Avec Ready Player One, Spielberg renoue avec le grand film d’aventure et de science-fiction et signe une oeuvre plus intimiste qu’il n’y paraît au premier abord.
La première chose que l’on remarque en visionnant ce film est la beauté des effets spéciaux, qui atteignent en certains instants un niveau inégalé, notamment dans la scène déjà culte et totalement déjantée de la course automobile.
On est aussi tout de suite frappé par le fonctionnement du monde dystopique. Cet univers morne et triste tranche avec les couleurs et l’imagination du monde virtuel, au point que nous aussi, on se surprend à souhaiter pouvoir passer du temps dans l’Oasis. Et c’est sans doute là l’un des plus grands talents du réalisateur. Il nous place immédiatement face au dilemme important qu’est celui de la virtualité: faut-il préférer une vie vide de sens mais réelle ou une vie pleine de rebondissements mais montée de toute pièce?
On regrettera une histoire d’amour un peu bâclée, marquée par quelques raccourcis. Rien n’explique vraiment le changement soudain de jugement que porte Art3mis à Wade. Elle lui reproche de ne s’intéresser qu’à sa propre personne et semble le pardonner bien rapidement. Le livre dont est tiré le film avait, au contraire, réussi à rendre plus crédible cette histoire d’amour virtuelle.
Le roman avait aussi pu mettre plus en valeur les personnages secondaires, qui se retrouvent ici comme de simples éléments de décors. Même le meilleur ami du héro, Aech, est réduit à un pur effet comique. Ce que la tante Alice gagne en sympathie, le groupe des High five le perd en personnalité.
Mais le grand gagnant, c’est le personnage de Nolan Sorranto. Et c’est sûrement un pari intelligent de la part de Spielberg que de lui donner une telle place dans le film. Il est omniprésent. On assiste à son évolution, à la montée de sa rage incontrôlable, alors que son échelle de valeurs s’effondre de plus en plus.
Ready Player One, au-delà d’une course contre la montre pour le pouvoir et l’argent, est une réflexion sur l’enfance et le regard que l’on porte sur son héritage. C’est une interrogation sur ce que l’on laisse derrière soi et la responsabilité qui incombe au créateur d’une oeuvre. Ainsi, on ne peut s’empêcher de voir dans le face-à-face entre James Halliday et Wade Watts, celui entre Spielberg et son héritage. Qui sera le prochain Spielberg ? Sera-t-il à la hauteur ? « J’ai accompli ma mission, c’est à la nouvelle génération de reprendre le flambeau », voilà ce qu’il semble nous dire.
L’apparition de la version enfantine de James Halliday est tout aussi troublante quand on sait l’importance qu’attache le réalisateur à l’enfance dans ses films. Il ne s’en est jamais caché et c’est sans aucun doute un des éléments les plus symboliques et représentatifs de son cinéma.
Car Spielberg et son moi enfantin ont toujours cheminé ensemble, ils ne se sont jamais séparés. Et c’est ainsi que James Halliday, laissant planer le doute sur sa mort, disparaît, accompagné de l’enfance qu’il ne souhaite pas oublier. Non, le créateur ne meurt jamais vraiment. Il continue d’exister à travers les oeuvres qu’il lègue au monde.
Spielberg signe donc là avant tout une oeuvre personnelle. Il ne faut jamais oublier l’enfant qui est en soi au risque de devenir comme Sorranto, qui finit par comprendre, mais trop tard, que les rêves d’enfant sont plus forts que tout, même la volonté de tout contrôler et la soif de pouvoir.
Une fois de plus, Spielberg l’emporte face à ses détracteurs qui annonçaient déjà un désastre sans précédent. Décidément, il n’est pas bon de sous-estimer l’homme (ou l’enfant ?) qui, à 71 ans, est encore capable de se plonger dans une histoire mêlant mondes virtuels, dinosaures et robots-samuraïs équipés de sabre laser.