Aujourd’hui, les applications de divertissement, qui font d’ailleurs office d’outil de communication, sont devenus le « must have » des plus jeunes. Il est donc important pour les artistes de suivre la tendance et d’être au plus proche de leur public, en passant par exemple par Tik Tok, application la plus téléchargée devant Youtube ou encore Instagram.
Avec le succès monstre de “old town road” de Lil N’as X grâce à Tik Tok, il est clair que l’application peut être considérée comme surpuissante pour promouvoir les chansons. En très peu de temps, des centaines de milliers de personnes se sont filmées sur le titre en suivant le Yee Yee Juice Challenge.
De là, s’en est suivi une multitude de challenges sur l’application, que ce soient des challenges de danse, de sketch, de cuisine… Et dans cette sphère de challenges on remarque que certains artistes arrivent à créer un réel engouement et se démarquent ainsi des autres en rendant leur morceau viral.
Mais en réalité, qu’est-ce que Tik Tok ?
Cette application se base sur un fonctionnement assez simple : l’utilisateur enregistre une courte vidéo sur laquelle une bande sonore ou musicale peut être intégré. On y retrouve des personnes qui chantent en playback, des chorégraphies, des sketchs et d’autres scènes amusantes. Une fois la vidéo publiée, elle est visible par le reste de la communauté. Et la communauté est vaste : on compte près de 650 millions d’utilisateurs actifs dans le monde, dont 4,5 millions en France.
De nombreux artistes déjà connus se servent de la plateforme pour promouvoir leur musique (comme Miley Cyrus qui s’en est servi pour annoncer son prochain album) et on remarque également un essor d’artistes émergents qui ajoutent leur musique sur Tik Tok via des applications telles que BeeCut, YouCut ou encore Via Video. Le titre et l’artiste sont toujours crédités, ce qui [ rend le morceau facilement identifiable.
Fun Fact : Il y a deux ans de ça, Gary Vaynerchuk voyait en Tik Tok le nouveau réseau social capable de concurrencer Instagram. C’est désormais le cas.
Grâce à cette application, des artistes émergent de tous les continents, certains naissent et d’autres ressuscitent grâce à 15 secondes de vidéos devenues virales.
Des artistes qui naissent
Après avoir parlé du cas de Lil N’as X et de son “old town road” ayant fait le tour du monde, on ne peut pas se pencher sur Tik Tok sans aborder le cas de Savage Gasp. Cet artiste était inconnu au bataillon avant de voir ses sons exploser sur l’application : “Tunnel of love”a comptabilisé plus de 700 000 vidéos sur l’application. Si on multiplie le nombre de vidéos réalisées avec ce titre et le nombre de vues sur ces vidéos, on atteint des millions d’écoutes générées directement par ce nouveau réseau social.
Mais alors, comment cela se traduit-il sur les ventes de l’artiste ?
Tik Tok n’est pas considéré comme une plateforme de streaming mais véritablement comme un réseau social. Ainsi, Tik Tok ne permet pas de rémunérer les artistes, même si des centaines de milliers de vidéos ont été générées avec un loop de 15 à 30 secondes d’un morceau.
La question qui se pose alors est : les utilisateurs de Tik Tok vont-ils écouter les morceaux seulement sur l’application ou une conversion va-t-elle s’effectuer vers les plateformes de streaming ? La réponse est la seconde option. Heureusement, les gens stream !
Si on prend l’exemple de “Tunnel of love”, il comptabilise aujourd’hui plus de 30 millions d’écoutes sur Spotify sachant que le titre s’est fait connaître via l’arme massive de promotion qu’est Tik Tok. Avant de commencer à se faire connaître, le chemin était long pour un artiste. Sur internet, il fallait notamment être repéré sur Youtube avec des clips de qualité. Désormais Tik Tok offre des millions d’écoutes en un temps record !
D’autres exemples d’artistes français inconnus avant Tik Tok sont à noter, tel que le rappeur de niche 1pliké qui a connu un gros boom dès que les utilisateurs Tik Tok ont commencé à faire des vidéos sur ses titres. Son “Freestyle hors-série” est passé de 500 000 vues à 10 millions de vues sur Youtube en l’espace d’un mois.
Bien évidemment, l’exemple parfait reste celui de Wejdene. C’est la chanteuse par excellence qui a décollé avec cette application. Il lui a fallu un son, un challenge Tik Tok et le tour était joué. “Anissa” a très vite été certifié platine, soit 30 millions d’équivalents streams. Depuis, elle a sorti son premier album “16” qui est disque d’or.
Fun Fact : Se sentant pousser des ailes, Wejdene a tout de même imposé une avance de 500k minimum à tous les labels qui souhaitaient la signer. Résultat, seul Universal Music a su répondre à sa demande.
La génération des 13-18 ans passe désormais par Tik Tok pour découvrir de nouveaux artistes, de nouveaux tubes. Ce boom de Tik Tok permet ainsi aux artistes de signer plus rapidement au sein d’une maison de disque avec une offre bien plus conséquente qu’un artiste que l’on aurait pu considérer comme « en développement ». Autre exemple : grâce à cette outil de promotion qu’a su utiliser Sueco the child, Atlantic Records, label détenu par Warner Music, a décidé de signer le jeune artiste sur le champ.
On notera que plus de 70 musiciens qui ont connu une révélation via Tik Tok ont ensuite dégoté un contrat avec une maison de disque.
Au sein des labels de musique, Tik Tok n’est plus une option mais un must have. Beaucoup de chefs de projet proposent directement aux artistes de trouver un challenge sur un nouveau son ou de créer un profil tiktok et de partager le son via une courte vidéo. Il y a ensuite ceux qui se prêtent au jeu et ceux qui sont plus craintifs quant à cette application.
Des artistes qui reviennent au goût du jour
Aux côtés d’artistes qui ont émergé via Tik Tok, on trouve également des « ressuscités ». K camp en est l’exemple même, car depuis 2015 sa notoriété a baissé au niveau mainstream. C’est avec son titre “lottery”, titre le plus écouté et ayant généré le plus de vidéos sur Tik Tok, que K Camp a retrouvé son succès d’antan voire bien plus encore. Grâce à l’application, il a même pu renégocier son contrat avec Interscope, son label, notamment au niveau de la promotion et des passages en radio qu’il a jugé moindres face à son succès retentissant sur le réseau social.
Lorsque ce ne sont pas des artistes qui ressurgissent, ce sont des sons qui ressuscitent comme par exemple “la boulette” de Diams, ou “something new” de Wiz Khalifa. Les sons arrivent sur l’application et poussent ensuite les utilisateurs à streamer la musique sur YouTube et les plateformes de streaming.
Tik Tok ou l’application qui veut venir en aide aux artistes en développement… mais sans jouer le jeu des droits d’auteur ?
La naissance de “Tik Tok spotlight” a été annoncée en 2019 en Chine. Ce programme a pour but de promouvoir et manager les artistes indépendants non signés. A l’aide d’une nouvelle chaîne de l’application, ces artistes soumettent leurs vidéos, challenges et autres qui seront ensuite classés (en fonction des vues) parmi les 100 vidéos les plus populaires de l’application. Les finalistes auront ensuite la possibilité d’aller à la rencontre de labels et maisons de disques partenaires à l’application.
Cependant, une question reste en suspens. Si certains artistes voient leurs morceaux écoutés en boucle sur des plateformes de streaming rémunératrices ou réussissent à signer des contrats, cela compense-t-il l’utilisation non rémunérée de leur œuvre musicale sur des milliers d’œuvres vidéo au sein desquelles la musique est souvent au premier plan ? Pire encore, les artistes qui ne deviennent pas viraux mais tournent tout de même beaucoup n’ont aucune rémunération, et la célébrité apportée est négligeable. Comme les autres réseaux, Tik Tok offre beaucoup à une minorité et bafoue les droits de la majorité.
Le réseau social mondial pose un réel problème de droits d’auteur. Les lois n’ont pas eu le temps de s’adapter et Tik Tok profite aujourd’hui d’un vide juridique autour des droits d’auteur. Car Youtube le premier, mais aussi le réseau social Facebook a pris en compte les problématiques de droits d’auteurs et applique une réglementation stricte sur l’utilisation de morceaux musicaux. Pour des artistes moins connus, la soumission à la réglementation de Tik Tok est nécessaire, oui, car en effet elle offre une petite chance de devenir célèbre. Mais nécessaire ne signifie pas correct. Il faut, comme sur Youtube (qui déjà n’offre pas une rémunération suffisante), que les artistes soient rémunérés pour les vues réalisées grâce à leurs morceaux. Le problème est complexe (quelle est la place du morceau dans l’oeuvre vidéo ?), mais il est nécessaire, pour le bien des droits d’auteur que nous avons eu tant de mal à faire valoir ailleurs et qu’internet met à mal.
Notoriété, opportunité, fame & visibilité sont ainsi les maîtres mots de Tik Tok, le réseau social qui a provoqué un réel bouleversement au sein de l’industrie musicale.
Eugénie Herbert
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