Pourquoi j’aime lire?

« J’aime la littérature » : c’est un constat étrange à dire à haute voix. Pourtant il est partagé par beaucoup de gens, dont moi-même je fais partie. Pourquoi diable alors, ne nous sentons-nous pas légitime de dire que l’on aime lire ? Et comment convaincre ceux qui hésitent encore à rejoindre ce club, pas aussi fermé qu’on pourrait le croire ? 

Ce constat s’est imposé clairement quand je tournais frénétiquement les pages d’un bouquin à 4 heures du matin sans pouvoir m’arrêter. J’avais plus de mal à décrocher d’un livre haletant que d’une série aux mille et un rebondissements. Il y a en effet quelque chose d’addictif dans la lecture ; le fait même de tourner les pages nous tient en haleine. Sans cet acte, l’histoire ne pourrait poursuivre son cours. En ce sens, chaque page tournée devient un saut volontaire dans l’inconnu. Combien de fois m’est-il arrivée de retourner plusieurs pages en arrière pour retarder le moment fatidique où j’aurai à découvrir la page suivante ? On ne parle pas ici, d’un ou de deux cliffhangers mais bien de 500 ou 700 ! 

Dans ma jeunesse, lire était considéré comme le hobby des loosers ou des personnes qui devaient s’améliorer en orthographe (parole d’enfant d’orthophoniste) … Je n’ai jamais vraiment compris ce sentiment. Peut-être a-t-il été créé en partie par le fait que la lecture était une activité imposée par les professeurs, créant ainsi l’amalgame dans l’esprits des élèves. Par transitivité, si lire est un devoir, et que les devoirs sont une corvée, alors fatalement la lecture devient une corvée elle-aussi. C’est cette idée, je pense, qui fait le plus de mal à la lecture : cette idée reçue que ce soit une torture dont seul un(e) sadomasochiste abouti(e) pourrait tirer du plaisir. 

Je dois l’admettre, ce n’est pas le plus sexy des mediums, et entre lire Game of Thrones et voir la série, il y en a une option plus attractive que l’autre. Mais est-ce qu’un plaisir de longue durée ardemment mérité n’est pas plus appréciable qu’une satisfaction immédiate ? Attention je ne critique pas les séries ou les films, j’en suis moi-même un grand amateur et consommateur. Il m’est d’ailleurs arrivé à maintes reprises de préférer regarder un bon film plutôt que d’ouvrir mon bouquin. Pourtant je n’ai jamais réussi à y retrouver le même degré d’émotions : car quand on ne te montre pas ce qu’il y a voir, tu peux l’imaginer de mille façons différentes pour en faire une expérience réellement intime. La lecture est aussi une expérience immersive, qui occupe totalement l’esprit ; il est impossible de lire et de dégainer son téléphone en même temps. Je sais que ça peut être considéré comme rétrograde à l’ère du multitâches mais c’est justement ce qui fait sa beauté : pouvoir entrer dans une bulle, coupé(e) du quotidien. 

La lecture peut donc être un plaisir mais si l’on veut se livrer à l’expérience faut-il se coltiner les 2 400 pages d’À la recherche du temps perdu pour autant ?  Au risque de choquer quelques âmes, je ne le pense pas. 

On entend souvent parler de classiques dans la littérature par lesquels devrait passer quiconque se prétendrait un tant soit peu littéraire. Je pense qu’il faut les démystifier un peu puisqu’ils ne me paraissent que le fruit de constructions sociales. C’est l’école et ses représentants qui en premier lieu ont mis en avant ces livres, la transmission et le temps a ensuite fait le reste et ils se sont inscrits au cœur de notre culture pour devenir des incontournables. Cette sélection première n’est alors que le fruit de coïncidences, d’effets boule de neige et de choix discutables qui ont permis à certaines œuvres plutôt que d’autres de traverser les âges. Pour autant, ces « survivants » peuvent être de qualité – et la plupart le sont d’ailleurs-, mais il en existe d’autres qui méritent d’être mis en avant sans qu’ils en aient à rougir. Si on me passe le néologisme, j’aimerais mettre fin au booky-shaming… 

La science-fiction et le fantastique sont deux genres littéraires particulièrement touchés par ce phénomène. Ils sont considérés comme populaires, pour enfants et, en tant que tels, sont mis au coin à l’école. Ainsi lorsque j’ai osé citer le roman de science-fiction La nuit des temps en khôlle de Culture Générale en classe préparatoire, mon professeur m’a dit : « Barjavel ? Mais, enfin, Antoine, c’est de la littérature collège ! ». Cet auteur pourtant reconnu pour ses analyses philosophiques sur la société n’aurait pas réussi à trouver ses lettres de noblesse aux yeux des universitaires ? Ou bien sa seule appartenance à un genre en disgrâce l’enfermerait dans une case ?

Il est pourtant intéressant de se rappeler que le tout premier prix Goncourt, a été attribué en 1903 à un roman de science-fiction, Force Ennemie de John-Antoine Nau. Pourtant le monde semble l’avoir oublié. Aujourd’hui, il n’y a que quelques noms qui ont su se faire une place dans les yeux du public : Jules Vernes, Lovecraft, Poe… Et même eux, considérés comme des classiques par les amateurs du genre, ne seraient sûrement pas considérés comme des classiques « avec un grand C », méritant d’être décortiqués et analysés. Aujourd’hui, le fantastique et la science-fiction ne se sont jamais aussi bien vendus et pourtant, ils demeurent dans l’ombre et dénigrés par un élitisme littéraire. Soyons clairs, toute œuvre de science-fiction ne doit pas être sacralisée pour son appartenance au genre, mais elle doit seulement pouvoir l’être malgré cela. Car on ne me fera pas croire que l’on ne peut analyser la satire sociale et le roman de voyage qu’avec Candide ; quiconque a lu La planète des singes de Pierre Boulle en retire au moins autant d’enseignements, si ce n’est plus. 

Tous les genres contiennent des livres ayant le potentiel de classiques, on peut donc choisir ses lectures de manière décomplexée en fonction de ses goûts. Toutefois je ne conseillerais pas des classiques pour une première tentative de lecture, car ils peuvent-être difficile d’accès. Ce serait comme se lancer dans un marathon sans avoir jamais fait de course à pied auparavant. Ce serait contre-productif puisqu’on abandonnerait au premier point de côté ! Non, il faut d’abord commencer à courir pour soi, faire ses propres expériences en douceur pour se mettre à apprécier la course en tant que telle. Ensuite lorsque l’on est plus aguerris, on peut se lancer dans de grandes courses et réussir à trouver du plaisir dans sa souffrance. En lecture c’est pareil, il faut d’abord commencer par des livres qui nous attirent vraiment (Quatre fille et un jean, Percy JacksonTwilight, j’en passe et des meilleurs…), y prendre du plaisir, avant de se tourner vers des classiques du genre !

Dans la littérature, quel que soit le livre, le principal est donc de faire ce saut de foi qui fait entamer la première page. Il ne faut pas se freiner par peur du jugement, car après tout, mieux vaut avoir un orteil dans les livres plutôt que de les utiliser comme cale de table basse… La science-fiction et le fantastique méritent eux aussi leur heure de gloire, militons donc pour la reconnaissance des maîtres du genre comme Aldous Huxley et Patrick Rothfuss. Ainsi tout le monde pourra vraiment y trouver son compte et rejoindre le club des lecteurs.

Antoine Boulanger

Les ports francs, plaques tournantes du marché de l’art

Les Ports francs ou « Freeport » sont des refuges ultra sécurisés qui abritent parmi les plus beaux trésors de l’humanité tout en assurant la richesse des collectionneurs.

Ces entrepôts utilisés à des fins de stockage temporaire de marchandises depuis des siècles sont  ainsi devenus un maillon essentiel d’un marché de l’art en pleine explosion. Cette réussite éclatante n’est toutefois pas sans soulever des interrogations sur la transparence et la légitimité de ces structures.Formidables et précieux pour certains, opaques et dangereux pour d’autres, ces lieux déchainent les passions et sont souvent au coeur des scandales financiers mondiaux.

Le « plus grand musée du monde »

À Genève, la majorité des grands chefs d’œuvres ne sont pas accrochés aux murs des musées mais rangés par milliers à l’écart du centre-ville. En effet, c’est ici, non loin du Rhône que se trouvent les bâtiments des Ports Francs et Entrepôts de Genève, formant un gigantesque labyrinthe sur plus de cent quarante mille mètres carrés.

Derrière une façade sans grande apparence se cache selon certaines estimations plus d’un million deux cent mille œuvres d’art. Elles dorment paisiblement dans ces espaces loués à l’année entre deux cents et sept cents euros le mètre carré, à en faire rougir les réserves des plus grands musées du monde. Picasso, Warhol, Soulages, aucun des grands noms de la peinture ne semble absent de ce lieu étonnant et unique jusque dans sa fiscalité : ici les marchandises transitent sans être soumises au droit de douanes dans l’attente d’une destination ultérieure.

Un système ancien

Aujourd’hui au cœur des échanges artistiques mondiaux, les ports francs ne se destinaient pourtant pas à côtoyer aquarelles, marbres et gouaches. Si le concept légal de port franc est une invention relativement récente, le principe d’une zone libre de taxes permettant de limiter les frais de douanes et de favoriser les échanges peut être retrouvé dès l’Antiquité, à l’image de l’île de Delos véritable nœud des échanges autour de la Méditerranée.

Plutôt que d’être taxées deux fois, à l’arrivée dans le port de transit et à l’arrivée dans le port de destination, les marchandises sont considérées comme hors du territoire car ne restant que pour un temps limité. Les ports francs sont présents tout autour du monde, sur tous les continents et connaissent une forte expansion, notamment en Asie.

Un modèle détourné

Le développement progressif depuis plusieurs décennies d’une considération de l’art comme simple actif financier s’est accompagné d’une augmentation exponentielle des échanges et des prix sur le marché de l’art. La valeur globale du marché de l’art ayant atteint plus de soixante-quatre milliards de dollars en 2019.

Le fonctionnement des ports francs est alors apparu comme une aubaine pour l’ensemble des professions associées. Ces espaces ultra-sécurisés, exempts de taxation ont vu leur fonction de stockage à court-terme évoluer vers une conservation dans la durée des marchandises et sont passés de simples ilos à grain à réserves artistiques mondiales.

Puisque l’intérêt réside dans la seule possession de l’œuvre, sa présence au fond d’un entrepôt pour parfois plusieurs années ne pose aucun problème à son propriétaire. Il est fréquent qu’une œuvre change de mains tout en restant au sein du port franc dans l’attente d’une prise de valeur, seul le dernier acheteur (qui sortira l’œuvre de son entrepôt) sera soumis à fiscalité.

Un véritable écosystème

Afin d’attirer et de satisfaire leurs clients, les ports francs ont développé tout un arsenal de services. Au-delà d’un nécessaire investissement dans la sécurité et dans la création de conditions optimales de stockage (température, lumière, etc…), y travaillent restaurateurs d’art, photographes, encadreurs, ateliers d’experts scientifiques afin de prendre soin et de mettre en valeur les œuvres stockées.

Certains ports francs, à l’image des Ports Francs et Entrepôts de Genève se muent en galerie d’art, showroom, salles d’enchères, musées privés. C’est tout une vie dissimulée qui grouille derrière les murs de ces chambres fortes. Experts et richissimes collectionneurs se rencontrent dans l’intimité des ports francs pour servir leurs intérêts. Une œuvre ayant besoin d’être exposée pour prendre de la valeur, l’organisation d’expositions au sein même des lieux de stockage permet de gonfler le prix de celle-ci sans la soumettre à taxation.

Une opacité problématique

Le fonctionnement même des ports francs et les zones d’ombres laissées volontairement sur leurs activités induisent un risque de malversations et d’activités criminelles. Ils sont régulièrement au cœur de scandales financiers à l’image de l’affaire opposant Yves Bouvier à l’oligarque russe Dmitri Rybolovlev au sujet de plusieurs transactions d’un montant total de deux milliards de dollars.

En fonction des ports francs, l’identité des propriétaires des œuvres n’est pas forcément nécessaire, et lorsque c’est le cas ce sont souvent des prête-noms ou des sociétés écrans qui prennent en charge les formalités administratives. Il en va de même pour les inventaires qui sont rarement exhaustifs et laissent libre cours aux fraudes et trafics en tout genre.

Ainsi, il y a quelques années, les ports francs ont été pointés du doigt par le gouvernement français comme favorisant la vente des œuvres d’art volées et pillées notamment au Moyen-Orient, facilitant par là le financement d’organisations terroristes comme l’État Islamique.

L’avenir du marché de l’art

La multiplication des scandales et des remontrances des pouvoirs publics a poussé certains ports francs à mener des réformes en interne. L’objectif est de renforcer le contrôle d’identité des utilisateurs et d’affiner le recensement des œuvres stockées au sein de leurs locaux. Ces initiatives vont dans le bon sens mais sont pour certains de simples paroles. La plupart des spécialistes regrette une insuffisance de moyens et d’ambition.

Enfin, avec la pandémie de covid-19, les ventes en ligne d’œuvres d’art et d’antiquités ont atteint le montant record de 12,4 milliards de dollars, doublant leur valeur par rapport à l’année précédente et représentent une part record de 25 % de la valeur du marché de l’art. Cette nouvelle tendance, si elle se confirme, mènera peut-être au déplacement de la spéculation vers les plateformes de vente de NFT (Non-Fongible Token) telles que ArtPrime ou OpenSea qui feraient ainsi figurent de « Ports Francs virtuels ».

Valentin Bertrand

Sources:

https://geneva-freeports.ch/service/prestations-complementaires/

https://d2u3kfwd92fzu7.cloudfront.net/The-Art-Market_2021.pdf

https://fr.wikipedia.org/wiki/Port_franc

https://www.lemonde.fr/culture/article/2013/01/29/a-singapour-et-a-geneve-le-business-des-ports-francs_1823968_3246.html

https://www.lefigaro.fr/flash-eco/2016/10/06/97002-20161006FILWWW00376-finances-du-terrorisme-la-france-cible-les-ports-francs.php

https://www.moneta.ch/oevres-d-art-en-port-franc

https://www.gazette-drouot.com/article/pourquoi-l-art-et-les-ports-francs-font-ils-bon-menage%25C2%25A0%253F/7183

https://www.swissinfo.ch/fre/culture/entrepôts-de-luxe_les-ports-francs–un-carrefour-du-marché-de-l-art/33124616

Normal People – l’histoire d’amour à (re)découvrir

Deux adolescents vivant un amour caché. Elle solitaire, lui populaire. Une histoire d’amour qui s’étale dans le temps, du lycée à la fac, avec ses hauts et ses bas, ses difficultés et ses écarts. Sur le papier, cette série n’est qu’une histoire d’amour parmi tant d’autres.
Pour autant, Normal People a quelque chose de spécial qui place la série en haut des critiques et au cœur des discussions.

Un succès unanime 

Le roman, publié en 2018 par Sally Rooney, a déjà secoué la critique et a décroché deux prix prestigieux : le Costa Book Award du meilleur roman et le British Book Award de Livre de l’année. Le Guardian lui a offert quant à lui la 25e place de son classement des meilleurs livres du XXIe siècle. À sa sortie aux États-Unis l’année suivante, il est entré à la troisième place de la liste des meilleures ventes du New York Times. D’après le Evening Standard, Normal People a été le roman le plus commandé sur Amazon par les Londoniens durant le premier confinement – autre témoin du succès de la série.

Le New York Times a en effet qualifié la série de « magnifique et mélancolique » qui « déchirera les téléspectateurs », une « histoire de passage à l’âge adulte triste, sexy, consciente des inégalités sociales et des mécaniques de pouvoir ». Le Guardian souligne le « triomphe du petit écran » qui « décrit parfaitement la beauté et la brutalité du premier amour ».  

Une histoire d’amour (pas) comme les autres

Normal People présente les amours irrégulières de Marianne et Connell, du lycée à l’université. 

Ils sont tous deux élèves dans la même classe, seul point commun qui les unit. D’un côté, Connell est le garçon populaire et sportif. De l’autre, Marianne est solitaire et fuit les autres. La mère de Connell travaille pour la famille de Marianne en tant que femme de ménage, créant ainsi le point de rencontre entre les deux adolescents. De là découle une relation amoureuse secrète, demandé par Connell par peur du regard des autres.

Ensemble, ils découvrent l’amour, la sexualité, le don de soi. Cependant, cette première page de leur histoire se termine assez vite et nous laisse une frustration et un sentiment d’amertume face au comportement de Connell. 

Leur histoire recommence à nouveau lorsque les deux étudiants se retrouvent à la fac. Les deux rôles sont maintenant inversés : Marianne est au cœur de la vie étudiante alors que Connell a le sentiment de ne pas être à sa place, tandis qu’entre eux le désir et l’attirance restent inchangés et réapparaissent aussitôt. 

On le comprend bien vite, leur histoire d’amour sera irrégulière, alternant des élans de passion et de déchirantes ruptures, des moments de complicité et de confiance avec des trahisons. Un désir d’amour apparemment simple, qui se heurte pour autant à une multitude d’obstacles bien trop habituels : le regard des autres, le regard sur soi, la difficulté de communiquer avec autrui, la pression sociale, les traumas familiaux…

Le point Pop résume parfaitement l’enjeu de cette série : « des gens normaux avec des problèmes douloureusement normaux eux aussi, mais dont l’alchimie à l’écran s’avère inoubliable. »

La place du regard et du désir

Le regard est au cœur de la réalisation de la série Normal People.
Leur histoire d’amour vit les travers du poids que sont la pression sociale et le regard des autres. Les silences laissent planer les parfaites subtilités de chaque instant et d’une vie adolescente guidée par la hiérarchie et les comportements sociaux.

Ce regard, porté par la caméra – et donc par le spectateur – mais aussi par les deux amants est la clé de voûte de leur désir brûlant et palpable. Le jeu de caméra est délicat et la série est -re-connue pour ses scènes de sexe parfaitement réalisées grâce au travail de Ita O’Brien, coordinatrice d’intimité aussi présente sur le tournage de la série Netflix Sex Education.

C’est par cette délicatesse et par cette simplicité que Normal People sort du lot et fait exception dans les histoires d’amour banales. 

Un homme sensible

Le naturel de la série s’illustre aussi par la figure masculine de la série, Connell. Un héros sensible, angoissé, passif, qui subit les contraintes de la société et la pression sociale qui en résulte. Face à celles-ci, Connell ne s’en sort pas toujours très bien ; mais il évolue tout au long de l’histoire.
Connell se définit davantage par ses émotions que par sa raison, il contrebalance ainsi la figure virile du héros amoureux.  « S’il est un héros aimable, il n’est pas le représentant d’une masculinité idéalisée : il se trompe souvent et s’excuse tout autant. » résume le magazine Causette

Un renversement de la parfaite relation d’amour ?

Normal People peut être définie par certains comme un roman ou une série de génération.

Marianne et Connell sont adolescents puis étudiants, on les suit donc à un âge charnière. Vivant leur amour caché, ils s’endorment le soir en appel Skype tous les deux et se réveillent le matin sans se lâcher. 

Pour autant, malgré ces quelques aspects technologiques, les soucis rencontrés et les conflits internes qui les déchirent s’ancrent dans une universalité bien plus grande. 

C’est par l’acceptation de ces désirs, des pressions sociales, des travers d’une relation abusive, par tous ces sujets de la vie d’adulte que Normal People aborde des sujets dans lesquels on se retrouve forcément. Cette série a à apprendre à chacun d’entre nous, que ce soit sur notre propre personne ou sur nos proches.

Ressortie le 14 février sur France TV les épisodes sont à (re) découvrir et à savourer gratuitement!

Lucie Philippe

Sources:

https://www.lepoint.fr/pop-culture/normal-people-un-direct-en-plein-coeur-15-07-2020-2384385_2920.php

https://fr.news.yahoo.com/normal-people-s%C3%A9rie-%C3%A0-laquelle-170004797.html

La bande dessinée face au phénomène du webtoon

De la contraction « web » et « cartoon », le webtoon représente une évolution majeure de la bande dessinée à l’ère du numérique. Né en Corée du Sud dans les années 2000, il s’est rapidement répandu en Asie et dans le monde occidental, remettant en question la bande dessinée traditionnelle. 

Logo du site Webtoon

La nouvelle bande dessinée numérisée

Les webtoons sont un format de bande dessinée spécialement pensé pour les smartphones. A la manière des anciens épisodiques, ils se composent de dizaines voire centaines de chapitres courts, mis en ligne sur des applications mobiles de plus en plus nombreuses. Chaque application peut rassembler plusieurs milliers de webtoons aux genres variés, allant de la romance à l’horreur, pour plaire à un large public, rendant ce nouveau style de bande dessinée numérisée plus accessible et attractif que jamais.

Les images se suivent en « scrollant » vers le bas, sous forme non pas de cases, comme pour les bandes dessinées traditionnelles, mais de bandes étroites dont les personnages, dessins et bulles de dialogue s’affranchissent librement. Ce nouveau format de lecture créé rythme et dynamisme, autant au sein d’un même chapitre, que d’un chapitre à l’autre, disponibles en un clic. Les technologies numériques de dessin proposent également un travail de qualité et une diversité de styles graphiques illimitée, équivalent aux bandes dessinées classiques. Les applications permettent même de rajouter des images animées ou des bandes-son qui s’adaptent à l’ambiance des chapitres.

Tout le monde peut participer

Si les webtoons sont plus accessibles que les bandes dessinées pour les lecteurs, ils le sont aussi pour les artistes : sans passer par le système d’édition traditionnel, ils peuvent partager leurs œuvres au grand public rapidement et en recevant la même reconnaissance. Ils ont surtout en plus la possibilité d’interagir avec les lecteurs, car les applications de webtoons fonctionnent à la manière de réseaux sociaux : pour soutenir leurs webtoons favoris, les lecteurs peuvent créer des communautés de fans directement sur l’application en likant ou en commentant les chapitres.

Du contenu quasi-gratuit

Là où le prix d’une bande dessinée papier peut rapidement monter jusqu’à 30€, la plupart des webtoons sont disponibles gratuitement. Tout dépend de l’application : sur Webtoon par exemple, première application du marché, un chapitre par semaine est mis en ligne gratuitement, mais on peut choisir de dépenser des « coins », convertis d’euros, pour obtenir immédiatement les chapitres suivants. Delitoon quant à elle, donne accès librement aux premiers chapitres, puis demande de payer pour accéder à la suite, et propose aussi des « free days », jours pendant lesquels tout est gratuit. De son côté, Verytoon a un système d’abonnements payants, au mois ou à l’année, sur l’ensemble de son contenu.

Quel avenir pour la bande dessinée classique ?

Le succès des webtoons et l’omniprésence du numérique laisseraient penser que les bandes dessinées papier et les mangas sont menacés. A titre de comparaison, le manga le mieux vendu mondialement, One Piece, comptabilise en 2021 490 millions de tirages, contre 300 millions de lecteurs pour le numéro 1 mondial des webtoons, Lore Olympus. Un résultat conséquent compte tenu de l’implantation récente du webtoon.

Les webtoons atteignent une telle notoriété qu’ils tendent à dépasser les frontières du genre et être adaptés sur d’autres supports : en séries live action comme les webtoons sud-coréens True Beauty et Sweet Home en 2020, ou Tower of Gods en série animée, également en 2020. Mais le paradoxe de l’adaptation des webtoons repose dans leur adaptation au format papier : des maisons d’édition alimentent les rayons de bandes dessinées en librairie en reprenant des webtoons à succès, comme Lore Olympus, adapté et publié par les éditions Hugo BD en janvier 2022. On assiste aussi à la création de nouvelles collections dédiées spécialement aux webtoons imprimés, de la part de maisons d’édition comme les éditions Delcourt et leur collection Kbooks.

Bande-annonce de la série tiré du webtoon True Beauty

Adapter un webtoon sur papier présente néanmoins des contraintes de taille concernant le visuel graphique. Sans remise en forme voire redessin des images, la fluidité du scrolling est brisée par le format des cases propres à la bande dessinée. De plus, la colorisation peut facilement poser problème : changer d’ambiance visuelle est très facile pour un webtoon qui ne montre qu’une image à la fois, tandis qu’une page papier doit créer une certaine harmonie.

Passer du webtoon à la bande dessinée peut donc facilement altérer la qualité de l’œuvre originale, voire la dénaturer. C’est le support qui est en jeu : une œuvre est perçue complètement différemment selon si elle est sur papier ou numérique, surtout quand elle a été pensée pour un support en particulier. Tous les avantages de l’un ne sont pas forcément compatibles avec l’autre, et vice versa, ce qui peut causer une déception des lecteurs.

On peut aussi voir dans ce retour au papier un souci de répondre à l’attachement de certaines cultures à ce format classique, notamment le public francophone fortement influencé par son voisin belge, champion de la bande dessinée. Il faudra toujours noter que, même s’il est encore tôt pour analyser les résultats du retour du webtoon à la bande dessinée, la bande dessinée, quant à elle, n’a jamais réussi à s’adapter en un format numérique viable.

Loin de menacer la bande dessinée, le webtoon est l’évolution et une révolution de celle-ci. Il créé un nouveau marché aux codes complètement différents, alternatif sans être concurrentiel : les deux proposent un contenu similaire, une histoire racontée à travers des dessins et des dialogues, mais sur des supports diamétralement opposés. Il est donc possible d’aimer chacun des deux pour des raisons différentes, sans les dévaloriser ni devoir faire de choix.

Camille Bensussan

Sources:

Bibliographie :

https://www.actuabd.com/Le-phenomene-webtoon-s-installe-en-France

https://www.manga-news.com/index.php/report/Les-webtoons-le-nouveau-phenomene-de-la-Bande-Dessinee

https://www.lunion.fr/id332786/article/2022-01-17/le-webtoon-secoue-la-bande-dessinee-en-librairie

https://www.lemonde.fr/pixels/article/2021/02/25/webtoons-le-phenomene-des-bandes-dessinees-sud-coreennes-adaptees-au-smartphone_6071227_4408996.html

https://mondedulivre.hypotheses.org/9006

Enfin une place pour les réalisatrices en 2021 ?

Une Palme d’Or pour Julia Ducournau, un Oscar de la meilleure réalisatrice pour Chloé Zhao et un Lion d’Or pour Audrey Diwan, l’année 2021 a particulièrement permis de mettre en avant les femmes réalisatrices. En plus des récompenses, les films réalisés par des femmes sont de plus en plus nombreux à arriver sur grand écran en France.

Selon une étude de LE LAB Femmes de Cinéma de 2021, « il ressort que l’année 2021 semble marquée par une prise de conscience croissante de l’importance des problématiques de genre dans l’industrie cinématographique ». En effet, il y a de plus en plus de femmes réalisatrices, ce qui amène aussi de nouveaux sujets sur les écrans. Par exemple, « l’Évènement », le film d’Audrey Diwan récompensé à la Mostra de Venise, traite avec subtilité du sujet de l’avortement, et apporte un regard novateur et revendicateur sur le sujet. De plus, les rôles des femmes dans les films de réalisatrices sont souvent plus importants et moins au second plan que dans les films réalisés par des hommes.

Pourtant, malgré les progrès constatés en 2O21, les réalisatrices restent extrêmement minoritaires dans le paysage cinématographique. Tout d’abord au niveau des récompenses en festival, les femmes ont souvent été effacées, voire invisibles. Julia Ducournau qui a eu la Palme d’Or pour son film Titane est seulement la deuxième femme ayant reçu cette distinction au festival de Cannes depuis sa création en 1955. Avant elle, la néo-zélandaise Jane Camion partageait la palme d’or avec le cinéaste Chain Kaige pour son film La leçon de piano en 1993. Sur toutes les éditions du festival de Cannes, il n’y a jamais eu plus de quatre femmes en compétition par année, le record de quatre étant atteint en 2021.

Ces inégalités que l’on constate au festival de Cannes se retrouvent dans l’intégralité du milieu du cinéma. Le collectif 50/50 publie des analyses dans le dossier Cinégalités. En France en 2019, 80% des films sont réalisés par des hommes. De plus, sur les quinze films les plus financés, tous ont été réalisés par des hommes. Les réalisateurs ont donc, en plus d’être à l’initiative de la majorité des films, un budget moyen bien plus important que les réalisatrices. Ces chiffres donnés par le collectif 50/50 se confirment dans le Bilan 2020 du CNC : le devis moyen des films d’initiative française réalisés par des femmes est de 2,23M d’euros contre 3,81M d’euros pour les hommes. Les femmes ont donc en moyenne 41,5% de budget en moins pour réaliser leurs films.

Pour revenir à l’année 2021, malgré les récompenses accordées à des femmes, dans le top 10 du box-office en France, aucun film n’a été réalisé par une femme. Pourtant, chaque année, de nombreuses écoles de cinéma comme la Fémis affichent des promotions partiaires. Les inégalités se creusent donc plus tard, lorsqu’il faut trouver des producteurs et des financements.

Les femmes sont pourtant les pionnières du cinéma à Hollywood dans les années 1910, puisqu’elles y ont fondé les premiers studios. Elles sont à l’initiative de la majorité des réalisations entre 1911 et 1925. Mais avec le développement de l’industrie du cinéma moderne et la recherche du profit, les hommes sont devenus largement majoritaires, jusqu’à effacer les femmes qui étaient là avant. Par exemple, un des plus grands noms du cinéma hollywoodien des années 1910 et 1920 est Lois Weber. Sur les 153 films qu’elle a réalisés, seulement seize ont été conservés. Elle a été totalement éclipsée et oubliée dans le monde du cinéma.

Pour réduire ces inégalités, plusieurs organismes mènent des actions. Comme cité plus haut, le collectif 50/50 amorce en 2018 suite au mouvement #MeToo une lutte pour que les films faits par des réalisatrices soient soutenus autant que ceux des hommes, et aient une plus grande visibilité notamment dans les festivals. Ils œuvrent aussi à la sensibilisation du grand public en faisant des études qu’ils publient sur leur site internet. De plus, tous les ans a lieu le Festival du Film de Femmes de Créteil, véritable scène qui permet aux réalisatrices d’avoir une place sur les grands écrans.

Si l’année 2021 a mis en lumière de nouveaux visages du cinéma féminin, le chemin à parcourir reste encore important pour que les réalisatrices bénéficient de la même reconnaissance que les hommes.

Léna Bérard

Sources

https://leseclaireurs.canalplus.com/articles/decouvrir/oscars-2021-avec-deux-femmes-realisatrices-en-lice-signe-t-on-la-fin-du-oscarssomale

https://collectif5050.com/fr/nos-etudes/la-parite-derriere-la-camera

https://www.telerama.fr/television/quand-les-femmes-regnaient-sur-hollywood,142055.php

http://femmesdecinema.org/wp-content/uploads/2021/12/%C3%89tude-2021-FR-5.pdf

La mode au XVIIIème siècle, ou comment la peinture œuvre au déploiement d’une nouvelle industrie

Pour enrichir votre expérience de l’univers naissant de la mode au XVIIIème siècle, je vous propose d’accompagner votre lecture par l’écoute de cette pièce iconique de Vivaldi, qui vous transportera à la cour de Versailles. https://www.youtube.com/watch?v=WWvMd4ib8QY

Bonne lecture ! 

Voyage dans le temps à travers l’exposition

Du 26 novembre 2021 au 6 mars 2022, le musée d’arts de Nantes nous propose une plongée au cœur de la mode du XVIIIème siècle. Plus de 200 objets, issus notamment des collections du Palais Galliera à Paris et du Château de Versailles, sont disposés pour recréer l’univers de l’époque. Certains tableaux emblématiques, textiles précieux, dessins inédits, vêtements ou encore accessoires ont été restaurés spécialement pour l’exposition. 

Affiche de l’exposition « À la mode » au musée d’art de Nantes

Le visiteur découvre un parcours en quatre étapes, à savoir les phénomènes de mode, le rôle joué par les peintres sur la fabrique de la mode, les fantaisies des artistes, et enfin un zoom sur l’histoire du négligé déshabillé.

La scénographie, conçue par Jean-Julien Simonot, vise tout particulièrement à théâtraliser l’exposition. Le public peut expérimenter l’atmosphère de l’époque, de la quête de luxe et de liberté qui était alors le mot d’ordre. Cette immersion est créée d’une part par la présence de vêtements d’époque, d’autre part par les scènes de genre et les portraits. Les vitrines, mises en valeur par un intérieur sombre, qui contraste avec la blancheur de l’architecture du patio, participent de la construction de cet univers, en reliant les différents espaces de l’exposition par la transparence des vitres.

Toute cette mise en scène vise à développer l’idée principale de l’exposition, qui est de mettre en perspective les tendances majeures de la mode naissante du XVIIIème siècle et le monde imaginaire représenté par les peintres. Et on peut dire que c’est un pari réussi ! 

Naissance de la mode au XVIIIème siècle

Tableau issu de l’exposition « À la mode. L’art de paraître au XVIIIe siècle »

C’est au XVIIIème siècle que naît la mode actuelle, en Europe. À la différence des périodes antérieures, on observe que le choix du costume devient une préoccupation quotidienne. Comment les citoyens de l’époque en sont arrivés là ? Les aristocrates et la haute bourgeoisie souhaitent se différencier du reste de la société par des vêtements nouveaux. Ils sont ensuite imités par les riches marchands et les banquiers. Ils demandent un renouvellement perpétuel pour toujours se différencier : c’est pour répondre à cette demande que les créateurs redoublent de créativité. 

La mode devient ainsi un phénomène de cour. Cela participe du développement d’une culture de la « mondanité ». La vie sociale ressemble à une scène de théâtre, tous les divertissements sont bons à « se montrer » ou à « se faire voir ». À travers les travestissements, les déguisements, que ce soit dans les salons, les bals, les spectacles ou même dans les tableaux, la haute société de l’époque témoigne de l’importance particulière qu’elle accorde au vêtement. Des icônes de la mode font leur apparition, telles que la Marquise de Pompadour ou la Duchesse de Polignac… 

Relation complexe entre peintres et mode

Dans le tournant décisif que représente la naissance de la mode, les peintres jouent un rôle important Ils sont les ancêtres des couturiers et des créateurs de mode. Ils sont à la fois acteurs du nouveau secteur économique de la fabrique de la mode, et influencés par le développement de cette nouvelle activité.

Au XVIIIème siècle, la peinture est le seul moyen de rendre compte de son apparence. Toute une culture de la mise en scène autour du portrait se déploie alors. Une attention spéciale est accordée au vêtement, à la coiffure, à la posture, et au décor. Par cette représentation de la noblesse et de la bourgeoisie, les peintres participent à la diffusion des nouvelles tendances vestimentaires. La figuration de scènes de genre, avec des costumes réels ou fictionnels, influence également l’imaginaire collectif et consacre des pièces de vestiaire devenues iconiques. 

Tableau issu de l’exposition « À la mode. L’art de paraître au XVIIIe siècle »

Cette nouvelle industrie offre une formidable opportunité pour les artistes peintres, qui ont su la saisir et répondre à la demande croissante. Le besoin de conception de motifs textiles, de réalisation de décors d’accessoires, d’invention de silhouettes, conduit à l’ouverture de fabriques de tissus, de fils, de rubans, de dentelles. De nouveaux métiers émergent ; une presse spécialisée se développe lors de la seconde moitié du XVIIIème siècle. Le dessin de mode consiste à présenter un modèle de vêtement ou d’accessoires à des fins privées ou professionnelles. La nécessité de dessinateurs pour la presse de mode entraîne la création de la première école gratuite de dessin à Lyon en 1756. C’est ainsi qu’apparaît une formation professionnalisante pour peintres, avec l’ouverture d’autres écoles de dessin dans toute la France. 

Enfin, la mode est un terrain d’expression pour les peintres. Ce qu’on appelle le « musée de poche » leur permet de diffuser leur art. Les accessoires de mode comme les éventails, les carnets de bals, les gants, sont ornés d’images miniatures correspondant à des peintures contemporaines. Les peintres développent leur imaginaire dans des scènes de société, mettant en scène des personnages de l’aristocratie dans leurs plus beaux atours.

Tout ceci montre la grande perméabilité entre l’univers de la mode et des arts.

Quelques peintres à connaître

À propos des peintres de cette époque luxuriante, quelques noms sont à retenir. Antoine Watteau et Nicolas Lancret sont les pères du genre pictural des fêtes galantes. Ces scènes représentent la haute société de l’époque, lors de réceptions en intérieur ou en plein air. Nous pouvons admirer les costumes anciens du XVIIème siècle, qui se mêlent aux habits contemporains, flamands et français, réels et de fiction. La Commedia dell’arte est une source d’inspiration, et il n’est pas rare de reconnaître dans ces tableaux des costumes de Pierrot et d’Arlequin, qui deviennent alors, dans la vie réelle, la marque du noble ou du peintre.

Dans un autre registre, les scènes pastorales de François Boucher offrent à l’œil du public la représentation de jeunes gens, dans un cadre champêtre, le plus souvent dans une atmosphère de séduction. Le peintre rococo est aussi l’un des portraitistes de la Marquise de Pompadour, icône de la mode de l’époque.

Pour aller plus loin…

  • Exposition « À la mode. L’art de paraître au 18e siècle », Musée d’arts de Nantes, Du 26 novembre 2021 au 6 mars 2022.
  • Film Marie Antoinette, Sofia Coppola, 2006.
  • La Galerie des Modes, Esnaut et Rapilly.

Esther Aparicio

Sources : 

https://museedartsdenantes.nantesmetropole.fr/home/informations-actus/expositions/a-la-mode/lexposition.html

https://museedartsdenantes.nantesmetropole.fr/home/informations-actus/actualites/zoom-sur-la-scenographie.html

https://www.palaisgalliera.paris.fr/fr/collections/les-collections/les-costumes-du-xviiie-siecle

Simone Veil : figure d’inspiration pour la création artistique

Le 1er Juillet 2018, Simone Veil fait son entrée au Panthéon. Femme de la politique, du féminisme, de la Shoah, elle était, au sens plus large, une femme de combats. On se souvient souvent d’elle pour l’adoption de la loi de dépénalisation du recours à l’IVG. Pour autant, ce combat en cache beaucoup d’autres. 

Une femme inspirante pour l’art

À Paris et dans la France entière, les œuvres et créations artistiques autour de cette figure inspirante sont de plus en plus nombreuses. Quelques-unes se démarquent, comme la pièce de théâtre : Simone Veil, les combats d’une effrontée… adaptation par Christiana Réali et Antoine Mory du livre autobiographique Une vie de Madame Veil. La mise en scène par Pauline Susini nous emporte en plein cœur d’une émission de radio. Une étudiante est appelée à témoigner au micro autour du parcours de cette figure emblématique. On découvre finalement un dialogue entre l’étudiante et Christiana Réali, incarnant le personnage de Simone Veil.

À travers un jeu de son et de lumière, nous sommes replongés dans des épisodes glaçants de la Shoah et d’autres moments de sa vie. La ressemblance physique entre Christiana Réali et Simone Veil est bluffante. Les postures, les attitudes et l’intonation de l’actrice nous permettent un voyage touchant et poignant autour de la vie de Simone Veil. 

Outre le Théâtre, d’autres arts considèrent l’icône comme une véritable source d’inspiration. Exposition, écriture, danse ou encore street art révèlent des créations en hommage à Simone Veil. Deux exemples de création artistique ont notamment marqué l’année 2021. De mai à Aout 2021, c’est à l’Hôtel de ville de Paris que l’on pouvait retrouver une exposition sur la vie de cette dernière, avec une scénographie et une installation volontairement chronologiques qui renforcent le côté inspirant du parcours de Simone Veil.

Le deuxième exemple est celui du street art, qui, lui, rend un hommage fort avec une affiche du visage de l’icône, accompagné de l’écriteau « Merci Simone ». On y retrouve un visage expressif et très représentatif de la réalité. Le nom du collectif de street art porte le nom de « Merci Simone » et ce dernier a même lancé une campagne de Crowdfunding permettant de récolter des fonds pour l’association Féminisme Populaire, en contrepartie de leurs affiches.

Portrait de Simone Veil réalisé par le collectif Merci Simone

Un réel engouement artistique autour de cette figure se ressent. Comment comprendre ce phénomène de mise en avant de Simone Veil dans de nombreuses créations artistiques ? 

Certains définissent l’art comme « un amplificateur de rêve ». L’art permettrait de rêver et de penser à un idéal. Les figures emblématiques comme Simone Veil peuvent être considérées comme des exemples, des idéaux à atteindre. Le spectateur se laisse donc emporter par ce type d’histoire inspirante qui le rapproche d’un idéal et donc du « rêve ».

La combativité de Simone Veil est un trait de sa personnalité qui inspire et qui fait d’elle « une femme de conviction ». Ce « statut » est imaginaire mais pour beaucoup de français/es l’engagement et les convictions font partie de « l’idéal recherché ». De plus, la plupart des combats menés par Simone Veil sont encore actuels. La population se sent donc d’autant plus concernée par les problématiques défendues par cette dernière.

Le combat du féminisme

Nous pouvons prendre l’exemple du féminisme, qui a une place importante dans l’esprit des citoyens du 21ème siècle. Simone Veil est une des grandes porteuses du mouvement féministe. Le choix, par les créateurs et artistes, de mettre en avant ses combats liés aux femmes permet de rendre accessible à tous les réflexions autour de ces sujets. Par exemple, pour certains, il est plus facile de se rendre au théâtre pour apprendre sur des sujets comme le féminisme que d’assister à une conférence. La figure inspirante de Simone Veil est donc également un moyen pour les artistes de faire passer des messages et de diffuser sa parole auprès du public.

Même si les œuvres créées autour de Simone Veil reçoivent aussi des critiques négatives, l’impression qui en sort est celle d’une appréciation plutôt positive de cette icône chez les Français. Naturellement, les avis sont partagés mais son parcours ne laisse pas indifférente la population. Première présidente au parlement Européen, ministre à plusieurs reprises, diplômée de droit et sciences politiques, déportée et rescapée de la Shoah : son chemin est rempli d’émotion et l’art le retranscrit pleinement.

Simone Veil s’impose donc naturellement comme une figure d’inspiration pour la création artistique, et le public en redemande ! 

Solène Barbier

Sources:

https://fr.wikipedia.org/wiki/Simone_Veil

https://www.theatre-antoine.com/simone-veil-les-combats-dune-effrontee-0

https://quefaire.paris.fr/simoneveil

https://lumieresdelaville.net/merci-simone-street-art-rend-hommage-a-simone-veil/

https://fr.ulule.com/merci-simonedanstoutelafrance/

Vous pouvez retrouver le collectif Merci Simone sur Facebook: https://www.facebook.com/MerciSimoneofficiel

Et sur Instagram: https://www.instagram.com/merci.simone/

D’influenceur à acteur de théâtre

Récemment, la tournée 2021 de la nouvelle version de « A Dreamy Dream » a fait l’objet de polémiques en Chine. En tant qu’une des pièces de théâtre les plus connues en Chine depuis le début du 21ème siècle, son rôle principal, patient no.5, est occupé par une tête d’affiche non professionnelle : Zhan XIAO.  

Zhan Xiao, A Dream like a Dream,
rehearsal pictures, ©facebook

L’opinion publique est partagée entre les deux camps. Les supporteurs/fans de cette vedette estiment que sa présence dans cette pièce lui permet d’aiguiser/développer son jeu d’acteur et de stimuler le box-office. Par contre, le point de vue prédominant reste plutôt négatif : l’entrée de stars sans expérience en tant qu’acteur dans le théâtre n’est qu’un compromis entre la valeur artistique, la réputation et les recettes de billetterie, au détriment de l’écosystème du drame à long terme. 

Du côté du théâtre, il est attendu que les stars fassent de la publicité et génèrent du chiffre d’affaires ; quant aux starlettes, elles jouent dans une pièce soit pour leur passion du théâtre, soit pour améliorer leurs talents d’acteur, se valoriser ou obtenir la reconnaissance du public. Dans cette hypothèse, les producteurs et les stars bénéficient les uns des autres. Toutefois, ce phénomène est en fait une épée à double tranchant. 

D’un certain point de vue, en effet, d’après les billets vendus lors de la première mise en scène de spectacle à Wuhan le 22 avril, il ne faut pas nier que Xiao ZHAN possède un très grand nombre de fans fidèles, ce qui amène effectivement un vif débat mais aussi des recettes remarquables. Cependant, en raison de son manque d’expérience en tant que comédien, la qualité de la pièce elle-même a beaucoup pâti. Parallèlement, les fans de cet influenceur ont réservé la majorité des places, ce qui a fait gonfler le prix de billets jusqu’à 40 000 RMB (5000 euros) , conduisant directement à une inaccessibilité pour le grand public. Un spectacle de théâtre s’est ainsi transformé en une réunion de fans. En outre, le trafic de billets et le non-respect de l’étiquette du théâtre ont rendu l’expérience moins agréable. Par exemple, certains fans ont même pris des photos dans la salle de spectacle au cours de la représentation. 

Zhan Xiao dans A Dream like a Dream
©reddit

Cependant, en raison de la longue période de préparation et de répétitions, des cachets plutôt faibles et de la mise à l’épreuve de leurs compétences en tant qu’acteur, les vedettes ne sont pas toujours en mesure d’endurer cette corvée sur le long terme. Ils disparaissent donc souvent de la scène après une pièce de théâtre et reviennent au secteur d’où ils viennent. Le « perfectionnement des compétences » devient une formalité. Le théâtre n’est qu’un outil de publicité. L’invasion des influenceurs dans la scène théâtrale plonge les vrais amateurs dans le chaos. 

Cependant, d’un autre point de vue, les spectateurs de théâtre ont des goûts plutôt conservateurs, moins importants que ceux du cinéma et de la télévision. Au lieu de rester dans leur zone de confort, il est préférable pour les producteurs de collaborer avec des stars, qui sont susceptibles alors d’amener de la diversité dans leur carrière au cours de ce parcours. M. Pokora, réputé au début de sa carrière uniquement comme un chanteur, a joué dans la comédie musicale Robin des Bois en 2013 et a trouvé par la suite plus d’opportunités en tant qu’acteur d’émission télévisée. 

M. Pokora dans Robin des Bois, affiche de la comédie musicale
©pinterest

Le secteur du théâtre acquiert également une plus grande attention de la part du grand public grâce à l’influence apportée par les têtes d’affiche, ce qui permet d’attirer une audience potentielle. En plus, au lieu de refuser une partie du public qui ne maîtrise pas les codes du théâtre et de continuer à en renforcer les frontières, il vaut mieux que le théâtre guide et régule le comportement de ces nouveaux arrivants. En un mot, l’épanouissement des arts a besoin d’un terrain cultivé, tolérant et innovant. 

Ziqi Yuan

Sources :

https://www.sohu.com/a/462735774_260616

https://www.zhihu.com/question/306573807

Le cinéma coréen : avènement d’un genre singulier

Provocant, sombre, malsain, lyrique, remarquable. Bien des mots peuvent définir le style si puissant qui anime depuis une vingtaine d’années les long-métrages de l’industrie du cinéma coréen. Le sacre du Parasite de Bong Joon-ho à la cérémonie des Oscars 2020 en atteste : le cinéma coréen est en pleine expansion et brille par l’originalité de ses films. En effet, longtemps tus par la censure qui réprimait la créativité en Corée du Sud, les cinéastes coréens se sont depuis imposés comme des maîtres du Septième Art notamment pendant la période de la Nouvelle Vague Coréenne qui débuta au début des années 2000. Photographie soignée, plans millimétrés et étude des relations humaines : les films coréens dépeignent avec noirceur et justesse le monde contemporain, non sans critiquer les failles de nos sociétés. Lumière sur l’avènement d’un genre singulier qui n’a pas fini de nous étonner… 

Un cadre sombre et violent. 

Les fictions coréennes dépeignent en effet des espaces où se côtoient violence et misère sociale. Ayant pour la plupart lieu en Corée, que ce soit dans des grandes agglomérations comme Séoul ou dans des espaces ruraux plus reculés, le constat est le même : les cinéastes coréens ont à cœur de créer une ambiance sombre et parfois malsaine. Que ce soit dans un commissariat de Gyunggi où les suspects sont molestés par une police corrompue et inactive dans l’excellent Memories of Murder de Bong Joon-Ho ou au cœur du réseau proxénète d’un ex-policier où le danger rôde dans les rues les plus banales dans The Chaser de Na Hong-jin, le décor est sale et obscur, l’atmosphère haletante et inquiétante. 

Old Boy, de Park Chan-wook – 2003, produit par Lim Seung-yong et Kim Dong-joo

            Ces plans sombres plongent tout de suite le spectateur au cœur de thrillers puissants qui vont mettre en scène des personnages amenés à devenir violents pour subsister dans un monde injuste et froid. La virtuosité artistique et la maîtrise technique des plus grands noms coréens esthétisent la violence à tel point que lorsque la cause semble juste, un tel déchaînement de violence semble justifié.

Le déchaînement de violence dans Old Boy

Que dire de cette scène mythique du Old Boy de Park Chan-wook où Oh Dae-su affronte à lui seul une vingtaine d’hommes gardant la prison clandestine dans laquelle il a été emprisonné, uniquement armé d’un marteau ? Cherchant à savoir pourquoi il a été enfermé, le spectateur n’est intuitivement pas choqué par la violence déployée par Oh Dae-su qui a subi en premier lieu une injustice que l’on ne comprend pas. Certains films vont plus loin en exacerbant la violence pour souligner ce que les sentiments humains ont de plus profond et de plus noir : le thème du cannibalisme dans J’ai rencontré le diable de Kim Jee-woon ou encore l’ultime meurtre notablement odieux commis par l’assassin de Memories of Murder choquent particulièrement. Le monde vu par le prisme du genre coréen est profondément mauvais, violent et poussent les protagonistes à faire des actes inconsidérés, le plus souvent en quête de justice : c’est ce qui rend ce style cinématographique éminemment humain. 

J’ai rencontré le diable, de Kim Jee-woon – 2010, co-produit par Showbox/Mediaplex ; Softbank Ventures, Peppermint & Company et Siz Entertainment 

Des personnages ambivalents. 

Le héros coréen fait figure d’anti-héros. Arrogant, corrompu ou violent, il n’hésite pas à transgresser certaines barrières morales pour arriver à ses fins. En concordance avec le cadre dans lequel il évolue, il a une part indéniable d’obscurité qui se retourne bien souvent contre lui. Le service de police amoral et paresseux de Memories of Murder, les personnages de Mademoiselle de Park Chan-wook qui cherchent à se duper les uns les autres, le désir maladif de Soo-hyun de torturer l’assassin de sa fiancée qui finit par lui échapper dans J’ai rencontré le diable … autant de situations qui illustrent l’irrationalité latente de l’être humain. Cependant, les cinéastes coréens arrivent avec brio à rendre leurs personnages humains par cette ambivalence qui les caractérise. 

La police de Memories of Murder (réalisé par Bong Joon-ho), forçant un handicapé mental à avouer un meurtre pour donner un coupable à sa hiérarchie – 2003, produit par CJ Entertainment et Sidus Pictures

Oh Dae-su, violemment humain

C’est effectivement dans les moments les plus durs et les plus sombres que se dévoile véritablement l’humanité des personnages principaux. C’est un des thèmes phare du genre coréen : l’analyse en profondeur de ce qui nous rend vraiment humains. Mentionnons cette scène déchirante qui clôt Old Boy :  lorsque Oh Dae-su se rend compte de la relation incestueuse qu’il entretient avec sa fille, orchestrée par l’homme qui l’a séquestré pendant quinze ans, la folie le gagne et plus rien ne lui permettra de passer outre cette terrible vérité. Il prétend littéralement être un chien et se met aux pieds de son bourreau : il ne peut pas concevoir ce qu’il a fait inconsciemment et préfère devenir fou que vivre avec cette réalité. C’est à ce moment-là du film qu’Oh Dae-su, personnage violent, peu courtois et en quête de justice apparaît le plus humain.

Oh Dae-su, bercé par les mensonges d’une hypnotiseuse pour échapper à son insoutenable réalité à la fin d’Old Boy (de Park Chan-wook – 2003, produit par Lim Seung-yong et Kim Dong-joo)

Puissance esthétique et éventail d’émotions. 

Les cinéastes coréens, et tout particulièrement les artisans de la Nouvelle Vague coréenne, démontrent de film en film une virtuosité technique impressionnante. Symétrie parfaite des plans, profondeur de champ, décors impeccables, qualité de l’image : certains films coréens sont des véritables œuvres d’art par leur aboutissement cinématographique. L’esthétisme est une clé du cinéma coréen qui s’est affirmé comme une référence en la matière. 

Mademoiselle, de Park Chan-wook – 2016, co-produit par Moho Film et Yong Film

Mêlant horreur, drame, thriller ou comédie, les films coréens offrent un éventail d’émotions impressionnant. Le spectateur passe par tous les états et la brutalité des changements d’émotions le frappe d’autant plus.

Memories of Murder, ascenseur émotionnel

La scène de Memories of Murder où l’équipe de police se rend au bar pour se divertir un peu avant d’apprendre un nouveau décès nous fait subitement passer du comique au tragique. Un exemple en la matière est probablement le chef d’œuvre de Na Hong-jin The Chaser. Nous suivons parallèlement l’enquête et la situation extrême dans laquelle se trouve la jeune femme victime d’une tentative de meurtre, qui finit par s’échapper du lieu où elle est séquestrée. Elle parvient à se réfugier dans une épicerie du quartier, où par le hasard des choses, l’assassin vient acheter un paquet de cigarettes. Informé par la vendeuse de la possible présence d’un meurtrier dans le quartier, ce-dernier comprend d’où provient l’information et assassine la vendeuse, ainsi que sa première victime dans un déchaînement de violence assourdissant. Le passage de l’espoir au désespoir s’effectue extrêmement rapidement et le spectateur est d’autant plus touché par l’extrême violence employée. 

Mi-jin, réfugiée à l’arrière d’une épicerie dans un état critique, avant d’être retrouvée par l’assassin de The Chaser – 2008, réalisé par Na Hong-jin et produit par Bidangil Pictures

Une notoriété grandissante. 

Désormais incontournable, le genre coréen s’est imposé dans l’univers du cinéma par sa patte si singulière. Le sacre de Parasite aux Oscars n’est pas l’aboutissement d’un film particulièrement réussi : c’est la consécration de vingt ans de réflexions et de films introspectifs puissants et esthétiques qui ont démontré l’existence d’une industrie cinématographique créative et qui casse les codes. Rappelons qu’Old Boy a séduit au point de remporter le Grand Prix du Festival de Cannes en 2003 et que Mademoiselle a obtenu le prix de Meilleur film en langue étrangère aux BAFTA en 2016.

Bong Joon-ho avec les six statuettes attribuées à Parasite – 2020, ©VALERIE MACON / AFP

            Après la consécration suprême du film de Bong Joon-ho, l’avenir du cinéma coréen promet d’être explosif. La constante réinvention des codes du cinéma à chaque sortie de film fait maintenant office d’évènement. Placé sur le devant de la scène, il reste à savoir comment le genre coréen va évoluer dans les prochaines années, et quels codes il va être amené à réinventer … 

Parasite, de Bong Joon-ho – 2019, co-produit par Barunson E&A et CJ Entertainment

Tom Ziakovic

Bibliographie

https://leblogduherisson.com/le-cinema-coreen-une-vague-dun-genre-nouveau/

https://www.gqmagazine.fr/pop-culture/article/parasite-est-la-preuve-que-le-cinema-coreen-a-10-ans-davance

https://www.frenchtouch2.fr/2016/11/entretien-avec-park-chan-wook.html

https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2019/05/21/seoul-capitale-d-un-cinema-en-pleine-forme_5465222_4500055.html

https://www.estrepublicain.fr/actualite/2019/05/26/bong-joon-ho-j-aime-casser-les-codes-du-cinema-de-genre

https://www.premiere.fr/Cinema/News-Cinema/Rencontre-avec-Bong-Joon-ho-le-realisateur-de-Parasite-qui-a-remporte-quatre-Oscars

https://culture.audencia.com/bong-joon-ho-a-parasite-les-oscars-2020/

L’art esthétique des costumes de l’Opéra de Pékin

L’Opéra de Pékin est un symbole culturel important de la Chine, et les costumes sont une partie importante de l’art du spectacle de cet Opéra. Sur la base de cet article, nous analyserons le style des costumes de l’Opéra de Pékin façonnant l’image extérieure des personnages. Nous allons explorer en profondeur la représentation des caractéristiques artistiques des personnages. Puis, nous soulignerons la transmission vers l’esprit par la forme, à travers les costumes.

Les costumes de l’Opéra de Pékin sont un objet important de l’esthétique et une partie importante de la représentation des spectacles. Cela joue un rôle vital dans la construction du personnage et le développement de l’intrigue. Ils permettent d’exprimer les sentiments des personnages et de leur façonner une image vivante et évocatrice.

Le style des costumes de l’opéra de Pékin

Sur la scène de l’Opéra de Pékin, le style des costumes est principalement basé sur le costume de la dynastie Ming, absorbant l’essence des tenues de différentes générations, et en exagérant sur la base des vêtements du quotidien. Les acteurs chantent et jouent sur scène avec des costumes correspondant à leur personnage. Au cours du temps, les costumes de l’Opéra de Pékin ont été développés et perfectionnés. Il y a une certaine standardisation dans la forme, qui est largement divisée en cinq catégories : « python, cape, plis, armure et manteau ». Cela a entraîné une linéarité quant aux habitudes des styles artistiques.

  • « Python » : également connu sous le nom de robe python. Il s’agit du vêtement porté par les anciens fonctionnaires lors des occasions formelles. Sur la robe se trouve un dragon à une griffe brodée. À l’opéra de Pékin, la robe Python conserve essentiellement les codes vestimentaires des vêtements Python des Ming et des Qing. Ils ont de grandes manches larges avec des revers se chevauchant à droite et un col rond. La robe descend jusqu’au pied. 
  • « Cape » : Il s’agit d’une longue robe à revers, couramment portée par les empereurs, les fonctionnaires de rangs intermédiaires et leurs familles. Elle est considérée comme « la deuxième tenue la plus digne », juste après le « Python ». La Cape est généralement faite d’un tissu large et épais. Elles sont généralement fabriquées en satin, soit avec le « Grand satin » ou le « Satin Crêpe »
  • Les « Plis » : Également connus sous le nom de « robes taoïstes », peuvent être portées par l’Empereur et les gens du peuple. Elles sont les robes les plus utilisées, les plus polyvalentes et les plus versatiles sur la scène de l’Opéra de Pékin.
  • « L’Armure » : Il s’agit du costume porté par les généraux militaires dans l’Opéra de Pékin.  « L’armure » est basée sur l’armure Qing de la dynastie Ming, exagérée et décorée, avec un long col rond, des manches fines resserrées, et deux pièces avant et arrière, donnant au personnage une apparence imposante. L’Armure est généralement divisée en deux catégories. Premièrement, celle avec un drapeau attaché dans le dos, nommée « armure lourde », a une signification symbolique à propos des batailles (comme la Figure 1).  Deuxièmement, l’armure légère utilise habituellement les drapeaux non attachés.
L’armure
©talefromtheeast sur pinterest

Visualisation du temps et de l’espace et expression du caractère

1. La visualisation du temps et de l’espace

Dans l’Opéra de Pékin, la transformation du temps et de l’espace est accompagnée par les costumes avec trois (points) indiscernables.

  • Les costumes des acteurs de l’Opéra de Pékin ne sont pas limités par les dynasties, comme le roi Fucha de Wu dans « Xi Shi », bien qu’il y ait mille ans de différence entre les personnages avant et après. Les costumes sont fondamentalement les mêmes.
  • Les costumes ne sont généralement pas affectés par les saisons. C’est sur scène que des éléments sont ajoutés pour indiquer à quelle période de l’année on se situe. Par exemple, l’action du ventilateur pour indiquer l’été, le crépitement du feu pour indiquer l’hiver, le port d’un manteau pour indiquer les jours de neige, etc.
  • Les costumes de l’opéra de Pékin ne sont pas soumis à des contraintes géographiques, communs au nord et au sud, qu’il s’agisse de la guerre ou des événements rouges et blancs, sont interprétés par le même costume, mais tout costume doit suivre l’identité du personnage, la ligne.

2. Expression artistique

Le sens symbolique de la couleur.
Le concept chinois traditionnel du “yin et yang » divise les costumes de l’Opéra de Pékin en « cinq couleurs supérieures » (Rouge, Vert, Blanc, Jaune, Noir) et « cinq couleurs inférieures » (Rose, Bleu, Violet, Brun, Bleu clair). Les anciens Chinois accordent une grande attention aux couleurs de la nature. Les costumes de l’Opéra de Pékin utilisent différentes couleurs pour exprimer les relations entre les personnages du spectacle, ou la signification de leurs idées. Certains peuvent avoir des costumes aux couleurs assorties. Chaque couleur a une signification différente.

Le rouge : l’honnêteté, la loyauté et, dans une certaine mesure, le statut inférieur de la personne qui le porte. Il est souvent associé aux bonnes personnes dans les spectacles de l’Opéra de Pékin ; en outre, il représente également l’enthousiasme et la fête et est souvent utilisé dans les mariages. (par exemple, figure 2).

Vert : la bravoure et la soif de sang, montrant souvent les hautes prouesses militaires de l’acteur. Cette couleur peut aussi représenter le vulgaire « méchant ».

Blanc : la sainteté et le pimpant, et convient aux belles silhouettes. Les hommes le portaient pour montrer leur haute moralité et leur fidélité à l’État, les femmes pour montrer qu’elles étaient faibles, malades ou enceintes, et pour les funérailles, les vêtements de deuil étaient généralement blancs.

Jaune : c’est la couleur portée spécifiquement par les empereurs, les reines et autres membres de la royauté ; d’autres nuances de jaune peuvent également être portées par des personnes débrouillardes et dignes de respect.

Noir : Il était porté par les hommes pour exprimer leur force et leur intégrité, et par les femmes pour représenter leur pauvreté, la perte de leur mari ou de leur famille.

Rose : la romance et la beauté.

Bleu : une personne de haut statut, le porteur est gentil et calme ; en outre, il est principalement utilisé pour les généraux de l’armée.

Violet : la tolérance, la noblesse, utilisé pour les personnes âgées ou les vieux étudiants.

Brun : la vieillesse et la stabilité.

Bleu clair : la jeunesse.

La signification symbolique du motif.
Les motifs des costumes de l’Opéra de Pékin sont très symboliques. Par exemple, parmi les motifs mythologiques, le « motif du dragon » est le plus courant. Faisant principalement référence aux robes à dragon des empereurs Ming et Qing. Ce motif était initialement exclusif à l’empereur, puis est devenu un motif pouvant être utilisé par l’empereur et ses généraux.
Le « motif phénix » était le motif qui apparaissait le plus souvent dans les vêtements des femmes royales.

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Parmi les motifs animaliers, ceux issus des mythes et des légendes sont généralement porteurs de belles significations symbolisant que quelque chose de bien va arriver.  Ils véhiculent l’espoir, comme l’illustre la « chauve-souris » souvent utilisée dans les vêtements des personnes âgées.

Ces motifs ne reflètent pas seulement le monde réel, mais résument également le charme du personnage, illustrant son monde intérieur, son être.

En résumé, les costumes de l’opéra de Pékin n’expriment pas seulement la beauté de la vie, mais dépeignent également les personnages et leurs univers. Ils transmettent l’essence de la culture authentique chinoise, qui a subi un siècle de précipitation culturelle. Ils véhiculent la notion du temps et d’espaces virtuels notamment grâce à un esthétisme particulier, leurs ornements et leurs couleurs.

Yingyu Yang