Ils font pff, tsss, tchak, claquent la langue contre leur palais… Ils ont le rythme dans la peau (dans la bouche pour être précis) et imitent n’importe quels instruments à la perfection. On les appelle les beatboxers.
À l’occasion des Journées de la Créativité organisées par Chtiing, quelques élèves de la Majeure Culture, dont moi-même, ont eu la chance de faire une initiation au beatbox, avec les trois mousquetaires de l’école LyreBird, Keumart, Jeyb et DuJ’. De cette initiation m’est venue une interrogation : mais d’où vient cette pratique ?
La boîte à rythme humaine, ou le Human Beatbox pour les anglophones confirmés, est simplement l’art de reproduire des sons avec sa bouche. Il s’agit bien sûr de sons de batterie, mais également d’autres sons d’instruments de musiques ou de bruitages en tout genre – oui, je peux désormais imiter le vent et la caisse claire.
Les origines
Il y a 600 ans existait le Konnakol, une technique de percussion vocale issue de la tradition carnatique de l’Inde du Sud. La Chine avait également son propre beatbox : le Kouiji, une technique permettant d’imiter les bruits du quotidien avec sa bouche.
Au XIXe siècle, Ella Fitzgerald performait en scat, une pratique vocale issue du jazz. Vous l’aurez compris, imiter des percussions avec sa bouche est une pratique qui ne date absolument pas d’hier.
Mais le beatbox d’aujourd’hui se différencie de ces techniques à bien des égards. Pour comprendre, montons dans notre DeLorean et retournons dans les années 70 pour parler du hip-hop du South Bronx de New York.
Le terme « beat box » a été utilisé pour la première fois dans les années 70, avec l’apparition de l’une des premières boîtes à rythme programmables, le ComputeRhythm. Ces appareils étaient de véritables joyaux pour les compositeurs de l’époque. Mais qui dit joyau dit argent, beaucoup d’argent. Or, je ne vous apprends rien en vous disant que les habitants du Bronx étaient loin d’être riches. Et c’est ainsi qu’est né le beatbox : n’ayant pas les moyens de se procurer une boîte à rythme programmable pour faire du hip-hop, les rappeurs du Bronx ont inventé le beatbox en imitant les percussions à l’aide de leur bouche.
Mais au fil des années, le beatboxing est devenu bien plus qu’une simple parade utilisée par les rappeurs n’ayant pas les moyens de se payer une boîte à rythme.
Évolution
Dans les années 80, de plus en plus de beatboxers se font connaître et les techniques évoluent. Doug E Fresh fait notamment partie de cette génération instigatrice. C’est en effet à Doug que l’on doit la technique appelée le « click roll », le fait d’imiter les claquettes avec sa langue.
Biz Markie introduit quant à lui le chant :parvient à rapper, chanter, et beatboxer en même temps.
Le jazzman Bobby McFerrin s’inspire lui aussi de son insertion dans le hip-hop autant que dans le jazz et la soul pour sortir une majorité d’albums interprétés uniquement à la voix et où le human beatboxing a une place prépondérante. Qui, aujourd’hui, ne connaît pas le fameux « don’t worry, be happy » ?
Au début des années 90, le beatboxing se développe surtout au travers des battles, dans lesquelles les beatboxers tentent de se faire connaître. De ces battles émergent deux véritables légendes : Rahzel et Kenny Muhammad. Ce dernier fait partie des précurseurs modernes ayant contribué à la révolution technique du beatbox et a exercé une influence mondiale sur le beatboxing grâce à l’invention de techniques devenues universelles (par exemple la wind technique).
En France, certains noms restent encore des figures marquantes des années 1980-1990 : nous pouvons citer FAT, Fabulous Trobadors ou encore Sheek. Dans les années 90, le Saïan Supa Crew devient la figure majeure du beatboxing français grâce à une médiatisation de large audience lors de la sortie accidentelle (oui oui) du tube « Angela », qui n’était au départ qu’un interlude d’un ancien projet.
Et aujourd’hui ?
Ainsi, le beatbox est une discipline à part entière et ne sert plus seulement à accompagner les rappeurs. Aujourd’hui, les battles font toujours partie intégrante de la culture beatbox et se tiennent dans d’immenses salles aux quatre coins du monde. Fun fact : le premier championnat de France de beatboxing a eu lieu en 2006 à Marseille.
Autour de la technique évolutive du beatboxing se développe une véritable recherche musicale. Beaucoup d’artistes se servent de leur talent pour créer leur propre musique en studio à l’aide de loopstations qui permettent de superposer des sons, ou forment des groupes avec d’autres beatboxers pour explorer les possibilités infinies qu’offrent la discipline.
Bref, le beatbox est un art, un art fédérateur.
Parmi les meilleurs beatboxers du monde nous pouvons citer Berywam, Footbox G, Tom Thum, ou encore Kaila Mullady.
Et si l’on alliait beatbox et Petits LU ?
C’est ce qu’a permis l’atelier « biscuit nantais, façonnons son interprétation au travers des 5 sens : l’ouïe » qui s’est tenu le jeudi 21 avril. Le but était de mettre en mélodie le biscuit nantais, artefact culinaire retenu pour l’édition 2022 de Chtiiing. Mettre en mélodie…À l’aide du beatboxing ! J’ai eu la chance de participer à cette belle aventure avec deux autres élèves de la Majeure.
Après une dégustation à l’aveugle pour décrire les sensations ressenties en croquant dans un Petit Lu, nous avons choisi des instruments qui, selon nous, imitaient le mieux ces sensations. Une contrebasse pour le côté chaleureux, un bâton de pluie pour le côté réconfortant, un piano pour la douceur, des sons de vent, de sable et de biscuits…La rythmique et l’ambiance ont été réalisées uniquement à l’aide de notre bouche !
À dix, avec nos bouches, nous avons réussi à mettre en mélodie le biscuit nantais. Une très belle preuve du côté résolument fédérateur du beatboxing, non ?
Louise Schenk
Un exercice ?
Pour finir sur la petite histoire du beatboxing, je vous propose un exercice simple pour réussir à faire votre première rythmique ! Pour cette rythmique, nous aurons besoin de trois sons de base : le kick, le hit hat (ou le charleston) et la caisse claire.
- Le kick, ou la grosse caisse : on sert nos deux lèvres, on charge l’air derrière et on le relâche de manière explosive. C’est comme si vous disiez « pomme » mais sans vraiment prononcer le mot. On l’écrira « P »
- Le hit hat : on pose la pointe de la langue contre l’arrière des dents du haut et on prononce « T » en accentuant fortement. On l’écrira « t »
- La caisse claire : rien de plus simple…Prononcez un K (sans le son [a]) de manière bien accentuée. On l’écrira « K »
Prêt ? Il vous suffit maintenant d’enchaîner : P t K t / P t K t et d’en faire une boucle ! Si cela vous aide, commencez par prononcer les lettres telles-quelles puis accentuez progressivement. Vous pouvez également varier la rythmique avec cet enchaînement : P t K t t t K t.
Si mes explications incroyables ne font toujours pas tilt, voici une démonstration de notre Keumart préféré : https://www.youtube.com/watch?v=IoW-NvrVgmY
Sources