Alors que s’opère un véritable « museum boom » en Chine depuis une dizaine d’années, les industries culturelles et musées français ont décidé de profiter de ce phénomène en s’y exportant. La Chine, souvent considérée comme un nouvel eldorado, offre de forts potentiels de développement qu’il est difficile de retrouver ailleurs. Avec sa population de 1,4 milliard de personnes et sa croissance économique annuelle située entre 3% et 7%, la Chine est perçue comme le pays de tous les possibles, notamment en ce qui concerne la culture.
À travers cet article, revenons sur les expositions et ouvertures de musées récentes qui contribuent au rayonnement de la culture française dans ce pays qui est en passe de devenir le pays le plus influent de la planète.
De l’intérêt pour les institutions culturelles de s’exporter en Chine
Beaucoup d’autres exemples autre que ceux qui suivront auraient pu être développés, comme celui de l’exposition du musée Bourdelle au Musée d’art de l’université de Tsinghua à Pékin, ou celui du musée national des arts asiatiques-Guimet qui présentera une exposition itinérante en partenariat avec les musées chinois de Shanghai et de Shenyang. La France porte effectivement un intérêt particulier à la promotion de sa culture en Chine : c’est pour cela que les services culturels de l’ambassade de France à Pékin comptent parmi les meilleurs au monde.
L’engouement des musées français pour la Chine s’explique en premier lieu par un intérêt économique. Outre la location d’œuvres, la vente d’expositions, mais aussi d’œuvres et de produits dérivés, par exemple, les musées ont intérêt à offrir leurs services à la Chine. De plus, 2,2 millions de touristes chinois ont visité la France en 2018 : l’enjeu est d’attirer et de fidéliser le public chinois dans les musées français, ainsi que dans les antennes chinoises. Ouvrir des antennes ou organiser des expositions en partenariat avec la Chine permet d’attirer ces touristes toujours plus avides de découvertes culturelles. En effet, Liu Yuzhu, chef de l’Administration nationale du patrimoine culturel en Chine a annoncé une hausse de 16% de la fréquentation des musées chinois en 2018, pour atteindre 1,13 milliard de visiteurs annuels.
Cependant, les musées ne représentent pas simplement un intérêt économique, ils servent aussi à renforcer le soft power français. La France est le cinquième pays le plus attractif au monde en matière d’investissements internationaux et la première destination européenne pour les touristes chinois (et entend le rester !). L’influence culturelle française est un moyen de renforcer l’image positive de la France et son prestige à l’international. C’est ainsi qu’Emmanuel Macron, après avoir organisé un projet d’échange culturel sino-français en 2018, avait souligné fin 2019 que toutes les institutions mentionnées ci-après « réinventaient la relation » entre la Chine et la France.
Le Centre Pompidou à Shanghaï
Le 8 novembre 2019, le « Centre Pompidou x West Bund Museum Project » a ouvert ses portes dans le centre de Shanghaï. Le Centre Pompidou prêtera des œuvres et sera chargé de la programmation (expositions, spectacle vivant) au West Bund, qui est le propriétaire et l’exploitant des lieux jusqu’en 2024, année de la fin du partenariat.
En plus de l’aspect financier avéré du partenariat (le partenariat rapportera au musée français 4 millions d’euros par an), le président du Centre Georges-Pompidou, Serge Lasvignes, expliquait qu’il souhaitait pour son musée une augmentation du public chinois, qui ne représente pour l’instant qu’un pourcent de son visitorat. « L’un de mes espoirs c’est qu’une fois que le Centre Pompidou sera davantage connu en Chine, on aura davantage de visiteurs à Paris ». En effet, l’ouverture d’une antenne à Shanghaï présentée comme le « plus important projet d’échange et de coopération culturels » est un moyen de développer la popularité du centre Pompidou en Chine.
Serge Lasvignes affirmait aussi que l’un des autres buts de l’implantation du musée était d’enrichir les collections du musée parisien avec davantage d’œuvres d’artistes chinois. « Il faut le faire à bon escient, et pendant qu’il en est encore temps, avant qu’elles ne deviennent inaccessibles, notamment du point de vue financier ».
Le musée Picasso et la fondation Giacometti bientôt à Pékin
Le 5 novembre 2019, un accord de coopération pluriannuelle a été signé entre Yang Yang, directrice du 798CUBE Project, Wang Yanling, président de Beijing Sevenstar Science Technology Co., Catherine Grenier, directrice de la Fondation Giacometti, et Laurent Le Bon, président du Musée national Picasso-Paris. Cette signature a débouché sur un projet de musée, qui devrait ouvrir cette année et rendre plus accessibles les collections de Giacometti et de Picasso. Ceci permettrait d’augmenter les recettes des deux institutions françaises en plus d’en faire la publicité.
Déjà, en juin 2019, le musée national Picasso-Paris avait organisé à Pékin la plus grande exposition consacrée à Picasso en Chine, en exposant plus d’une centaine d’œuvres de l’artiste. Cette exposition, organisée au sein du UCCA Center for Contemporary Art à Pékin, était ancrée dans le festival Croisements organisé par l’ambassade de France en Chine afin de promouvoir la culture française.
Le château de Versailles à Pékin
Dans le cadre du 600e anniversaire de la Cité Interdite, le château de Versailles co-organisera en juillet 2020 une nouvelle version de l’exposition « La Chine à Versailles. Art et diplomatie au XVIIIe siècle », qui avait déjà eu lieu au sein du château en 2014.
Après l’ouverture récente d’un compte WeChat pour promouvoir le château auprès des touristes chinois et la mise en place du paiement mobile via WeChat Pay et Alipay en décembre 2019, le château de Versailles semble décidé à conquérir et fidéliser le visitorat chinois qui représentait en 2019 presque 10% de ses visiteurs.
Le musée Rodin bientôt à Shenzhen
À l’occasion du centenaire du musée Rodin, une antenne devrait ouvrir d’ici quelques années à Shenzhen, dans le sud de la Chine. L’ouverture d’un « centre d’art Rodin » pourra se faire dans le cadre d’un accord de mécénat avec Mme Zhang Chengcheng, grande fortune chinoise qui a passé une partie de son enfance en France.
Prévu sur le modèle d’un partenariat entre la France et la Chine, le musée Rodin pourrait, à l’instar du centre Pompidou, prêter les œuvres de sa collection, organiser des expositions pour l’antenne chinoise, fournir des conseils en acquisitions à la structure chinoise, ainsi que vendre des éditions originales de sculptures en bronze de Rodin.
D’autres institutions culturelles françaises s’exportent elles aussi à l’étranger
Il est intéressant de noter que les musées ne sont pas les seules institutions françaises à s’exporter à l’étranger. En effet, l’Orchestre Philharmonique de Radio France a signé en novembre 2019 un partenariat avec le China Philharmonic Orchestra et tournera à Pékin, Shanghaï, Hong Kong et Shenzhen.
Depuis 2015, les Rencontres Photographiques d’Arles se tiennent également en Chine, dans le quartier d’affaires de Xiamen, « petite » ville de 5 millions d’habitants dans le sud-est de la Chine. Chaque année, une sélection d’expositions présentées à Arles pendant l’été sont exposées à leur tour en Chine. Ces Rencontres s’imposent peu à peu comme l’un des principaux rendez-vous de la photographie chinoise contemporaine.
Si vous souhaitez en savoir plus sur l’exportation de la culture française en Chine, vous pouvez vous rendre sur le site de l’ambassade de France à Pékin qui présente toutes ses actions culturelles, et particulièrement sur ce site, lui aussi conçu par l’ambassade de France en Chine afin de promouvoir la culture française.
Par Julie Liégeon
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