« Saveurs d’artistes, dans la cuisine des peintres »
du 17/06/2019 au 09/02/2020 au Musée d’Arts de Nantes
Au Musée d’Arts de Nantes, une rétrospective savoureuse autour de l’art, de l’aliment et du repas est à découvrir. Sujet essentiel dans la vie de l’Homme, le repas est un acte social hautement symbolique. Un sujet qui a inspiré de nombreux peintres qui ont su représenter les différentes étapes du processus d’alimentation de l’Homme. Sa vocation n’est pas uniquement de se sustenter mais il dispose d’un véritable rituel codifié. Du choix des aliments à la préparation des plats, du dressage de la table à la consommation du repas, toutes ces étapes ont été source d’inspiration pour les artistes peintres.
L’exposition propose une découverte du sujet sous trois axes : le repas comme rituel social et sacré, la cuisine perçue de longue date comme un royaume « féminin » et les liens privilégiés entre l’art et la nourriture. La rétrospective présente des peintres de tous horizons allant du 17e au 21esiècle. Parmi eux : Valtat, Grimou, Leray, Terniers Le Jeune, Chaissac, Kraen, Spoerri, Frangipane…
Le repas, un rituel social et sacré
Le rite du repas est un sujet privilégié des artistes et a été abordé par des grands maîtres de la peinture. Léonard de Vinci avec La cène, Paul Véronèse avec Les Noces de Cana, Caravage avec Le repas à Emmaüsou encore Claude Monet avec Le déjeuner sur l’herbe.
Au cœur de l’exposition, les artistes explorent la relation entre art et nourriture où le repas est un moment du quotidien qu’ils immortalisent.
Jusqu’à la fin de la Renaissance, représentation picturale du repas et tradition religieuse sont fortement reliées. En effet, elle s’apparente à un rituel sacré. De nombreuses œuvres portent également une dimension festive, de l’ordre du festin (« petite fête »). C’est notamment le cas dans les scènes de banquets royaux.
Au centre de l’exposition se dresse l’installation de Daniel Spoerri L’Hommage au jardin d’hiver de la Baronne Salomon de Rothschild. L’œuvre est composée de tables, chaises, assiettes sales, couverts et produits alimentaires d’une autre époque. Une sensation de temps figé se dégage de cette mise en scène. Tout d’abord, installée au cœur de la rétrospective, cette œuvre nous offre une autre vision du rituel du repas. En effet, elle élève la simplicité d’une scène quotidienne au rang d’œuvre d’art. La présence de miroirs autour de l’œuvre invite le spectateur à se projeter dans la scène et à s’intégrer dans le décor, provoquant ainsi une sensation de déjà-vu et d’appropriation de l’œuvre.
La cuisine, royaume « féminin »
La nourriture et le processus de dégustation ont une symbolique sexuelle forte. En d’autres termes, de nombreuses références sexuelles sont associées au domaine culinaire ; en termes de vocabulaire ou de représentations visuelles. Selon l’anthropologue Claude Lévi-Strauss dans La Pensée Sauvage(1962), l’esprit humain fait une analogie entre l’acte de copuler et celui de manger. Ce sont deux sources de plaisir ! Un Mari infidèle surpris par sa femme de David II Teniers Le Jeune, illustre cette proximité entre pratique sexuelle et monde culinaire. Dans ce tableau, un vieillard rejoint une servante dans la cuisine dans le but de tromper sa femme avec cette dernière. Celui-ci pénètre un lieu d’intimité féminine, que l’on peut considérer comme le jardin secret de la servante.
En effet, dans les tableaux du 17e jusqu’à la moitié du 20e siècle, la cuisine semble être un espace représentatif de l’univers féminin. C’est principalement la gente féminine qui l’occupe. Les hommes sont quant à eux représentés comme des mangeurs ou des buveurs. Ils n’interviennent qu’au cours du processus de consommation et non de préparation. Une répartition des tâches révélatrice de l’inégalité des sexes et de la place de la femme dans la société durant cette période : dans sa cuisine !
Liens privilégiés entre l’art et la nourriture
Aussi triviaux qu’ils puissent paraître, les aliments et leur processus de transformation (boucherie, poissonnerie etc.) ont toujours eu un lien étroit avec l’art. Une simple corbeille de fruits peut être sublimée en peinture, donnant naissance à une nature morte, sujet au cœur des travaux de nombreux artistes. Ce sont des thèmes simples, qui parlent à tout le monde et peuvent être facilement transformés « à la sauce » de l’artiste. Par exemple, Louis Valtat nous dévoile dans Légumes et fruits une nature morte aux couleurs vives représentative de son style et de son affiliation au fauvisme.
Cette exposition savoureuse nous aura donc conquis de par son approche originale des arts de la table.
Par Caroline Andrieu et Laure Aucaigne de Sainte Croix
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