En écrivant le premier traité officiel français de fauconnerie, Charles d’Arcussia seigneur d’Esparron-de-Paillières a donné à la fauconnerie ses bases dans le monde. Aujourd’hui, dans le Var, une confrérie porte son nom. Elle perpétue un savoir-faire, inscrit au patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’Unesco.
« La fauconnerie est l’art de capturer un gibier dans son milieu naturel à l’aide d’un oiseau de proie affaité- dressé. C’est un art très ancien pratiqué dans plus de quatre-vingts pays et inscrit au patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’Unesco depuis 2010 »
Christian Ghinamo, maire d’Esparron-de-Pallières, et secrétaire de la confrérie de Charles d’Arcussia de Caprée.
Un peu d’histoire
La fauconnerie, aussi appelée chasse au vol, a eu ses moments de gloire en France à la fin du XVIe et XVIIe siècles, sous Henri IV et Louis XIII. Esparron-de-Pallières, ce village construit tel un nid d’aigle sur l’éperon du plateau de Montmajor, ne l’a pas oublié. La petite église du village conserve même en ses murs, l’autoportrait austère d’un de ces seigneurs, Charles d’Arcussia (1554-1628).
Gentilhomme campagnard, fin lettré et bon père de famille, Charles d’Arcussia n’a pas moins de vingt-deux enfants avec sa noble épouse Marguerite de Forbin. Quinze garçons et sept filles, dont seulement quinze survivent à cette époque. Le seigneur et maitre d’Esparron est animé d’une passion dévorante pour un mode de chasse particulier, effectué à l’aide d’oiseaux de proie.
Gentilhomme ordinaire à la cour, à l’avènement d’Henri IV (1596), il est nommé premier consul d’Aix, procureur du pays et député aux États de Provence. Grand spécialiste de dressage de faucons, vautours, éperviers et autres busards, il devient gentilhomme de la fauconnerie d’Henri IV puis de Louis XIII.
Il publie en 1598, le premier traité de fauconnerie français, « La Fauconnerie de Arcussia, Seigneur d’Esparron de Paillières ». Cet ouvrage, fruit de longues années de travail, est édité en cinq exemplaires. Il définit les règles techniques, mais également morales, que les fauconniers se doivent de respecter dans la pratique de leur art. Ce traité a longtemps été considéré comme la référence en la matière par les équipages du monde entier.
L’expansion de l’art de la fauconnerie
Dès le Moyen-Âge, la fauconnerie se développe dans tous les pays d’Europe.
« En France, si elle est essentiellement pratiquée par les rois, elle connaît un âge d’or sous Louis XIII. Fauconnier dans l’âme, Charles d’Arcussia propulsera la fauconnerie française en première position dans le monde, tant par l’éclat de ses équipages que par sa technique »
Bernard Prévost, fauconnier et membre de la confrérie de Charles d’Arcussia.
En 1616, la fauconnerie du roi comporte trois cents oiseaux, répartis en six spécialités : le vol pour le héron, le vol pour milan et corneille, le vol pour perdrix… Raffinements et subtilités permettent des prouesses. Les oiseaux volent de compagnie, c’est-à-dire en équipe, chacun tenant un rôle distinct ! Le talentueux historiographe de ces chasses est alors Charles d’Arcussia de Caprée, vicomte d’Esparron-de – Paillières.
La contribution de cet expert, à l’éducation des oiseaux de chasse et accessoirement à celle des chasseurs, a été reconnue par la commune d’Esparron-de-Paillières, qui lui dédie une plaque commémorative apposée au centre du village.
Les fauconniers de Provence rendent également hommage au seigneur des faucons d’Esparron. Héritiers d’une tradition qui compte quelques adptes, ils baptisent leur équipage – le seul de la région Sud Paca – d’après le vicomte Charles d’Arcussia. Ils sont reconnaissables à leurs gilets bleus et or, les couleurs de la Provence, et à leurs boutons, sur lesquels un autour enlève un lièvre.
Cette reconnaissance est un symbole important pour le village. Esparron-de-Pallières suit cet élan et crée une confrérie. Aujourd’hui présidée par Xavier de Jerphanion, propriétaire du château de Charles d’Arcussia, elle s’attache à préserver le patrimoine, que représente la fauconnerie, lors de journées d’animation dédiées à cet art.
Spectacles de Fauconnerie
Aujourd’hui des représentations ont lieu dans toute la France. Elles se présentent sous la forme de spectacles de fauconnerie ou fauconnerie équestre. La plupart de ces exhibitions sont des représentations où des intervenants (les dresseurs) sont costumés, selon les traditions, avec le matériel utilisé en fauconnerie médiévale (leurre, gants, chaperon..).
Le Puy du Fou, qui dispose de la plus grande collection d’oiseaux au monde, est une des places fortes de la fauconnerie en France.
Son spectacle le plus connu est « Le bal des oiseaux ». Il présente près de trois cent trente oiseaux, entre aigles, faucons, vautours, milans et chouettes. Les oiseaux volent à quelques centimètres des spectateurs. Ils effectuent des chorégraphies dans le ciel et plongent dans les bras de fauconniers qui se transforment en véritables chef d’orchestre d’un ballet envoutant. Par ailleurs, les oiseaux volent à quelques centimètres des spectateurs, qui ne peuvent être qu’émerveillés de voir ces rapaces d’aussi près.
Être fauconnier en 2021
Un mode de vie
Chez les Prévost, la fauconnerie est une passion familiale. Une fascination pour les oiseaux de proie que Bernard a transmis à sa femme Annie puis à un de ses deux fils, Sylvain. Car la « fauconnerie » va plus loin qu’un simple mode de chasse. Le fauconnier est un passionné.
“C’est plus un mode de vie, qu’une activité de chasse. On y consacre tous nos loisirs. On rencontre d’autres fauconniers et on voyage. Et surtout, on participe à la sauvegarde des rapaces qui ont longtemps été considérés comme des nuisibles ».
Bernard Prévost
Pour Bernard Prévost, sa passion s’est même étendue à sa vie professionnelle en qualité de créateur de la fauconnerie de la base militaire d’Istres. Il y dressera les oiseaux pendant 18 ans.
Une pratique réglementée
En France, la chasse au vol est réglementée, car elle impose pour la pratiquer d’être détenteur d’un permis, le même que celui pour la chasse à tir, et de se conformer à un calendrier. Cependant, elle est peu compatible avec la chasse au fusil.
« Les jours sont donc comptés. Mais certaines sociétés de chasse acceptent des pratiquants et aménagent un calendrier pour éviter de se croiser. Après, chaque fauconnier trouve des solutions. Certains chassent sur des propriétés privées d’autres partent à l’étranger en Espagne, Ecosse, Hongrie… sur des terres plus giboyeuses pour entrainer leurs oiseaux ».
Bernard Prévost
Chez les Prévost, les équipages sont constitués de Bernard avec Tisza une forme (femelle) de Faucon pèlerin, d’Annie avec un Tiercelet (mâle) d’Autour et de Sylvain avec un tiercelet de Faucon Gerfaut blanc.
Les faucons et les autours sont les deux grandes familles d’oiseaux de la chasse au bas vol pour les proies à plumes et à poils, comme le lièvre, le lapin. Il manque encore un membre indispensable, un chien d’arrêt, car comme le dit Bernard Prévost « la chasse au vol est la collaboration entre trois éléments, le fauconnier, l’oiseau et le chien ».
La Fauconnerie, pratique ancestrale, semble avoir encore un bel avenir devant elle.
Paul Taieb
Sources :
« La Fauconnerie ancienne et moderne » de Jean Charles Chenu
« Rapaces, entre ciel et terre » de Christian Coulomy