L’exportation des musées français en Chine

Alors que s’opère un véritable « museum boom » en Chine depuis une dizaine d’années, les industries culturelles et musées français ont décidé de profiter de ce phénomène en s’y exportant. La Chine, souvent considérée comme un nouvel eldorado, offre de forts potentiels de développement qu’il est difficile de retrouver ailleurs. Avec sa population de 1,4 milliard de personnes et sa croissance économique annuelle située entre 3% et 7%, la Chine est perçue comme le pays de tous les possibles, notamment en ce qui concerne la culture.

À travers cet article, revenons sur les expositions et ouvertures de musées récentes qui contribuent au rayonnement de la culture française dans ce pays qui est en passe de devenir le pays le plus influent de la planète.

De l’intérêt pour les institutions culturelles de s’exporter en Chine

Beaucoup d’autres exemples autre que ceux qui suivront auraient pu être développés, comme celui de l’exposition du musée Bourdelle au Musée d’art de l’université de Tsinghua à Pékin, ou celui du musée national des arts asiatiques-Guimet qui présentera une exposition itinérante en partenariat avec les musées chinois de Shanghai et de Shenyang. La France porte effectivement un intérêt particulier à la promotion de sa culture en Chine : c’est pour cela que les services culturels de l’ambassade de France à Pékin comptent parmi les meilleurs au monde.

L’engouement des musées français pour la Chine s’explique en premier lieu par un intérêt économique. Outre la location d’œuvres, la vente d’expositions, mais aussi d’œuvres et de produits dérivés, par exemple, les musées ont intérêt à offrir leurs services à la Chine. De plus, 2,2 millions de touristes chinois ont visité la France en 2018 : l’enjeu est d’attirer et de fidéliser le public chinois dans les musées français, ainsi que dans les antennes chinoises. Ouvrir des antennes ou organiser des expositions en partenariat avec la Chine permet d’attirer ces touristes toujours plus avides de découvertes culturelles. En effet, Liu Yuzhu, chef de l’Administration nationale du patrimoine culturel en Chine a annoncé une hausse de 16% de la fréquentation des musées chinois en 2018, pour atteindre 1,13 milliard de visiteurs annuels.

Cependant, les musées ne représentent pas simplement un intérêt économique, ils servent aussi à renforcer le soft power français. La France est le cinquième pays le plus attractif au monde en matière d’investissements internationaux et la première destination européenne pour les touristes chinois (et entend le rester !). L’influence culturelle française est un moyen de renforcer l’image positive de la France et son prestige à l’international. C’est ainsi qu’Emmanuel Macron, après avoir organisé un projet d’échange culturel sino-français en 2018, avait souligné fin 2019 que toutes les institutions mentionnées ci-après « réinventaient la relation » entre la Chine et la France.

Photographie libre de droit montrant quatre statues d'homme chauves peints en rouge accroupis au quatre coins d'une spirale géante.
© bboellinger sur Pixabay

Le Centre Pompidou à Shanghaï

Le 8 novembre 2019, le « Centre Pompidou x West Bund Museum Project » a ouvert ses portes dans le centre de Shanghaï. Le Centre Pompidou prêtera des œuvres et sera chargé de la programmation (expositions, spectacle vivant) au West Bund, qui est le propriétaire et l’exploitant des lieux jusqu’en 2024, année de la fin du partenariat.

En plus de l’aspect financier avéré du partenariat (le partenariat rapportera au musée français 4 millions d’euros par an), le président du Centre Georges-Pompidou, Serge Lasvignes, expliquait qu’il souhaitait pour son musée une augmentation du public chinois, qui ne représente pour l’instant qu’un pourcent de son visitorat. « L’un de mes espoirs c’est qu’une fois que le Centre Pompidou sera davantage connu en Chine, on aura davantage de visiteurs à Paris ». En effet, l’ouverture d’une antenne à Shanghaï présentée comme le « plus important projet d’échange et de coopération culturels » est un moyen de développer la popularité du centre Pompidou en Chine.

Serge Lasvignes affirmait aussi que l’un des autres buts de l’implantation du musée était d’enrichir les collections du musée parisien avec davantage d’œuvres d’artistes chinois. « Il faut le faire à bon escient, et pendant qu’il en est encore temps, avant qu’elles ne deviennent inaccessibles, notamment du point de vue financier ».

Le musée Picasso et la fondation Giacometti bientôt à Pékin

Le 5 novembre 2019, un accord de coopération pluriannuelle a été signé entre Yang Yang, directrice du 798CUBE Project, Wang Yanling, président de Beijing Sevenstar Science Technology Co., Catherine Grenier, directrice de la Fondation Giacometti, et Laurent Le Bon, président du Musée national Picasso-Paris. Cette signature a débouché sur un projet de musée, qui devrait ouvrir cette année et rendre plus accessibles les collections de Giacometti et de Picasso. Ceci permettrait d’augmenter les recettes des deux institutions françaises en plus d’en faire la publicité.

Déjà, en juin 2019, le musée national Picasso-Paris avait organisé à Pékin la plus grande exposition consacrée à Picasso en Chine, en exposant plus d’une centaine d’œuvres de l’artiste. Cette exposition, organisée au sein du UCCA Center for Contemporary Art à Pékin, était ancrée dans le festival Croisements organisé par l’ambassade de France en Chine afin de promouvoir la culture française.

Le château de Versailles à Pékin

Dans le cadre du 600e anniversaire de la Cité Interdite, le château de Versailles co-organisera en juillet 2020 une nouvelle version de l’exposition « La Chine à Versailles. Art et diplomatie au XVIIIe siècle », qui avait déjà eu lieu au sein du château en 2014.

Après l’ouverture récente d’un compte WeChat pour promouvoir le château auprès des touristes chinois et la mise en place du paiement mobile via WeChat Pay et Alipay en décembre 2019, le château de Versailles semble décidé à conquérir et fidéliser le visitorat chinois qui représentait en 2019 presque 10% de ses visiteurs. 

Le musée Rodin bientôt à Shenzhen

À l’occasion du centenaire du musée Rodin, une antenne devrait ouvrir d’ici quelques années à Shenzhen, dans le sud de la Chine. L’ouverture d’un « centre d’art Rodin » pourra se faire dans le cadre d’un accord de mécénat avec Mme Zhang Chengcheng, grande fortune chinoise qui a passé une partie de son enfance en France.

Prévu sur le modèle d’un partenariat entre la France et la Chine, le musée Rodin pourrait, à l’instar du centre Pompidou, prêter les œuvres de sa collection, organiser des expositions pour l’antenne chinoise, fournir des conseils en acquisitions à la structure chinoise, ainsi que vendre des éditions originales de sculptures en bronze de Rodin.

Photographie libre de droit montrant un bâtiment architectural de style moderne en Chine.
© designerpoint sur Pixabay

D’autres institutions culturelles françaises s’exportent elles aussi à l’étranger

Il est intéressant de noter que les musées ne sont pas les seules institutions françaises à s’exporter à l’étranger. En effet, l’Orchestre Philharmonique de Radio France a signé en novembre 2019 un partenariat avec le China Philharmonic Orchestra et tournera à Pékin, Shanghaï, Hong Kong et Shenzhen.

Depuis 2015, les Rencontres Photographiques d’Arles se tiennent également en Chine, dans le quartier d’affaires de Xiamen, « petite » ville de 5 millions d’habitants dans le sud-est de la Chine. Chaque année, une sélection d’expositions présentées à Arles pendant l’été sont exposées à leur tour en Chine. Ces Rencontres s’imposent peu à peu comme l’un des principaux rendez-vous de la photographie chinoise contemporaine.

Si vous souhaitez en savoir plus sur l’exportation de la culture française en Chine, vous pouvez vous rendre sur le site de l’ambassade de France à Pékin qui présente toutes ses actions culturelles, et particulièrement sur ce site, lui aussi conçu par l’ambassade de France en Chine afin de promouvoir la culture française.

Par Julie Liégeon

Pour découvrir l’autre article mis en avant cette semaine : cliquez ! Et si vous souhaitez visiter des musées virtuellement, consultez cet article.

Les rendez-vous culturels de la quarantaine

Si notre temps de confinement consiste principalement à chercher comment passer le temps, le secteur culturel n’a lui pas perdu de temps pour nous donner rendez-vous de temps en temps !

Les expositions virtuelles proposées par les plus grands musées du monde n’ayant désormais sûrement plus de secrets pour vous grâce à notre article publié il y a deux semaines, nous nous retrouvons aujourd’hui pour aborder les rencontres culturelles digitales et numériques organisées par différents acteurs du secteur culturel. Si les institutions déploient de grands moyens, les artistes eux-mêmes ne sont pas en reste et continuent de créer du lien avec leurs fans, à travers les plateformes digitales.

La Comédie continue à la Comédie Française !

Ne pouvant malheureusement pas honorer sa traditionnelle devise « simul et singulis » (être ensemble et être soi-même) durant un certain temps, la Comédie Française a décidé de faire peau neuve et de se digitaliser à travers le lancement de sa chaîne en ligne, La Comédie continue ! Cette volonté, liée à la nécessité pour la troupe des comédiens de se sentir proche de son fidèle public, est notamment permise grâce aux captations audiovisuelles des pièces de théâtre réalisées depuis de nombreuses années. Ainsi, depuis le lundi 30 mars, une programmation culturelle est proposée chaque jour à partir de 16 heures sur le site internet et la page Facebook de la Comédie Française. Chaque jour, un comédien différent anime la chaîne et présente les contenus variés. Et il y en aura pour tous les goûts !

Photo de Monica Silvestre provenant de Pexels
Photo de Monica Silvestre provenant de Pexels

Outre la traditionnelle pièce de théâtre diffusée tous les soirs à partir de 20h30 – vous aurez ainsi l’occasion de voir ou revoir Le Misanthrope de Molière ce mercredi, mis en scène par Clément Hervieu-Léger – de nombreux contenus originaux sont également à votre disposition. Les férus de poésie ont rendez-vous à 16 heures tapantes pour 5 minutes lues par un comédien, tandis que les plus curieux pourront en savoir plus sur les acteurs de la troupe à travers des interviews ludiques. A noter également la lecture chaque jour à 19h50 de textes sur la médecine et l’aide, afin de rendre hommage au personnel soignant en ces temps difficiles et d’allier culture et solidarité.

La Fondation Louis Vuitton vous donne rendez-vous chez vous

Si le groupe LVMH s’est déjà illustré depuis le début de la crise grâce à une fabrication massive de gels hydro alcooliques envoyés gratuitement dans les hôpitaux français, c’est désormais la fondation Louis Vuitton qui œuvre pour rendre plus agréable notre quotidien.  Vous avez désormais rendez-vous 3 fois par semaine depuis votre canapé afin de profiter d’un moment culturel de qualité. Ainsi, chaque mercredi à 18 heures, vous pourrez revivre une exposition marquante de la Fondation, accompagnée des commentaires des commissaires.

Pour les plus enthousiastes, La collection de la Fondation, le parti pris de la peinture sera l’exposition présentée ce soir ! Par ailleurs, la Fondation Louis Vuitton a mis ses différentes expositions en ligne, afin de pouvoir en profiter individuellement quand vous voulez. Le vendredi à 20h30, les passionnés de musique ont l’opportunité d’assister à un grand concert qui s’est tenu dans l’auditorium de la Fondation. Enfin, le dimanche à 17h30, c’est un concert de La Classe d’Excellence de Violoncelle, crée et dirigée par Gauthier Capuçon qui est diffusé.  A travers ces trois rendez-vous culturels, la Fondation nous accompagne tout au long de notre semaine, et permet en quelque sorte d’encadrer cette période qui nous fait perdre toute notion du temps !

Ces artistes qui nous accompagnent au quotidien

De nombreux artistes bousculent également leurs habitudes pour nous donner des rendez-vous quotidiens ou hebdomadaires, dans le but de partager un court moment de culture solidaire. Un des meilleurs exemples ne peut être que l’incontournable Fabrice Luchini, qui s’est créé fin mars un compte Instagram sur lequel il lit des Fables de la Fontaine, trois ou quatre fois par semaine. Les chanteurs jouent également le jeu, à l’image de Benjamin Biolay qui propose des reprises quotidiennes, en fin d’après-midi sur son compte Instagram.

Tous ces moments de partage culturel ne peuvent qu’être bénéfiques et nous accompagner tout au long de cette période. Tous les acteurs du service culturel ont eu à cœur de rester au contact du public et de proposer des contenus diversifiés et captivants pour de nombreux spectateurs. Si vous souhaitez connaître toutes les initiatives mises en place, vous pouvez consulter le site du Ministère de la Culture, qui recense tous les événements culturels à travers le hashtag #Culturecheznous !

Par Pénélope Kadé.

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Comment s’évader de chez soi

En cette période de confinement, je me suis dit qu’on avait tous besoin d’un peu d’évasion et de dépaysement. Sans vouloir faire une dissertation sur le thème, je vous proposerai ici un petit salmigondis totalement arbitraire d’histoires vraies, d’idées de films et de lectures volontairement légères afin de vous évader du climat morose actuel.

Évasions historiques atypiques

Il faut généralement avoir beaucoup d’imagination et d’organisation pour réussir à s’évader. Et pas forcément d’une prison de pierres ou de béton. D’abord, j’ai pensé à l’histoire de cette femme qui, pour passer à Berlin-Ouest, s’était cachée dans deux valises accolées et posées sur le compartiment à bagages du train, au-dessus de son fiancé français. Il y a aussi celle, plus spectaculaire, des deux familles passant la frontière en montgolfière en 1979 (dont vous pouvez lire le récit ici).

« Chase »

Ensuite, j’ai chantonné la musique de Giorgio Moroder dans Midnight Express en pensant à tous ceux qui s’étaient évadés de prison. Ainsi, à Nice, en 1977, Albert Spaggiari, incarcéré pour le vol de 50 millions de francs à la Société Générale, s’évade sous les yeux du juge d’instruction en sautant par la fenêtre pour atterrir sur le toit d’une voiture, avant de rejoindre son complice en moto. Plus récemment, en 2003, le braqueur Antonio Ferrara s’est enfui de la prison de Fresnes grâce à de nombreux complices, à coups d’explosifs et de lance-roquettes, autant dire moins dans la douceur. Si vous avez envie d’écouter des histoires de braqueurs, Arte Radio propose 11 épisodes sur le sujet.

Big Bro

Je n’ai ensuite pas pu m’empêcher de passer à la fiction, et toutes ces histoires de grands bandits et de casses m’ont fait penser entre autres au film de Steven Soderbergh Ocean’s Eleven aux dialogues croustillants et à la bande originale de vieux et bon rock, ou encore à Inside Man de Spike Lee (avec la voix épique de l’homme qui commente les bandes annonces des années 2000). J’ai ensuite cherché des films parlant d’évasion de prison, et je suis tombée sur l’article de la Cinémathèque qui propose « 10 grands films d’évasion ». Vous avez aussi Papillon avec Dustin Hoffman et Steve McQueen ou Les Evadés, toujours sur Netflix. Dans un autre ordre d’idées, j’ai aussi pensé à la série britannique de 1967 Le Prisonnier, dans laquelle un agent secret se retrouve enfermé dans un étrange Villag et au très marquant The Truman Show de Peter Weir, avec Jim Carrey.

Toute cette atmosphère un peu oppressante m’a donné envie d’un peu de légèreté, et je me suis rappelée la très drôle scène d’évasion d’Indiana Jones (Junior) et son père du château occupé par les nazis.

Un peu d’aventures

Indiana Jones m’a donné envie d’aventures, et pour vous évader, je vous propose ce roman épique du journaliste, résistant et écrivain voyageur Joseph Kessel : Fortune Carrée. Il raconte les péripéties du farouche et implacable Igricheff, entouré d’une pléthore de personnages secondaires tout aussi fascinants. Vous pouvez enchaîner avec Les Cavaliers du même auteur. J’ai ensuite pensé à l’aventurier, navigateur et contrebandier Henry de Monfreid, autre personnage haut en couleurs qui a inspiré Kessel et qui apparaît dans Les Cigares de Pharaon d’Hergé. Si vous avez le pied marin, vous pouvez naviguer avec lui grâce à ses nombreux romans comme Les secrets de la mer rouge. Si vous avez envie de batailles navales historiques et d’amitié fraternelle à faire pleurer, le film Master and Commander sera pour vous. Il y a aussi le très poétique dessin animé français Tout en haut du monde, dans lequel Sacha part à la recherche de son grand-père jamais revenu de son expédition du Grand Nord.

Si vous préférez vous évader par la voie des airs, vous pouvez suivre les aventures de Séraphin et ses amis à bord de l’Ethernef dans Le château des étoiles d’Alex Alice, inspiré de l’univers de Jules Verne, maître incontesté de l’évasion par l’aventure. Autrement, les romans Vol de nuit et Terre des hommes de Saint-Exupéry à l’écriture si humaniste et poétique vous feront vivre le quotidien des pilotes de l’Aéropostale.

Néanmoins, si vous préférez garder pied à terre, vous pouvez profiter des vastes paysages des films de Terrence Malick. Comme Les Moissons du ciel, La Balade sauvage ou encore Le Nouveau monde. Immergez-vous dans l’immensité de l’Ouest américain grâce aux plans larges des westerns de Sergio Leone. Aussi, vous pouvez regarder le film Les grands espaces de William Wyler, rien que pour son nom.

Anywhere out of the world

Les univers de fantasy et de magie peuvent être d’autres moyens d’évasion. Je me suis renseignée sur la date de sortie du second opus d’Avatar de James Cameron, annoncé pour décembre 2021 seulement mais dont vous pouvez voir des « concept arts » ici. En attendant, vous pouvez vous rabattre sur le riche univers du dessin animé Dragons (le premier est le plus poétique). Surtout celui du second film aux très belles couleurs et aux plans qui ne sont pas sans rappeler l’univers des dessins animés de Myazaki qu’on ne remerciera jamais assez d’exister lorsque l’on rêve d’un ailleurs. Pour rester d’humeur enfantine, l’univers aux milles couleurs vives du beau conte solaire de Michel Ocelot Azur et Asmar fait toujours du bien au moral. Enfin, et tout ceci est loin d’être exhaustif, vous pouvez vous évader À la croisée des mondes, dans la trilogie de Philip Pullman, adaptée récemment en série par la BBC, où votre « deamon » (votre âme sous la forme d’un animal) vous accompagnera à vos côtés.

Alors, quel est votre plan d’évasion ? https://www.youtube.com/watch?v=hziAAs7f2Qs  

Par CMJ

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Musée Soulages, ou le parcours d’un artiste à travers son œuvre

Alors que la rétrospective consacrée au peintre Pierre Soulages vient de fermer ses portes au musée du Louvre, revenons sur ses terres dans un des rares musées spécialement consacré à un artiste de son vivant.

L’ouverture du musée Soulages 

Pour les 90 ans du peintre, la plus grande rétrospective jamais réalisée pour un artiste de son vivant, s’est tenue au Centre Pompidou, faisant de cette exposition l’une des plus fréquentées de toute l’histoire du musée. Dix ans plus tard, c’est au Louvre que les visiteurs ont pu voir l’exposition retraçant le parcours du peintre de l’outrenoir depuis 1946 ; avec des toiles provenant des plus prestigieux musées du monde. 

C’est au musée Soulages, à Rodez en Aveyron, dans la ville natale de l’artiste, que l’on peut accéder à la plus importante collection de ses œuvres – la majorité d’entre elles étant issues d’un don de l’artiste et de sa femme. 

Ce musée, inauguré en 2014, continue à battre des records, une surprise pour un petit musée régional et pour la ville dont la population était contre le projet en 2009. Et pourtant, à l’image de Bilbao, la création du musée a su engendrer une nouvelle dynamique dans la région ruthénoise. Dépassant largement les prévisions de 40 000 visiteurs la première année, c’est aujourd’hui près d’un million de personnes qui ont pu visiter le musée. 

Conçu par le cabinet d’architecte espagnol RCR Arquitectes, qui a depuis recu le prix Pritzker (considéré comme le prix Nobel d’architecture), le musée surprend tout d’abord par ses toiles d’acier à l’aspect rouille. C’est depuis l’intérieur, dans les salles d’exposition, que l’on se rend compte de toute l’ingéniosité de l’architecture, conçue pour mettre en valeur l’œuvre de l’artiste. Soulages est connu pour ses travaux sur le noir mais à l’intérieur de l’exposition permanente c’est son travail sur l’alchimie entre le noir et la lumière qui colore les tableaux que l’on découvre. 

Une carrière internationale 

Inspiré par l’art roman, les peintures rupestres et l’archéologie locale, l’artiste commence très tôt à peindre. Après une déception face à l’enseignement classique de l’école des Beaux-Arts, il rentre dans sa région natale et commence ses fameuses toiles abstraites au brou de noir

Il a aussi expérimenté de nombreuses techniques de gravure, la lithographie, l’eau forte qui donne à ses œuvres un air de photos en argentique. On les retrouve au sein de l’important panorama chronologique de l’œuvre et de l’artiste au sein du musée. Les salles suivantes sont consacrées aux œuvres en relief qui ont fait la renommée du peintre. 

Grâce aux ouvertures du musée et aux différentes luminosités de la journée, les reliefs se distinguent et changent de couleur à l’image des vitraux de l’abbaye de Conques auxquels un espace est ensuite dédié. Perfectionniste, l’artiste a travaillé pendant plusieurs mois, allant jusqu’à concevoir avec des maitres verriers la substance même du verre pour faire entrer la lumière dans cette abbatiale d’importance historique, située sur les chemins de Saint Jacques de Compostelle. 

Dès les années 50, les peintures de l’artiste se font une place aux côtés des plus grands peintres aux quatre coins du monde, au MoMA de New York, au Musée d’Art Moderne de Paris, à la Tate Gallery de Londres ou encore au Musée d’art moderne de Rio de Janeiro. Cet engouement international pour Soulages ne s’est ensuite pas démenti. Il est le premier artiste vivant à être invité à exposer au musée de l’Ermitage de Saint Pétersbourg et il est le peintre français vivant dont les toiles se vendent le plus cher, la dernière en date vendue en novembre 2009 pour 9,6 millions d’euros. 

Les femmes à l’honneur au musée

Affiche de l'exposition "Femme dans les années 1950" au musée Soulages ; consacrée aux femmes-artistes de cette décennie. Sur un fond blanc, un rectangle vertical subdivisé en rectangles et en carrées rouges, marrons, orange, gris anthracite et noirs.
Affiche de l’exposition au musée Soulages

Le musée a aussi été crée, selon la volonté de Soulages, afin d’exposer d’autres artistes. Après des expositions temporaires consacrées aux dessins de Picasso, à Yves Klein et le Corbusier, vous pouvez aujourd’hui admirer une exposition très intéressante bien que réduite sur les œuvres abstraites de femmes artistes dans les années 50. De Sonia Delaunay à Helena Vieira da Silva, en passant par des sculptrices comme Marta Pan, cette courte exposition permet de retracer une époque méconnue du grand public et de redécouvrir des artistes qui influencèrent le milieu artistique parisien des années 50.

Par Eloïse Gineste

Si vous souhaitez accéder à des visites d’expositions gratuites depuis chez vous pendant le confinement, c’est ici. Pour en lire davantage sur Soulages : c’est ! Et pour découvrir l’autre article de la semaine, cliquez.

Quarantaine : comment se cultiver chez soi ?

En cette période de quarantaine, vous avez le choix entre vous laissez aller à l’ennui, que Schopenhauer  considérait comme un phénomène essentiel, révélateur du fond de l’être, ou lutter contre la liquéfaction intellectuelle et le manque de divertissement. Si vous optez pour la deuxième option, voici un moyen d’avoir un accès à la culture et à l’éducation depuis chez soi. Google Arts & Culture s’est associé à plus de 500 musées et galeries parmi les plus célèbres du monde pour proposer à tous des visites et des expositions virtuelles.

Musée Guggenheim, New York

La fonction Street View de Google permet aux visiteurs de visiter le célèbre escalier en colimaçon du Guggenheim sans jamais quitter leur domicile. De là, vous pouvez découvrir la collection d’œuvres des époques impressionniste, post-impressionniste, moderne et contemporaine du musée. 

National Gallery of Art, Washington, D.C.

Ce musée d’art américain présente deux expositions en ligne via Google ainsi que de nombreuses œuvres de la collection permanente. La première est une exposition de la mode américaine de 1740 à 1895, comprenant de nombreux de vêtements des époques coloniale et révolutionnaire. La seconde est une collection d’œuvres du peintre baroque néerlandais Johannes Vermeer.

Musée J. Paul Getty, Los Angeles

Ce musée d’art californien abrite des œuvres d’art européennes datant d’aussi loin que le VIIIe siècle. Faites une visite guidée en Street View pour découvrir une collection de peintures, dessins, sculptures, manuscrits et photographies très fournie. 

British Museum, Londres

Ce musée iconique situé au cœur de Londres permet aux visiteurs virtuels de visiter la Grande Cour et de découvrir l’ancienne pierre de Rosette et les momies égyptiennes. Vous pouvez également trouver des centaines d’artefacts sur la visite virtuelle du musée.

Musée d’Orsay, Paris

Promenez-vous virtuellement dans cette galerie qui abrite des dizaines d’œuvres célèbres d’artistes français qui ont travaillé et vécu entre 1848 et 1914. Jetez un coup d’œil aux œuvres de Monet, Cézanne et Gauguin… entre autres !

Musée de Pergame, Berlin

Pergame, l’un des plus grands musées d’Allemagne, a beaucoup à offrir – même si vous ne pouvez pas y être physiquement. Ce musée historique abrite de nombreux objets anciens, dont la porte d’Ishtar de Babylone et, bien sûr, l’autel de Pergame.

Musée Van Gogh, Amsterdam

Quiconque est féru de ce peintre tragique peut voir ses œuvres de près (ou, presque) en visitant virtuellement ce musée – la plus grande collection d’œuvres d’art de Vincent van Gogh, comprenant plus de 200 peintures, 500 dessins et plus de 750 lettres personnelles.

Rijksmuseum, Amsterdam

Découvrez les chefs-d’œuvre de l’âge d’or néerlandais, notamment les œuvres de Vermeer et de Rembrandt. Google propose une visite de ce musée emblématique en Street View, pour que vous ayez l’impression de vous promener dans ses salles.

Galerie des Offices, Florence

L’Italie vous manque ? Cette galerie moins connue abrite la collection d’art d’une des familles les plus célèbres d’Italie, les Medicis, de Florence. Le bâtiment a été conçu par Giorgio Vasari en 1560 spécialement pour Cosme de Médicis, et il peut être accessible depuis partout. 

MASP, São Paulo

Le Museu de Arte de São Paulo est une association à but non lucratif et le premier musée moderne du Brésil. Les œuvres d’art placées sur des cadres en plexiglas transparent donnent l’impression que les œuvres flottent dans l’air. Faites une visite virtuelle pour découvrir cette merveilleuse exposition par vous-même.

Musée national d’anthropologie, Mexico

Construit en 1964, ce musée est consacré à l’archéologie et à l’histoire du patrimoine préhispanique du Mexique. Il compte 23 salles d’exposition remplies d’anciens artefacts, dont certains datent de la civilisation maya.

Musée national d’art moderne et contemporain, Séoul

L’un des musées les plus populaires de Corée est accessible de n’importe où dans le monde. La visite virtuelle de Google vous emmène à travers six étages d’art contemporain de Corée et du monde entier.

Autres institutions

Outre les musées, de grandes institutions de spectacle vivant nous permettent à tous, en ce temps de crise, d’avoir accès à des œuvres de prestige. Le Metropolitan Opera de New York propose des spectacles numériques gratuits tous les soirs à 19h30, du 16 au 22 mars. En France, c’est l’Opéra de Paris qui tente de conserver un lien avec le public. Ce malgré la longue période de grève de décembre et les annulations des représentations durant le confinement. Pendant six jours, les internautes pourront visionner ballets et opéras disponibles sur les sites Internet de l’Opéra et de Culturebox, la plateforme culturelle de France Télévisions.  

L’opérateur Orange offre neuf chaînes en libre accès pour ses abonnés box, jusqu’au 31 mars. (OCS Max, OCS City génération, HBO, OCS Choc, OCS Géants, Boomerang, Tiji, Boing, Toonami, Canal J). De plus, pour ce qui est du cinéma, vous pouvez vous rendre sur Open Culture, qui propose plus de 1 000 films en accès libre dont de nombreux classiques du cinéma ! Mais aussi des films plus récents comme Blade Runner 2049.

Et si l’ennui vous séduit plus que tous les choix listés ci-dessus, libre à vous. La vie d’ascète a ses adeptes. Bon confinement !

Par Lou Gaudin

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Narcisse Pelletier, un mousse parmi les aborigènes

En janvier 1876, un homme arrive à St-Gilles-sur-Vie en Vendée après 17 ans d’absence. Cet homme, c’est Narcisse Pelletier, et tout le monde le pensait mort.

Une histoire méconnue

C’est à l’âge de 12 ans que Narcisse Pelletier s’engage en tant que mousse sur les navires commerciaux. Deux ans plus tard, il embarque sur le St Paul à Marseille, un trois-mâts transportant du vin vers les Indes. En direction de l’Australie, le navire s’échoue contre un récif de corail non loin du cap Flattery. Narcisse Pelletier sera abandonné par les survivants alors qu’il était blessé à la tête. Il va alors errer plusieurs jours avant d’être recueilli et adopté par les Ohantaalas, une tribu aborigène de pêcheurs. Il va vivre 17 ans au sein de cette tribu, 17 ans durant lesquels il va adopter tous les us et coutumes et participer aux rites d’initiation, preuve en sont les scarifications et les labrets sur ses oreilles.

En 1875, un navire anglais longe la côte et aperçoit cet homme blanc au loin parmi les aborigènes. Il sera récupéré de force, Narcisse Pelletier tentera de s’échapper en vain. Il sera d’abord amené à Sydney où son histoire fait grand bruit. On le surnomme alors « le sauvage blanc » et on lui proposera même de faire du cirque, proposition qu’il refusera. C’est en 1876 qu’il rentrera finalement chez lui en Vendée. À cette occasion, une fête est organisée pour son retour et un grand feu est dressé en son honneur. Narcisse Pelletier entamera alors une danse aborigène sous les yeux ébahis des habitants de St-Gilles-sur-vie. Une méfiance s’installe alors vis-à-vis du « sauvage blanc » qui vivra une vie solitaire en tant que gardien de phare de l’Aiguillon à St Lazaire. Il épousera Louise Mabileau en 1880.

Illustration de la capture forcée de Narcisse Pelletier par les anglais
Illustration de la capture forcée de Narcisse Pelletier par les anglais

Une exposition à son hommage au Musée d’histoire naturelle à Nantes

Thomas Duranteau, auteur-illustrateur fasciné par l’histoire de Narcisse Pelletier, va lui dédier un livre et une exposition.

« Nous avons tous des figures qui nous marquent dès l’enfance et que l’on porte en soi comme une part intime de notre histoire, comme un héritage précieux alors même que nous n’avons pas de liens directs avec elles ».

nous explique Thomas Duranteau.

À l’aide de photos d’anthropologues, de lettres écrites par Narcisse Pelletier, de récits, de dessins et de peintures réalisées par ses soins, Thomas Duranteau nous raconte la formidable épopée que fut celle de Narcisse Pelletier. De son travail va naître un ouvrage : Narcisse Pelletier, la vraie histoire du sauvage blanc, aux éditions Elytis et une exposition : « Narcisse Pelletier, un mousse vendéen perdu en terres océaniennes ».

Cette exposition retrace la vie du jeune mousse au milieu du 19ème siècle, grâce aux peintures et dessins réalisés par Thomas Duranteau, auxquels sont rajoutés de nombreux documents historiques et des objets maritimes du 19ème siècle. « Narcisse Pelletier, un mousse vendéen perdu en terres océaniennes » est visible jusqu’au 25 mai au musée d’histoire naturelle de Nantes.

Cette exposition passionnante permet de soulever des problématiques actuelles de rapports et de hiérarchisation de culture. Elle nous permet également de découvrir une histoire hors-du-commun et d’en savoir plus sur les aborigènes d’Australie dont nous avons peu de témoignage.

Pour en savoir plus

Lien pour BD sur vie de Narcisse Pelletier ; Suivez ce lien pour livre de Duranteau ; Lien pour le détail de l’exposition et la réservation

Lien pour le livre « Chez les sauvages, dix-sept ans de la vie d’un mousse vendéen dans une tribu cannibale, 1858-1875 »

Par Claire Gary

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À la trace au Grand T

Mercredi soir dernier, la promotion 2021 de la majeure culture d’Audencia a eu la chance d’assister au Grand T parmi une salle comble à la pièce de théâtre À la trace. Cette pièce polar pleine d’émotion a été écrite par Alexandra Badea et mise en scène par Anne Théron. 

En voici un aperçu proposé par le Théâtre National de Strasbourg :

De quoi ça parle ?  

Sur scène on découvre la jeune Clara, interprétée par Liza Blanchard. Elle cherche à retrouver la trace d’une certaine Anna Girardin dont elle ignore tout et qui pourtant l’obsède. On trouvera avec elle plusieurs femmes portant ce nom, toutes jouées par Judith Henry. Et, bien qu’elles ne soient pas celle tant espérée, elles permettront à Clara d’en apprendre plus sur les motivations de sa recherche.  

En parallèle de cette enquête on trouve une autre femme, plus âgée, interprétée par Nathalie Richard. Au fur et à mesure du récit elle délivrera des brides de sa vie et de son passé à des hommes qu’elle rencontre en ligne.  

Au cours de la pièce, on détricote les liens obscurs qui unissent ces femmes. Pour en savoir plus sur l’intrigue, rendez-vous sur le site du Grand T

Les thématiques abordées : le mensonge, la maternité, l’abandon ou encore la liberté résonnent tout particulièrement à une époque où les femmes sont encore souvent tiraillées entre leurs désirs et leurs obligations, leurs aspirations et leurs insécurités.  

“On ne connaît jamais son enfant. On devrait recevoir un mode d’emploi à la maternité, nous apprendre comment changer les couches, comment donner le bain. À la place, on devrait juste apprendre comment aimer nos enfants sans chercher à les connaître. Toute la vie, on ne fait qu’essayer de les changer. On veut qu’ils nous ressemblent, qu’ils vivent ce qu’on a raté ou au contraire, on veut qu’ils soient différents, on ne supporte pas de voir un miroir sorti de son ventre.” 

Alexandra Badea

Sur scène, ça donne quoi ?  

La mise en scène propose une offre théâtrale innovante qui fait appel à des codes cinématographiques et des outils numériques. 

La structure construite sur la scène permet en un bloc de neuf cases de démultiplier les lieux. Ce bloc et ces cases deviennent également des écrans de projection au gré de l’intrigue. Ils permettent d’introduire des vidéos auprès des comédiens.  

À ce sujet, j’ai d’ailleurs été particulièrement impressionnée par la performance de Nathalie Richard qui échange avec les hommes projetés en vidéo avec un naturel bluffant. 

Photo de la mise en scène de la pièce jouée au Grand T. Des échafaudages ont été installés et formes un carré subdivisé en neuf carrés plus petits. La scène est éclairée d'une lumière verte. Trois des cases montrent des projections de vidéos sur lesquelles on voit des hommes.
Structure scénographique À la trace – © Le Grand T   

Et à la sortie, qu’est-ce qu’on en retient ? 

À la trace est une pièce étonnante qui allie un scénario complexe et original avec une grande accessibilité et divers niveaux de lecture, ce que je trouve fort appréciable.  

La prestation des quatre actrices sur la scène, mais aussi des quatre hommes en vidéos est impressionnante. Le jeu est empreint de gravité mais néanmoins plein de douceur ce qui s’avère très agréable pour les yeux et les oreilles.  

On pourrait conclure en disant qu’À la trace est une pièce captivante qui suscite l’émotion et berce le spectateur.  

Par Estelle Da Eira

Deux autres choix de lecture cette semaine : découvrez le festival nantais Handiclap ou bien l’évènement Candelight Chopin.

Du piano à la bougie

Il y a deux semaines j’ai eu le plaisir d’assister à l’évènement Candelight Chopin à Paris. Récit d’un concept qui dépoussière les codes du concert classique.

Un lieu atypique

Il est 21 heures, et ce vendredi soir on se presse devant la maison des Océans de la rue Saint Jacques, au cœur du Quartier latin. Fondé en 1906 par Albert 1er, Prince de Monaco, l’édifice d’inspiration Renaissance italienne qui renferme les bureaux de l’institut océanographique constitue un écrin privilégié de la recherche sur la protection des milieux marins. À y regarder de plus près, se détachent sur la façade méduses, hippocampes et autres crabes. Pourtant, ce n’est pas pour découvrir les trésors de la biodiversité des abîmes que de nombreux trentenaires viennent ici après-diner grossir la file d’attente dans le froid de l’hiver. A quelques exceptions près, une assistance jeune donc. Bruyants et joyeux, ils ne savent pas vraiment à quoi s’attendre mais ils s’apprêtent à vivre une expérience unique.

Les portes se décident finalement à s’ouvrir. Alors, la foule animée pénètre dans le vestibule, se réchauffe à peine avant de se glisser dans les couloirs, jusqu’à trouver l’entrée du grand amphithéâtre. A l’intérieur, les premiers s’affairent à trouver la meilleure place sur les étroits bancs bleus qui dévalent la pièce. Les plus chanceux arrivent jusqu’en bas, au plus près du parquet. Et ce n’est qu’une fois assis que l’âme singulière du lieu apparaît. Toute habillée de bois et parée de majestueux lustres en cristal, la salle donne à voir des fresques imposantes. Devant, « le Pont de la Princesse Alice » détaille une scène de vie dans navire lors d’une campagne océanographique, et sur le mur du fond un bateau fend la mer à la poursuite d’une baleine.

Un concert intimiste

A présent, les lumières se sont éteintes, le murmure des chuchotements aussi, comme s’ils s’étaient accordés à faire une pause. Les détails du décor de la pièce ne comptent plus, puisque devant, la lueur d’une myriade de bougies posées au sol se reflète dans les contours d’un piano. L’instrument s’impose au milieu d’un parterre d’étoiles et déjà l’atmosphère n’est plus la même. Mais voilà la porte qui s’ouvre et le virtuose qui arrive.

Avec facilité, il aventure ses doigts sur le piano, laissant l’émotion envahir la salle tandis qu’il joue Les Nocturnes 1 et 2, opus 27 de Chopin. L’assistance est envoûtée. Le pianiste s’élance de plus belle pour offrir cette fois une succession de valses, d’humeur plus joyeuses. Puis vient le fameux Nocturne en do dièse mineur, que l’on reconnait dans le film Le Pianiste. A mesure qu’il enchaîne les notes, le temps se suspend. Une heure passera sans que rien ne parvienne à ébranler la douceur du moment.

A la fin seulement, le musicien invitera les spectateurs à filmer sa Sonate numéro 3, Opus 28 pour alimenter leurs réseaux, rompant déjà un peu le charme du concert intimiste. Un dernier Scherzo termine de ravir l’audience. Le débordement d’applaudissements qui s’en suit annonce définitivement la fin du voyage à travers l’univers de Chopin. Tout le monde repart ému, de la musique encore plein les oreilles.

Pour en savoir plus sur les dates de ces concerts à la bougie aux prix très abordables qui ont lieu dans plusieurs villes en France et en Espagne !

Par Louise Dugeai

Pour l’autre article de la semaine, c’est ici !

33e édition du festival Handiclap : « la culture par tous et pour tous ! »

Handiclap : événement à ne pas rater ! Rendez-vous aux Machines de l’Île du 12 au 15 mars.

Le festival Handiclap 

Sa naissance

Sous l’impulsion de l’Association Pour Adultes et Jeunes Handicapés de Loire-Atlantique (APAJH44), le premier festival Handiclap naît en 1988. Son nom fait écho au célèbre « clap » du cinéma. Pour cause, c’est le cinéma qui guide les premiers pas du festival ; avec notamment un partenariat fort avec Le Concorde, qui, à l’époque, est le seul cinéma accessible pour les personnes en situation de handicap dans la région de Nantes. Un plan incliné pour les fauteuils avait été fabriqué spécialement pour l’événement. Cet attachement au cinéma a donc marqué les quatre premières années du festival avec la projection de 5 à 7 films pour chaque édition. 

33 ans plus tard 

Le festival s’ouvre au fur et à mesure à d’autres arts (arts plastiques, théâtre, littérature, musique, cirque, marionnettes, arts de la rue, etc.), mais l’objectif d’Handiclap reste le même : favoriser par l’expression artistique l’inclusion des enfants et adultes handicapés et ce quel que soit leur handicap

4 jours de festival

Les deux premiers jours du festival (jeudi et vendredi) sont essentiellement à destination des publics scolaires et des jeunes d’établissements spécialisés avec des ateliers organisés le matin et des spectacles l’après-midi à tarif réduit voire gratuit. Des spectacles, ateliers et expositions sont également organisés tout au long du festival et ouverts à tous. 

Où est-ce que ça se passe ? 

Les spectacles se déroulent sur l’Esplanade des Riveurs, près des Machines de l’Île de Nantes sous des chapiteaux installés pour l’occasion par le collectif Quai des Chaps. 

La scénographie sera réalisée pour la sixième année consécutive par les jeunes de l’IME Val-Lorie, un établissement de l’Association Pour Adultes et Jeunes Handicapés de Loire Atlantique dans le cadre de leurs ateliers préprofessionnels. 

En quelques mots, Handiclap c’est : 

  • 3 500 spectateurs 
  • 20 représentations 
  • 800 visiteurs de l’exposition 
  • 66 volontaires

L’édition 2020, les 33 ans d’Handiclap 

La programmation 2020

· Exposition, du lundi 09 au dimanche 15 mars

Sur le fonds d'une oeuvre d'art, un titre figure en blanc : "EXPOSITION, Maison des Hommes et Techniques". Ce lieu accueille l'exposition du festival nantais Handiclap.

La Maison des Hommes et des Techniques accueille l’exposition « Couleurs & Vibrations » dans son bâtiment « Atelier et chantiers de Nantes ». Plusieurs associations et artistes se réunissent pour exposer leurs œuvres. Au programme : créations plastiques, sculptures, peintures, photographies et boîtes à vibrations.

Le vernissage de l’exposition a lieu le lundi 09 mars à 18h30 et plusieurs animations sont proposées pendant la semaine : un concert de SLAM « Poètes en tous genres » mercredi 11 mars et un atelier de lectures tactiles organisé par la bibliothèque municipale de Nantes samedi 14 mars.

· Ateliers et spectacles jeune public, jeudi 12 et vendredi 13 mars 

Comme à son habitude, le festival réserve deux jours aux étudiants des écoles et des établissements du secteur médico-social pour leur proposer des ateliers et un spectacle : 

– Le spectacle « Hors Ligne » : « Hors Ligne mélange la musique jouée en direct, la danse contemporaine et la danse hip-hop. Dans un décor évoquant le braille, conçu par le graffeur nantais The Blind, les trois interprètes s’ignorent, se trouvent, se fuient, se cherchent, se guident. Hors Ligne imagine un univers qui évoque la cécité, le lien humain, la connexion à soi et au monde. »

Photo en noir et blanc du spectacle "Hors Ligne" de Handiclap 2019. On y voit trois jeunes gens dansant et faisant des acrobaties : deux femmes et un homme ; tous trois au centre de la photo.
© Festival Handiclap 2020

– Un atelier Breakdance 

– Un atelier Beat-Box, interprété dans la Langue des Signes Française

· Spectacles ouverts à tous, du jeudi 12 au dimanche 15 mars 

Pendant quatre jours, le festival organise de nombreux concerts, spectacles de danse, d’humour ou encore du théâtre ! 

Les trois artistes incontournables du festival :

Flavia Coelho, qui vous fait découvrir le baile funk et les musiques caribéennes
Malik Djoudi, pour les amateurs de chanson électronique et pop synthétique
Ko Ko Mo, pour les rockeurs

Handiclap parvient depuis plus de 30 ans à combiner culture et accessibilité tout en sensibilisant son public aux situations de handicap.

Intéressés par le festival ? N’hésitez pas à parcourir le programme plus en détails et venez prendre vos places.

Par Amélie Duchesne

Cette semaine, découvrez aussi l’évènement Candelight Chopin qui a récemment eu lieu à Paris et comment il réussit à dépoussiérer les codes du concert classique.

La patience de l’écrivain Sylvain Tesson

Éternel aventurier, Prix Renaudot 2019, Sylvain Tesson poursuit ses récits de voyage dans La Panthère des Neiges et se montre plus que jamais proche de la nature en prônant une vie ancrée dans le réel.

Adepte de sensations fortes, amoureux de Notre-Dame, il avait escaladé sa flèche une centaine de fois. Éternel enfant, il garde en lui le besoin d’aller frôler la mort, « de guérir par le mouvement », d’atteindre un point de vue très haut pour toucher du doigt le somptueux.

Photographie d’Emanuele Scorcelletti, 2018

Au-delà de son incroyable aventure, c’est son écriture qui marque. Sa capacité à nommer des sensations, à décrire ce qui l’entoure. Par l’écriture, il appelle à être patient, à ne pas se précipiter pour construire ou reconstruire, à écouter plutôt qu’écourter les silences.

C’est d’ailleurs ce grand silence qu’il ressentit dans le cœur des français au moment de l’incendie de Notre-Dame. Comme si dans ce brasier elle avait voulu se rappeler à notre bon souvenir. Par sa grandeur, au-delà de sa sacralité, elle représente l’œuvre de bâtisseurs qui mirent plus de deux siècles à la construire alors que notre siècle veut la reconstruire en seulement cinq ans. Sensations qu’il décrit merveilleusement dans son ouvrage Notre-Dame de Paris – Ô reine de douleur.

Ce silence, on le retrouve aussi dans La Panthère des Neiges, où l’écrivain attend, sur les hauteurs du Tibet en compagnie de Vincent Munier, que la panthère, appelée Saâ en tibétain, se montre. Dans le livre, alors que la panthère leur apparaît par trois fois, elle les invite à ne rien faire, à laisser glisser ce moment de légèreté et de simplicité que la nature leur impose.

« Cette réalité extraordinaire du monde, cette présence de la vie dans ses formes mystérieuses et étonnantes nous apparut. Tout est là sous nos yeux dans une réalité préservée et non augmentée. […] C’était le plus beau jour de ma vie depuis que j’étais mort. »

Sylvain Tesson

Dans le roman, la nature repose plus que jamais dans sa souveraineté, mais aussi semble-t-il dans sa cruauté. La panthère chasse, la panthère attaque. C’est cette hostilité naturelle que Sylvain Tesson nous rappelle et qui contredit l’image souvent trop lisse qu’on nous donne à voir de la nature. Mais si la loi du plus fort règne, la Nature, elle, repose dans une organisation parfaite. L’auteur n’appelle pas à un retour à la nature, mais un retour de notre nature. L’idée qu’en tant qu’être de sagesse nous ne pouvons pas tout attaquer ni maîtriser dans la précipitation. Nous devons regarder « l’aménagement de la vie dans toutes les strates du monde, être dans la dévotion du miracle vivant. » dit-il. Grâce à la patience et l’observation, nous conservons le joyau qu’on appelle naïvement Notre Monde.

S’il nous invite parfois à quitter la ville, Sylvain Tesson nous apprend aussi à voir, à faire pause.

Photographie de Vincent Munier au Kham (Tibet), 2016

Par Léopold Célereau.

Pour l’autre article de la semaine, c’est ici !