Louis Vuitton, Hermès, Cartier, Fendi, il est aujourd’hui commun de constater que les plus grandes marques de luxe du monde possèdent une fondation à leur nom.
Mais qu’est-ce qui les pousse à créer leur fondation d’art ? Une manière de redorer son image ? S’imposer dans un nouveau secteur élitiste ? Un moyen de défiscalisation ? Ou bien est-ce une manière subtile d’avancer que les pièces de mode, sont comparables à des œuvres d’art ?
Le luxe et l’art, une longue histoire d’amour
YSL, Guerlain, Chanel, Dior, … le luxe a déjà fait un pas dans le monde de l’art en créent des musées ou expositions, et en exposant leurs plus belles créations aux yeux du grand public.
Au cours de l’année 2022, la maison Yves Saint Laurent a organisé une exposition des pièces du designer éponyme à travers 6 musées de Paris (musée YSL, musée du Louvre, centre Pompidou, musée Picasso, musée d’Art Moderne et le musée d’Orsay).
Cette chasse au trésor des pièces collectors du défunt créateur de la maison a permis de réunir les tenues créées par Yves Saint Laurent à côté des œuvres dont il s’était inspiré.
Si la comparaison est inévitable, la reconnaissance du couturier d’inspiration de ces œuvres est tout aussi évidente.
Cet amour pour l’art, Yves Saint Laurent l’a certainement vécu à travers sa relation avec le très grand collectionneur d’art : Pierre Bergé.
Après leur rencontre en 1958, les 2 philanthropes ne se quitteront plus, et fréquenteront des personnalités comme Jean Cocteau, Andy Warhol, Albert Camus, Paloma Picasso, …
Au cours de leurs 50 années de vie communes, ils collectionneront près de 686 œuvres qui seront mises en vente par Christie’s lors de ce qui sera appelé la « vente du siècle », qui totalisera 373,5 millions d’euros.
Parmi celles-ci ; Matisse (Les Coucous, tapis bleu et rose), Brancusi (Madame L.R.), Eileen Gray (Fauteuil aux dragons), Mondrian (Composition avec bleu, rouge, jaune et noir), De Chirico (Il Ritornante), Géricault (Portrait d’Alfred et Élisabeth Dedreux), … En 2002, la fondation Pierre Bergé et Yves Saint Laurent voit le jour.
Populaire mais pas populiste
Si cela représente le rêve des passionnées de mode de pouvoir contempler de plus près les créations de leurs designers favoris, cela s’adresse à une population assez particulière qui doit à la fois apprécier la mode, le designer qui expose et l’ambiance particulière des musées.
A l’image du luxe, ces expositions restent une activité qui s’offre à une clientèle particulière qui apprécie fortement à la fois le nom de la maison qui expose et/ou possède les œuvres, ainsi que bien sûres les œuvres qui sont exposées.
De cette manière, les fondations qui possèdent les œuvres et qui les exposent prennent le titre d’expositions et de fondations populaires, car elles sont appréciées, fréquentées et suivies par de nombreuses personnes.
Si ces fondations se veulent populaires, elles ne sont en aucun cas populiste. On a tendance à souvent vouloir interpréter la volonté des gros poissons du luxe, mais la réalité n’est cependant pas de chercher à gagner du soutien, en prétendant avoir des intérêts et des liens à l’art, alors qu’il n’y aura pas. Le luxe ne prétend pas, et ne se rabaisse pas pour toujours un horizon plus large.
Une vitrine du patrimoine des marques
Comme illustré précédemment, certaines marques se sont engagées beaucoup plus profondément dans la culture, et plutôt que de simplement exposer leurs œuvres (Chanel, Dior, Mugler), elles ont choisi un autre canal : créer leurs propres fondations.
Ces marques de luxe possèdent des moyens financiers abyssaux, parfois réunis au sein d’un groupe, elles possèdent la trésorerie nécessaire pour se positionner sur le marché de l’art comme des acheteurs sérieux et qui feront vivre ces acquisitions.
De cette manière, les marques vont plutôt faire appels à des commissaires indépendants plutôt que de se charger d’acquérir des pièces par eux-mêmes.
Ces expositions permettent donc de mettre en valeur le patrimoine de ces marques, des acquisitions de grande valeur, qui se place désormais derrière la vitrine des grands magasins.
Industriel mais pas philanthrope ?
Quand on voit la plus grande marque de luxe au monde inaugurer sa fondation d’art contemporain par son défilé de la collection croisière 2019, on ne peut pas s’empêcher de douter des véritables ambitions de la fondation.
Ainsi, il semblerait que des marques comme Louis Vuitton n’aient aucun problème à mêler mécénat et marketing, est-ce réellement une mauvaise chose ?
Profité d’une collection d’œuvres extrêmement rare pour faire un shooting de star américaine… On peut se demander s’il s’agit d’une belle toile de fond, ou de la réunification de 2 arts qui ont en réalité de nombreuses choses en communs.
Si l’amélioration de la condition matérielle et morale des hommes n’est pas la valeur marketée par Louis Vuitton, elle l’est encore moins quand on réalise la pression mise sur une rentrée d’argent obligatoire dans les comptes de la fondation, et donc du groupe LVMH.
Effectivement les grands noms qui sont affichés à la tête des expositions de la fondation, le nombre d’entrées qui affolent les musées qui sont là depuis des centaines d’années, ne rendent pas la fondation plus crédible dans sa philanthropie.
Mais est-ce qu’on peut en vouloir au leader mondial du luxe de devoir être crédible dans ses chiffres à chaque fin d’année ?
Est-ce qu’on peut pour autant leur reprocher de joindre 2 têtes d’affiche pour satisfaire leurs actionnaires ?
Est-ce la fin de l’art qui n’est pas rentable ?
Nell Lebreton