anglais de Peter Greenaway (1992) ou dans le non moins fameux Roi et l’oiseau de Paul Grimault et Jacques Prévert (1952), où cette fois-ci, l’artiste n’est plus qu’un personnage secondaire permettant d’accentuer le caractère tyrannique et ridicule du protagoniste, le roi de Takicardie.  

Peintures et cinéma – Blow Up – ARTE

Quand la frontière entre la toile et le film se brouille 

Les artistes, qu’ils soient réels ou imaginaires, ont servi de sujet à de nombreux réalisateurs. D’autres préfèrent s’inspirer des œuvres, qu’ils revendiquent plus ou moins directement comme influence esthétique. Pour rester dans le thème, évoquons Akira Kurosawa, réalisateur japonais, qui propose dans son film Dreams sorti en 1990, un hommage à Van Gogh dont il utilise les tableaux comme support : les toiles se transforment en décor où se promène un héros qui finit par rencontrer le peintre sous les traits de Martin Scorsese en plein travail sur le motif. 

De nombreux autres films partent d’une œuvre précise pour définir une ambiance. Ainsi a procédé Lars Von Trier avec Melancholia (2011) en reprenant presque trait pour trait l’Ophélie du peintre préraphaélite anglais John Everett Millais qui a représenté une jeune fille dérivant à la surface d’une rivière parmi des fleurs. La relation entre peinture et cinéma est également très forte dans Psychose d’Alfred Hitchcock (1960) : l’hôtel de la famille Bates semble tout droit sortie de la toile Maison au bord de la voie ferrée du peintre américain Edward Hopper (1925). Dans le registre du cinéma d’animation, les décors du Roi et l’oiseau déjà cité sont un hommage explicite au peintre métaphysique Giorgio de Chirico.  

Film meets Art III

Le musée : une place à part dans l’imaginaire du cinéphile 

Plus encore qu’une toile prenant la place d’un décor de cinéma, on trouve de nombreux films qui se déroulent en partie ou totalement dans un musée. Le Louvre est souvent au cœur de l’action. On peut citer la très récente série française Lupin où l’intrigue débute par une course poursuite devant le bâtiment et s’achève dans la pyramide inversée. De même, le très contesté Da Vinci Code, adapté du roman de Dan Brown, qui s’organise autour d’une interprétation ésotérique des œuvres de Léonard de Vinci.  

Le musée peut encore être un lieu de rencontre professionnelle (comme celle de James Bond et du chercheur Q à la National Gallery de Londres dans Skyfall), amoureuse (comme dans Il était temps où les héros se retrouvent à une exposition sur Kate Moss) ou encore fantastique (comme Dans la nuit au musée de Shawn Levy, 2005 où les œuvres prennent vie durant la nuit).  

Le musée peut également être le centre d’intérêt du film, comme dans The Square, palme d’or 2017, où le protagoniste, conservateur d’un musée d’art contemporain, présente sa propre vision de l’art en préparant une exposition. Le musée est ici l’élément clef du scénario et le sujet réel du film. 

Le musée au cinéma

Pour aller plus loin, d’autres films proposent quant à eux une réflexion sur l’art et son histoire, le musée et son rôle social, ou encore la critique et ses préjugés. Par exemple, Les statues meurent aussi d’Alain Resnais (1953) interroge sur la place de l’art africain au musée de l’Homme à la fin de la période coloniale. Ce film qui fit scandale à l’époque pour son point de vue anticolonialiste, est intéressant à voir aujourd’hui alors que se pose la question du retour des œuvres dans leur pays d’origine. Sur un ton plus léger, la comédie romantique Le sourire de Mona Lisa de Mike Nichols (2003), sorte de Cercle des poètes disparus féminin, offre une réflexion sur l’histoire de l’art.  

Cette liste non exhaustive de films s’inspire du format proposé par la série documentaire d’ARTE Blow up. En attendant la réouverture des musées et des autres institutions culturelles, elle offre autant d’occasions de se plonger, le temps d’une soirée, dans une ambiance réellement et délicieusement artistique. 

Laurie-Anne Dubos

Sources :  

https://www.senscritique.com/liste/Biopics_de_peintre/79754

https://www.lemonde.fr/cinema/article/2017/10/18/the-square-un-triste-heros-des-temps-modernes_5202323_3476.html

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