La musique dans les films a su s’imposer dès le début du cinéma. Aux prémices des films muets, la musique était là pour couvrir le bruit du projecteur. Un musicien improvisait généralement au piano au fur et à mesure du film ; on appelait ça « l’illustration de film ». Cette improvisation faisait correspondre l’intensité de la musique avec celle de l’image, mais il est vrai que cette méthode pouvait donner lieu à des associations étranges, voire désagréables. Plus tard, cette improvisation laissa place aux airs « préfabriqués », des mélodies propres à tout type de situation de film.
C’est là que certains musiciens allaient chercher des mélodies préfabriquées propres à toutes les situations cinématographiques. Ces titres portaient ainsi des noms suggestifs comme « suspens », « calme », « action », « tension ». Ainsi naquit la musique de film ! Même si ce type de musique existe toujours au cinéma, son rôle a néanmoins évolué. En effet, son rôle fonctionnel a laissé place à un rôle complémentaire à l’image où l’émotion provoquée par la musique joue un rôle prépondérant.
Un peu d’histoire de la musique de film…
La première musique originale de film fut composée en 1908 par Camille Saint-Saëns pour le film L’Assassinat du duc de Guise (Charles Le Bargy). En 1927, le premier film sonore Le Chanteur de Jazz permit d’élever la musique de film à un cran supérieur avec notamment la composition de « bandes originales », une compilation de musiques destinées au même film.
Par ailleurs, les bandes originales de films devenant de véritables œuvres musicales, leur succès ne cessait de grandir. Ce n’est qu’une quinzaine d’années après les premières cérémonies des oscars que la musique de film commença à être considérée avec l’oscar de la meilleure chanson originale. À partir des années 70, l’oscar de la meilleure musique de film récompensa l’ensemble de la bande originale d’un film.
De nos jours, un film ne se crée pas sans musique, car cette dernière est devenue un élément essentiel de la narration. De Ennio Morricone à Hans Zimmer en passant par John Williams, la musique de film est devenue un genre à part entière. Beaucoup d’artistes ont ainsi apporté une touche unique à des scènes iconiques de nos films préférés, permettant ainsi de garder longtemps un souvenir de film, parfois plus que l’image en elle-même.
La musique imitative de l’image
La musique dans les films est avant tout là pour accompagner l’image et mettre en valeur les sentiments représentés à l’écran, quitte parfois à caricaturer (ex. Fantasia). On dit d’ailleurs que la première note est créée pour le film et non pour le compositeur. Souvent inaperçue, elle accompagne la transition entre deux actions, permet de mieux discerner une émotion, de donner sens à un regard, de comprendre plus facilement le film. Une même scène sans la musique n’aura probablement plus le même sens. S’il ne faut pas spécialement constater sa présence, il faut surtout regretter son absence.
La musique dans les films aide également à consolider les émotions que le réalisateur veut transmettre à travers l’image. Stanley Kubrick, dans 2001, l’Odyssée de l’espace s’est ainsi servi de la musique afin de traduire le comportement étrange de l’ordinateur Hal.
La musique dans les films, créatrice d’émotions
Emmanuel Kant a dit : « La musique est la langue des émotions », et ce n’est pas faux. Pour le spectateur, la musique est susceptible de générer toute une palette d’émotions : la tristesse, la joie, la peur ou encore la colère. Parfois, ce que le réalisateur peine à transmettre par l’image en termes d’émotions, il l’amplifie par la musique. Pour les musiques joyeuses provoquant le sourire ou le fait le plisser les yeux, les compositeurs vont utiliser un tempo animé et des voix chantées entrainantes (ex. Happy de Pharell Williams). Pour des musiques tristes, on privilégiera un piano au rythme lent et aux mélodies graves, une voix souffrante, etc.
Là où la musique fait le plus d’effet, c’est lorsqu’on parle de la peur. Les réactions psychologiques peuvent être variées : une augmentation du stress, une accélération du rythme cardiaque, etc. Ainsi, dans ces musiques, le rythme est crescendo, le volume grandit puis disparait soudainement pour provoquer le frisson chez le spectateur, l’ambiance est pesante, les accords sont dissonants, le climat est étrange et angoissant. C’est dans des films horrifiques ou angoissants que la magie de la musique opère. Soyons francs, sans le thème de John Williams, nous n’aurions pas aussi peur des requins, c’est d’ailleurs plus le thème qui provoque la peur et non le requin en lui-même. La scène de la douche dans Psychose n’aurait pas été si mémorable sans sa musique si terrifiante.
Le leitmotiv, ou la création d’un personnage
La musique dans les films accompagne l’image et crée des émotions, mais son rôle prend son sens lorsque lorsqu’elle participe à l’identification des personnages voire leur création, c’est le Leitmotif.
Le leitmotiv a été inventé par Wagner pour sa Tétralogie de l’Anneau de Nibelung. Le principe consiste d’associer un thème ou une mélodie à un personnage ou une situation. Cette mélodie participe ainsi à l’identification des personnages. Dans une scène du 3e épisode de Star Wars où Anakin Skywalker se transforme peu à peu en Dark Vader, Jonh Williams s’amuse à mélanger les thèmes de façon subtile, passant ainsi du thème d’Anakin au thème de Dark Vador en fin d’épisode. Le désordre psychologique du personnage est extrêmement ben représenté à travers la musique dans le film. Un autre exemple pourrait être dans Pirates des caraïbes : le secret du coffre maudit lorsqu’on entend battre le cœur de l’antagoniste dans le thème Davy Jones de Hans Zimmer, ce cœur à la fois source de son immortalité, mais aussi son plus grand point faible. Cette dualité entre danger et faiblesse est très bien représentée dans la musique.
Voir la vidéo : https://www.youtube.com/watch?v=L0JbaZtoKAs
Un film sans musique ?
Jusqu’ici on a parlé principalement des productions hollywoodiennes où la musique classique est surreprésentée, mais il faut savoir que tous les réalisateurs n’aiment pas la musique. En effet, des réalisateurs comme Robert Bresson ou Renoir préfèrent le son à l’image. C’est alors la bande-son, lorsqu’elle est utilisée dans toute sa profondeur, qui joue ce rôle de continuité narrative. Le son, ou du moins l’absence de musique peut dégager une certaine froideur et un réalisme saisissant. C’est notamment l’intention dans le film Pickpocket de Bresson. Si on fait un parallèle avec les émotions dégagées par la musique, son absence dans une scène peut être parfois très pertinente. Par exemple dans Scarface de Howard Hawks (SPOILER), le premier meurtre du Gros Louis est accompagné d’un simple sifflotement de Tony Montana. La disparition de la musique dans cette scène soulève l’absence d’émotions du gangster. L’effet n’en est que plus impactant.
Les bandes originales font désormais partie intégrante du paysage de la musique contemporaine. Imitatrice de l’image et créatrice d’émotions, son rôle est primordial dans un film. Ce n’est pas un remplissage du silence, car si le film a besoin de calme, il faut le garder. Elle fait cependant vivre le scénario d’un film, humanise nos personnages et sublime des scènes devenues mémorables.
Julien Saul
Sources :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Musique_de_film
https://www.ledevoir.com/bis/551033/musique-cinema-frissons
https://www.erudit.org/fr/revues/sequences/1958-n14-sequences1159036/52218ac.pdf