Exposition Éloge de la sensibilité : du 15 février au 12 mai 2019 au musée d’arts de Nantes
Dans le premier Livre de ses Confessions, Rousseau affirme :
« Je ne suis fait comme aucun de ceux que j’ai vus ; j’ose croire n’être fait comme aucun de ceux qui existent. »
Cette phrase illustre parfaitement un XVIIIe siècle en quête d’individualité. Portraits d’apparat, naissance de l’idée de l’enfance telle qu’on la conçoit aujourd’hui, sentiments dévoilés et exacerbés… L’exposition Eloge de la sensibilité aborde quelques-uns des thèmes phares du XVIIIe siècle. Nul chef d’œuvre mais quelques tableaux charmants. Jean-Baptiste Greuze, Chardin, peintres français notoires du XVIIIe siècle, permettent de se représenter la riche histoire de cette période.
Une première salle, l’apparat et l’intime, expose des portraits d’apparat de grands bourgeois. Ces tableaux illustrent le désir bourgeois de posséder ce qui au siècle précédent était encore le privilège de la noblesse. Tel que l’explique Galienne Francastel, docteur ès lettre, dans son article « Portrait » de l’Encyclopédie Universalis : « Le XVIIIe siècle fut une grande période de renouveau du portrait et le XIXe a donné à ce genre une ampleur qui n’avait encore jamais été atteinte. […] À défaut d’une galerie d’ancêtres dans un château, une collection de miniatures dans un appartement […] leur procure le sentiment de se projeter dans la postérité. »
De l’héritier dynastique à l’enfant chéri des Lumières
Dans un deuxième temps, le visiteur est amené à découvrir des portraits de famille et d’enfants. Les enfants, considérés jusqu’alors par une majorité de la population comme des adultes miniatures commencent tout doucement à être perçus comme des individus en période de transformation, qui doivent faire l’objet d’une éducation soignée. Les tableaux présentés témoignent de la curiosité toute particulière qui leur est alors accordée.
Dans la salle consacrée aux Troubles et émois, la primauté accordée par les Bourgeois du XVIIIe siècle aux sentiments individuels est mise en exergue. On aura une attention toute particulière pour la Tête de jeune fille au ruban bleu de Jean-Baptiste Greuze. Voilà un portrait sensuel et voluptueux, sans doute l’une des plus belles pièces de l’exposition.
Jean-Baptiste Greuze, Tête de jeune fille au ruban bleu
La salle suivante, Une mythologie moderne, la théâtralité au quotidien, souligne les liens entre peinture et théâtre. Ces deux arts ont pour objectif de raconter par l’image, qu’elle soit statique ou en mouvement. Sous l’Ancien Régime, les scènes représentées sont avant tout mythologiques, bibliques ou historiques. Petit à petit, le drame familial et la scène de village apparaissent. Comme l’explique l’historienne de l’art Martine Kahane :
« Au 18e siècle, le drame théâtral concurrence la tragédie, de la même façon qu’en peinture, les toiles de scènes familiales et pathétiques de Greuze rivalisent avec le genre tragique religieux (martyrs, crucifixions…). Cette tension entre grandeur antique et séduction moderne correspond à des changements politiques et sociaux : le drame bourgeois à la scène, tout comme les mutations dans la hiérarchie des genres artistiques, correspondent à la forte poussée de la bourgeoisie dans tous les domaines. »
Pierre-Jacques Volaire, Eruption du Vésuve et vue de Portici, 1767
La « mutation dans la hiérarchie des genres artistiques »
Ce concept évoqué par l’historienne trouve sa résonnance dans les salles suivantes. En effet, les salles intitulées « On m’appelle nature et je suis tout un art », Voltaire et Le spectacle de la nature illustrent l’intérêt croissant des peintres pour les représentations de paysages. Auparavant, on les considérait appartenir à un genre mineur. Les représentations pittoresques d’une nature magnifiée annoncent l’attachement tout particulier des peintres du siècle suivant pour le paysage, avec une interprétation plus libre et émotionnelle. La salle dénommée Rendre sensible la matière consacre le réalisme virtuose propre au XVIIIème siècle non plus aux paysages mais aux natures mortes.
Enfin, cette exposition se clôt sur une « promenade sensorielle ». Musique, odeurs, tissus et expressions propres au siècle des Lumières sont présentés aux visiteurs de façon ludique. Exposition sans prétention, Eloge de la sensibilité met ainsi en lumière la montée en puissance de la classe bourgeoise au XVIIIème siècle. Tout cela à l’aide d’un parcours didactique et de tableaux charmants.
Image mise en avant : Adélaïde Labille-Guillard, Portrait de femme, 1787