L’École du Louvre dites-vous ? Y étudier, ce n’est pas être un fin connaisseur des musées, mais savoir y goûter. Avoir de nouveau tout à y découvrir. Cuisinons une chronique sauce Paname pour ce blog goût beurre salé. Voici le séminaire Audencia à l’École du Louvre-2022.
Le rythme est effréné. Les enseignements sont denses. La semaine est chargée. Voyons plutôt :
Lundi : Introduction à l’Histoire et aux missions des musées
Nous voilà introduits dans l’enceinte de l’École du Louvre par sa directrice, Claire Barbillon. L’autrice de L’Histoire de l’histoire de l’art au XIXe siècle esquisse à grands traits l’Histoire la muséologie.
Très vite, Ariane Lemieux prend le relais. Après un tour d’horizon des définitions du musée (« collection de documents ouverte au public »), nous nous penchons sur ses caractéristiques. Un musée conserve, communique et expose à des fins d’étude, d’éducation et de délectation (éléments de définition proposés par l’ICOM depuis 1947).
Pour l’après-midi, Cecilia Hurley nous éclaire sur l’Histoire des musées, du patrimoine et des collections. Nous parcourons les légendes d’Hésiode et de la ville de Mari où Ebih-II vécut. Par la force de l’image, nous pénétrons la nécropole royale de Saint Denis et observons des toiles de Gaddi (Santa Croce). L’illustration sert le propos. La méthode scientifique permet d’authentifier l’objet.
Mardi : L’administration culturelle
Jérôme Fromageau, Président de la Société Internationale pour la Recherche en Droit du Patrimoine Culturel et Droit de l’art (ISCHAL) nous présente le droit du patrimoine culturel. Le doyen de la Faculté Jean Monnet invoque le Code du patrimoine pour nous expliquer la singularité de ce sentier rebelle du droit français. Nous considérons avec lui la décentralisation tardive des musées français depuis l’arrêté Chaptal du 14 fructidor an IX.
L’après-midi est chargé. Nous le commençons avec Isabelle Limousin qui nous explique les missions et objectifs de la Direction Régionale des Affaires Culturelles (DRAC), service déconcentré du ministère de la Culture dans les régions.
Pour terminer la journée, la directrice du musée de l’Homme, vient nous parler de sa politique d’exposition. Nous apprenons avec elle l’histoire de son musée d’anthropologie biologique injustement méconnu. Historiquement rattaché au Muséum d’Histoire naturelle, il a pâti d’une amputation traumatisante lorsque Jacques Chirac a décidé de créer le musée du Quai Branly pour y exposer ses collections. Aujourd’hui, Aurélie Clemente-Ruiz déborde d’énergie et d’idées nouvelles. Elle souhaite introduire des problématiques actuelles : condition féminine depuis cro-magnon, écologie. Au moment de conclure, cette ancienne élève de l’École du Louvre nous présente sa dernière idée folle : faire venir les amateurs de danse de rue dans son musée. C’est Breakdance au Trocadéro.
Mercredi : Les musées à l’ère de la globalisation
Olivier de Baecque, avocat à la Cour de Paris, aborde la problématique cruellement contemporaine des restitutions des objets spoliés à des familles juives pendant l’occupation, ou extorquées aux populations colonisées. Nous étudions les cas d’espèce de trois Pissaro qui font l’objet de contentieux, voyons avec effroi une photographie du cadavre empaillé de la « Vénus hottentote » enfin restitué à l’Afrique du Sud en 2002.
L’après-midi, c’est Musée du Quai Branly. L’occasion d’essayer de comprendre la culture de continents que nous connaissons mal à des époques dont nous ignorons presque tout. Les collections sont stupéfiantes de modernité. Nous nous arrêtons sur les masques du royaume du Bénin (actuel Sud-Est du Nigeria), et parcourons l’Amérique précolombienne à rebours de sa chronologie. Les sculptures aztèques du XVème siècle sont saisissantes.
Jeudi : La médiation culturelle
Cathy Losson nous montre, vidéos à l’appui, combien la médiation est essentielle pour les plus jeunes. La cheffe de service éducation-démocratisation-accessibilité au Musée du Louvre nous propose d’étudier la programmation réalisée à destination des publics « éloignés de la culture » grâce à un programme établi pour les vacances de printemps. Pour les préadolescents, le Louvreimagine la Pompadour en influenceuse et un jeu de piste autour des toiles qui apparaissent dans le clip Apeshit de Beyoncé et Jay-Z en 2018.
Manuela Meunier-Noel, service de la médiation au musée du Quai Branly, approfondira ces problématiques avec nous. Les animations ont vocation à attirer les publics du « champ social ». Autre manière de dire « non-publics ». Heureusement, les maisons de quartier, les associations jeunesse peuvent être à l’initiative en tant que « relais » pour ces jeunes défavorisés. Pour autant, l’offre doit aussi s’adapter au « tout-public » (adultes) qui a aussi le droit d’apprendre.
L’après-midi, Jacqueline Eidelman, sociologue des publics des musées au CNRS, livre les fruits d’études universitaires des publics. Nous explorons avec elle de nouvelles manières de soumettre des questionnaires de satisfaction.
L’après-midi se termine au musée d’Orsay. Gaudí est à l’honneur. Élise Dubreuil, commissaire de l’exposition consacrée à l’architecte moderniste catalan, dévoile le Barcelone du parc Güell et de la Casa Batlló. On devine déjà dans son mobilier difforme les prémices de l’avant-garde surréaliste dont Salvador Dalí sera l’incarnation avec, par exemple, la Persistance de la Mémoire.
Vendredi : L’acquisition des œuvres et les expositions temporelles
Un sympathique monsieur tout en moustaches se présente à nous. Claudiquant d’un air presque guilleret, Louis-Antoine Prat s’assoit, sort un texte imprimé et commence sa lecture sans daigner lever l’œil. L’intonation est presque aristocratique ; le ton jovial, pour ne pas dire enjoué. Le curieux personnage est un passionné. Les phrases passent, les démonstrations se succèdent, les exemples s’égrènent. Ce Monsieur Monopoly des collections muséales est le président de la Société des amis du Louvre. Après une heure de lecture sans interaction avec l’auditoire, il s’approche et entame les échanges avec un grand sourire. L’humeur est réjouie et l’humour délassant. L’homme d’expérience nous parle de son parcours, de sa vision de l’art en tant que collectionneur. Une œuvre dont il rêverait absolument de faire l’acquisition ? Un Velázquez ! Le Louvre n’en a pas.
L’impatience est au plus haut après une semaine à parler du Louvre sans y pénétrer. Flavia Irollo nous y attend. La conservatrice nous présente l’exposition temporaire. Nous nous intéressons aux matériaux et aux couleurs : sculpture sur ivoire, tableaux peints sur du lapis lazuli (d’où le mot « azur » en français) ou sur des plumes. Une fois le tour terminé, nous nous rendons dans les salles dédiées aux enfants et à la médiation. Une kyrielle de coloriages et les puzzles à l’effigie des grandes toiles occupent les rejetons.
La semaine se termine dans la fatigue et la satisfaction d’un séminaire captivant. Lundi, ce sera Versailles!
Marco Guichard