Qu’est-ce qui attire chaque année autant de festivaliers à choisir les festivals de Bretagne ? Le doux temps breton me direz-vous ? Manifestement non. Le plaisir de porter le Gwenn ha du (nom du drapeau breton) au milieu d’une foule déchaînée ? Probablement (en tout cas, on adore cette hypothèse).
Les Vieilles Charrues à Carhaix, le Festival Interceltique de Lorient, le Art Rock à Saint-Brieuc, La route du rock au fort de Saint-Père, Les Transmusicales à Rennes, le Festival du Bout du monde en presqu’île de Crozon. Tous font partie des plus gros festivals de France et se trouvent en Bretagne.
Le monde attire le monde ou la loi de l’attraction
La fréquentation des festivals n’avait cessé d’augmenter jusqu’au Covid… En 2019, elle avait atteint 7 500 000 festivaliers. Douce époque des pogos transpirants. C’est 12% de la population française qui s’est trémoussée en plein air cette année-là. Une augmentation non négligeable puisque la fréquentation des 100 plus grands festivals a augmenté de 5% par rapport à 2018 et de 10% depuis 2017.
Il est probable que cela ne soit dû qu’à la simple loi de l’attraction : les festivals les plus importants ne cessent de grossir. Le meilleur exemple est celui du Festival Interceltique de Lorient qui accueille le plus grand nombre de festivaliers au total, soit 800 000 et 80 000 par jour. L’accueil breton étant réputé chaleureux, il n’est pas rare que de simples profanes deviennent rapidement des adeptes. Ainsi, les novices s’ajoutant aux « habitués », le festival ne cesse de prendre de l’ampleur. De plus, les têtes d’affiches profitent souvent de cet environnement de création prolifique pour se produire aussi dans les festivals environnants. Facilité logistique et public évidemment au rendez-vous.
Un terroir musical fertile
La scène musicale bretonne est très dynamique. La région regorge de petits, voire très petits festivals locaux. Ainsi, poussés par un public engagé, les nouveaux festivals ont la possibilité d’évoluer. De cette façon, le festival itinérant Knotfest aura acceuilli plus de 37 000 festivaliers pour son unique édition à Clisson et aura ainsi réussi à trouver leur place dans ce paysage brezhoneg (breton). C’est ainsi que la Bretagne est la région où la densité de festivals est la plus forte, avec 1 pour 20 à 25 000 habitants.
Certains festivals, comme les Transmusicales, se font ambassadeurs des artistes émergents. Une véritable valeur ajoutée dans l’expérience proposée aux festivaliers qui semble plus que jamais fonctionner. Historiquement déjà, des villes comme Rennes ont été parmi les premières à faire exister le rock hors de Paris et faire valoir des artistes comme Marquis de Sade, Ubik ou encore Étienne Daho.
La Bretagne et les festivals : une histoire de longue date …
Historiquement de gauche, la région aura su profiter des hausses des subventions culturelles à l’arrivée de François Mitterand au pouvoir en 1981. C’est grâce à cette inflexion des politiques culturelles que de nombreux festivals bretons ont pu se structurer et se professionnaliser. Dans les années 1990-2000 de nombreux festivals historiques voient le jour. Le lien entre politique et festivals est évident pour ce qui est des Vieilles Charrues. Son cofondateur, Christian Troadec, abandonne la présidence du festival en 2001 après avoir été élu maire de Carhaix, ville qui accueille le festival. Par la suite, il devient une figure importante du mouvement des Bonnets Rouges.
En plus de l’importance numérique des festivals, il nous faut aussi parler de leur variété. Une orientation semble se dessiner d’année en année : la différentiation et la spécialisation des festivals attirent le public. Les créateurs de ces évènements l’ont bien compris. Ainsi trouve-t-on le festival Interceltique de Lorient (musique traditionnelle, folk), Le Hellfest (métal), Motocultor (métal), Le Cornouaille (musique cetlique), Les Chants de Marin, La route du Rock, Les petites folies (scène française, pop), etc. A cette spécialité musicale s’ajoute les valeurs défendues, car les publics sont aussi attachés à l’aspect collectif et engagé des festivals. En effet, en France, 46% des festivals ont soit une thématique musicale, soit une spécialité (solidaire, écologique, etc). C’est le cas du festival du cinéma du monde à Douarnenez, du festival du bout du monde à Crozon, du festival Gouel Braodel ar Brezhoneg à Langonnet, mais aussi du festival du Roi Arthur à Bréal-sous-Montfort, pour n’en citer qu’une partie.
Et une histoire qui dure
Une région engagée et fière donc. Un argument qui nous plaît bien. Depuis le XXème siècle, et plus particulièrement les années 70, le mouvement régionaliste breton a pris une grande ampleur. Musicalement, des artistes comme Dan Ar Braz ou encore Fleuves, qui mêlent musique bretonne, jazz et électro, ont modernisé la musique traditionnelle de la région. Elle devient alors plus accessible aux autres, mais surtout aux jeunes.
Ainsi, alors que le modèle des festivals de pop se développe, la Bretagne possède déjà tout un réseau de fêtes : les fest noz. Et ceux-ci sont en train de se moderniser. En 1905, la ville de Douarnenez organise le festival des Filets Bleus, qui se poursuit encore aujourd’hui. Si on y ajoute les Interceltiques, on voit que cet aspect régional fort participe à l’attractivité et au développement des festivals locaux. Cette hypothèse permettrait dans le même temps de répondre à la question : pourquoi y a-t-il des drapeaux bretons dans tous (littéralement tous) les festivals ? Créé dans les années 1920 à partir des couleurs de Rennes, ce drapeau est par la suite devenu le symbole de la région et de son indépendance. En 1968, il devient même signe de résistance avec son installation sur le toit de la Sorbonne.
Pour les drapeaux comme pour les festivals, il semble qu’il faille chercher dans les racines même de la région pour expliquer leur popularité.
Mathilde Maillet
Sources:
https://www.touslesfestivals.com/actualites/le-bilan-des-festivals-de-lannee-2019-191219
https://jack.canalplus.com/articles/lire/pourquoi-la-bretagne-est-elle-une-terre-de-rock