Rencontre avec Pauline Ferrières, co-créatrice de la marque de mode DEYI 德逸

Bonjour Pauline, est-ce que tu peux te présenter et nous décrire un peu ton parcours ?

Bien sûr, je m’appelle Pauline Ferrières. J’ai 23 ans, je suis originaire d’Aveyron. Passionnée par les arts, j’ai intégré Audencia en 2016. J’avais choisi en particulier cette école pour les enseignements qu’elle propose en lien étroit avec le milieu culturel et artistique. En première année, j’ai opté pour le parcours en partenariat avec les Beaux-Arts de Nantes. Après mon année de césure, j’ai suivi la majeure en management des institutions culturelles à Audencia, puis j’ai complété ma formation à Boston University, en Arts Management.

Lors de mon année de césure, je suis partie pendant un an en Chine, à Beijing. Je suis passionnée par la culture chinoise. J’ai d’abord travaillé en production artistique dans le centre culturel La Plantation, au sein d’un quartier d’art contemporain. Là-bas, j’ai eu l’occasion de rencontrer de nombreux artistes, notamment la calligraphe chinoise Ma Defan. J’ai ensuite travaillé en tant que chargée de promotion pour cette artiste. L’été dernier, j’organisais son exposition à Rodez, ma ville natale, dans le cadre de la célébration du centenaire de Pierre Soulages. 

Aujourd’hui, je travaille en collaboration avec une créatrice de mode, Adriana Cagigas, et un designer chinois, Zhang Xing. Ensemble, nous avons créé la marque DEYI 德逸 qui promeut un art de vivre inspiré de la philosophie et des traditions chinoises, avec une approche contemporaine. Le 2 Février dernier, nous présentions, à l’occasion d’un défilé pour la fashion week de Madrid, notre collection de mode éthique.

Les pièces de la collection ont été créées avec des tissus d’exception des minorités Miao du Sud de la Chine. Ces techniques ancestrales de confection de tissus se perdent peu à peu car les jeunes générations n’ont plus envie de les apprendre. En effet, elles ne leur permettent plus d’en vivre. Avec notre projet, nous travaillons en collaboration étroite avec les artisans locaux pour permettre la préservation de cet héritage culturel. 

Photographie d'une femme Miao en costume traditionnel comprenant une coiffe argentée et ornée, un haut d'étoffe riche et brodée ainsi qu'un collier doré imposant. La femme est maquillée de paillettes autour des yeux qui étincellent sous la lumière. Cette photographie représente le type d'habits et de tissus ayant inspiré la collection Janvier 2020 de Deyi.
Femme Miao © Pauline Ferrières

Qu’est-ce qui t’attire dans l’art ? Et dans l’art chinois ? 

Ce qui me fascine c’est le pouvoir qu’a l’art de changer la société, d’ouvrir les consciences. De nombreux artistes nous amènent à réfléchir sur notre monde. J’aime collaborer en particulier avec des artistes engagés, qui ont des messages particuliers à transmettre. Je suis convaincue de l’impact social de l’art. Selon moi, il est donc essentiel que l’art sorte des musées. Tous les enjeux autour de l’art dans l’espace public m’intéressent particulièrement. J’ai d’ailleurs pris beaucoup de plaisir à étudier à Nantes. La ville offre une programmation très riche en termes d’art contemporain dans l’espace public.

Concernant les arts visuels chinois, je suis passionnée par la calligraphie, un art trois fois millénaire. Je suis aussi très intéressée par la création chinoise contemporaine. J’apprécie particulièrement les œuvres de l’artiste contemporain chinois Xu Bing. Il réalise notamment des installations artistiques avec des déchets et des végétaux qui évoquent les paysages montagneux que l’on retrouve sur les estampes traditionnelles chinoises. J’admire aussi beaucoup Cai Guo-Qiang. Cet artiste chinois qui exerce à New York ne cesse d’innover en utilisant de la poudre à canon pour réaliser ses œuvres. 

Comment as-tu vécu ton expérience d’expatriée en Chine ?

J’ai très bien vécu mon année en Chine. Ce fut l’une des plus belles années de ma vie. Il m’a fallu bien sûr quelques jours d’adaptation mais ma maîtrise du mandarin m’a permis de vite m’adapter. La Chine est un pays très dépaysant où j’ai eu la chance de faire de superbes rencontres artistiques. Ma passion pour la Chine n’a fait que s’intensifier depuis. J’ai été formée par des maîtres chinois à la philosophie du thé, l’art floral, l’art de la céramique et au guqin(une cithare traditionnelle chinoise). J’ai alors pris l’initiative d’organiser des workshops pour les expatriés de Beijing à qui je présentais la culture chinoise, en présence de ces maîtres.

Ma Defan et Pauline Ferrières © Zhang Xing

As-tu éprouvé des difficultés dans ton parcours ? 

Bien sûr. Je pense que ma plus grande difficulté aujourd’hui est de parvenir à jongler entre mes études et les projets artistiques je développe en parallèle, en tant qu’auto-entrepreneur. Il me faut faire preuve d’une grande organisation et de flexibilité. Je dois parvenir aussi à gérer au mieux mon stress.

D’autre part, dans le cadre de mes collaborations avec des Chinois, j’ai fait face à de nombreux challenges dûs aux différences culturelles. Ma connaissance fine de la culture chinoise aujourd’hui me permet de mieux gérer ces défis. 

Quels conseils donnerais-tu aux étudiants souhaitant travailler dans l’art dans un pays étranger ?

Tout d’abord, j’estime qu’une grande motivation est la clé. C’est un travail de longue haleine. Il ne faut pas hésiter à solliciter et relancer de nombreuses institutions (et ne pas avoir peur des refus !). Être très actif sur les réseaux sociaux professionnels et entretenir son réseau me semble aussi essentiel. 

Je recommande aussi de contacter régulièrement des personnes dont les carrières vous intéressent pour leur poser des questions. 

Tout au long de mon parcours professionnel, j’ai eu de la chance de rencontrer des personnes qui m’ont beaucoup aidée ; mais je pense que cette chance, il faut savoir la provoquer ! Quand j’étais en Chine, j’ai fait au mieux pour m’intégrer avec la population, contrairement à une grande partie de la communauté expatriée qui reste entre elle. J’ai développé mon réseau artistique sur place. 

Pour travailler dans l’art à l’étranger, il me semble aussi important d’avoir une connaissance fine du milieu artistique qui vous intéresse, dans le pays en question. Il faut se tenir régulièrement informé de l’actualité dans ce domaine, être très curieux.

Que prévois-tu pour la suite ?

Je travaille actuellement sur la commercialisation des pièces de la collection de DEYI. Nous envisageons de participer à d’autres défilés d’ici la fin de l’année.

De manière plus large, j’ai pour ambition à l’avenir de continuer à promouvoir les échanges culturels et artistiques entre la Chine et l’Europe. J’ai aussi à cœur de donner une nouvelle image de la Chine et éveiller les consciences quant à la nécessité de préserver l’héritage culturel des minorités chinoises.

Par Catherine Zhang

Vous souhaitez en savoir plus sur Pauline ? N’hésitez pas à visionner son interview sur la chaîne de télévision chinoise CGT. Vous pouvez aussi explorer le site de sa marque, ainsi que le compte Instagram « deyi.living ».

Cette semaine, d’autres témoignages de femmes inspirantes sont mis en avant sur notre blog par ici.