Mode et covid : dentelle de pixels et taffetas chez soi

Les expositions de mode posent la question suivante : la mode est-elle un art ? Cette question, ancienne, semble avoir trouvé une réponse favorable au cours de ces dix dernières années : la mode est un art mais un art de l’éphémère. La mode, ou plutôt les modes, sont est à la fois un héritage du passé et quelque chose appartenant au quotidien.

Depuis quand considère-t-on la mode comme faisant partie à part entière de l’histoire de l’art ?

Le XIXe siècle développe un intérêt pour la mode en tant que médium à exposer, mais l’intérêt des conservateurs est dirigé sur des pièces anciennes, archéologiques ou antérieures au XVIIIe siècle. La mode contemporaine souffre de préjugés, on la juge frivole, peu importante, c’est une affaire de femmes dans un milieu muséal masculin.

Le lendemain de la Seconde Guerre mondiale marque un tournant dans l’histoire de la mode :rationnement oblige, les maisons de couture doivent se réinventer et retrouver leur clientèle. La chambre syndicale de la Haute Couture parisienne crée alors le Théâtre de la Mode, une exposition de mode où les mannequins sont remplacés par des poupées en fils de fer et les collections des couturiers sont miniaturisées. Cette innovation, née de la pénurie de tissus, connait un immense succès, l’exposition commence à Paris, puis à Londres, Barcelone, Stockholm, Vienne.

Ce qui au départ avait un but commercial, celui de relancer l’économie de la Haute Couture, est devenu un évènement culturel international de grande ampleur. Cette exposition met en avant le travail des créateurs, la technicité des couturiers mais aussi l’imagination des artistes créant les décors et les poupées.

On assiste après la Seconde Guerre mondiale, et plus précisément dans les années 80-90, à une démocratisation du monde de la mode alors que jusque dans les années 70, il était interdit de photographier ou dessiner les modèles durant les défilés. A partir de cette époque tout le monde peut enfin avoir accès aux photos et plus tard aux vidéos de ces évènements.

Mais aujourd’hui le monde de la culture, de l’art et de la mode subissent de plein fouet la crise sanitaire. Les musées sont fermés, les défilés distancés et les artistes confinés.

>> A lire aussi : Les conséquences du Covid-19 sur le marché de l’art

Comment les maisons de mode se réinventent au sein de la crise ?

Le Mythe Dior

Les maisons de mode ont, par leur créativité, relancé l’industrie de la mode au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale. C’est cette même créativité que Dior a démontré lors de la présentation de la collection Automne-hiver 2020-2021. La maison a réutilisé la solution vieille de plus de 70 ans en la réadaptant à la période : les mannequins de chair et les mannequins de fils de fer se mêlent. Il faut néanmoins préciser que si la vidéo est un hommage à l’industrie d’après-guerre parisienne, la maison Dior créée en 1947, n’existait pas au moment de la réalisation du Théâtre de la Mode. Le court métrage réalisé par Matteo Garrone intitulé Le mythe Dior, monte un monde inspiré de la mythologie grecque. Dans des bois enchantés, une sirène nage dans des eaux lipides, des nymphes jouent sur la rive, Narcisse admire son reflet. Deux jeunes grooms transportent une malle contenant les mannequins miniatures au sein de ce monde merveilleux, s’arrêtant auprès des déesses qui choisissent leur parure. Ce court métrage créé un parallèle entre l’industrie de la mode en difficulté après-guerre et la situation actuelle.

Dior illustre le pouvoir de la Haute-Couture, ses créations nous emmènent hors de notre quotidien dans un univers hors du temps où on court dans les forêts et on nage en étant couvert des plus précieuses étoffes.

Les marionnettes de Moschino

Dior a utilisé la carte de la référence historique, mais elle n’est pas la seule maison à s’être inspiré du Théâtre de la mode. Moschino a utilisé la même référence, preuve de l’impact durable de cette exposition ancienne et de l’attrait de cette proposition malgré les évolutions technologiques. La collection Printemps-Eté 2021 met en scène des marionnettes qui déflient en imitant les mannequins classiques. Contrairement à Dior, qui utilise les mannequins comme support pour montrer des modèles à leurs clientes, chez Moschino les marionnettes sont des mannequins miniatures. Gigi Hadid, ou du moins son double miniature, ouvre le défilé sous les yeux de Vanessa Friedman, Anna Wintour, Hamish Bowles, Anna dello Russo et Edward Enninful miniaturisés. Le défilé mélange le monde enfantin des marionnettes au monde du cirque, comme la scène d’ouverture le montre pour nous laisser nous évader dans un monde libre des contraintes sanitaires.

Autres visions originales

Si ces deux propositions et d’autres encore (on peut citer la collection Mirror, Printemps-été de Walter Van Beirenonck), s’inspirent de propositions anciennes remises au goût du jour : la technologie est aussi utilisée pour permettre au monde de la mode de continuer à vivre. On peut citer la collection Miu Miu Printemps-Eté 2021 qui donne à voir un public en visio-conférence, ou encore la collection Printemps-Eté 2021 de Thom Browne qui se situe dans un monde futuriste célébrant les jeux lunaires, sortes de jeux olympiques intergalactiques en 2132.

Bien que tous les exemples précédents montrent des idées nouvelles ou anciennes qui sont des réponses originales à la crise actuelle, la plupart des maisons de mode continuent de montrer leur collection en présentiel, ce qui contribue à l’image futile et égoïste du milieu de la mode.

Si le monde de la création de mode semble avoir trouvé diverses formules lui permettant de continuer à créer et à présenter ses créations malgré la crise sanitaire, qu’en est-il des expositions de mode ?

Les expositions de mode sont, par essence, éphémères de par la nature fragile des collections, mais elles permettent de mettre en avant un créateur, une technique ou une époque et rendent visible des joyaux du luxe habituellement cachés aux yeux du public. La mode est un médium artistique par essence complexe, tridimensionnel et fait pour être vu en mouvement. L’exposition de mode doit relever le défi de rendre compte du volume et du dynamisme des formes tout restant immobile.

Chantal Garnier, Musée Bourdelle, Paris.
Iconographie : Paul Arzel

Comment les expositions de mode s’adaptent-elles à la crise sanitaire à l’aide du numérique ?

L’exposition vêtements modèles du Mucem

Les différentes institutions ont été amenées à développer des réponses différentes, on peut citer le cas du Mucem dont l’exposition Vêtements modèles est visible en ligne . Si l’idée est bonne (on peut se déplacer dans les différentes salles d’exposition en passant de point en point) la visite cumule les défauts de la visite physique avec ceux de la visite virtuelle. Il est impossible de zoomer sur les vêtements ou objets rendant les œuvres très peu lisibles. Les mesures de protection comme les filets anti-UV, qui sont nécessaires pour une exposition physique n’ont pas été retirés empêchant de voir les textiles. Des points positifs existent néanmoins : l’exposition est visible de partout et, en principe, pour toujours. Ce mode de captation d’une exposition permet aussi de garder une trace de la scénographie souvent peu conservée par les musées.

La mode à Versailles

Une autre approche a été envisagée au château de Versailles pour les « expositions » La mode à Versailles : lui et La mode à Versailles : elle. L’utilisation de guillemets reflète le problème, il ne s’agit pas, du moins à mon avis, d’expositions. Il faut noter que ces expositions datent en réalité de 2017, mais ont été mises à nouveau en avant dans la presse durant les confinements et la fermeture des musées. Ici, les expositions n’ont jamais eu lieu autrement que sur le site du Google Arts & Culture, le format est donc très différent des expositions classiques. Si celles-ci sont intitulées “La mode à Versailles”, elles ne présentent aucune pièce textile, probablement parce que toutes les œuvres présentées doivent appartenir aux collections du château de Versailles. On se retrouve alors avec une exposition plus proche du diaporama et du support de cours que d’une véritable exposition. Si le fond est intéressant, la forme est décevante pour les amateurs de mode.

L’exposition Jean de la Cité des Sciences

D’autres moyens mis en place par les institutions et les musées sont les expositions en ligne mais payantes. Au niveau des expositions de mode, on peut citer l’exposition Jean de la Cité des Sciences : le musée propose une visite commentée d’une heure en visioconférence. Cette formule permet de rendre les expositions accessibles à tous, de continuer à faire vivre l’institution, mais aussi probablement d’éviter les problèmes rencontrés dans les autres solutions sus-mentionnées comme le manque de dynamisme. Si la visite est payante, même à prix modeste, il est aussi possible de voir l’inauguration de l’exposition avec des interviews des différents participants et des vues des salles pour avoir un avant-goût de la visite virtuelle ou compléter celle-ci.

Si cette solution combinant médiation virtuelle, offre gratuite et payante semble être la plus adaptée à la période actuelle, il faut néanmoins souligner que tous les publics habituellement bénéficiaires de la gratuité ne peuvent pas accéder gratuitement à l’exposition virtuelle. Ce seul point noir se comprend par la complexité de la vérification et le fait que cette offre puisse être comparée à une visite guidée physique, payante pour tous les publics même en temps normal.

Le monde de la mode cherche à se renouveler et à dépasser les frontières mises en place par la crise sanitaire. Si certains acteurs se renouvellent et proposent de nouvelles manières de voir la mode, dans le milieu des défilés la plupart ne semblent pas vouloir se séparer de l’ancienne formule en présentiel. Le monde muséal quant à lui ne bénéficie pas de financements équivalents à ceux de l’industrie du luxe et peine à montrer efficacement ses collections du fait des nombreuses contraintes inhérentes aux textiles. Il faut donc souligner l’ingéniosité des institutions qui s’y risquent et qui, malgré la crise, continuent à mettre en avant notre patrimoine.

Clémentine Canu

Sources :

La mode au musée : Histoire et enjeux de pratiques au féminin, Damien Delille 

https://journals.openedition.org/culturemusees/1209

https://www.francetvinfo.fr/culture/coups-de-coeur-culture/au-mucem-a-versailles-ou-a-la-bnf-trois-expositions-mode-a-decouvrir-en-virtuel-en-attendant-la-reouverture-des-sites_4264925.html

https://www.cairn.info/revue-societes-et-representations-2011-1-page-125.htm


(Re)Découvrez le Centre Pompidou Metz

Il y a quelques jours, le Centre Pompidou, déjà touché de plein fouet par la crise sanitaire, annonçait la fermeture de ses portes pour travaux entre 2023 et 2026. L’occasion pour les 3,27 millions de visiteurs qui ont visité l’institution en 2019, futurs orphelins, de découvrir ou redécouvrir sa petite sœur : le Centre Pompidou Metz.

À 333 kilomètres de Paris, 1h30 de TGV, et deux minutes seulement de la Gare de Metz, le Centre Pompidou Metz ouvre ses portes en 2010 dans le cadre d’une expérience inédite de décentralisation culturelle, la première pour un établissement culturel national en France. Digne représentant d’une des plus grandes collections d’art moderne et contemporain au monde, voici pourquoi il mérite d’être visité.  

Les trésors cachés de Beaubourg

Yves Klein et ses contemporains
© Colle

Avec plus de 120 000 œuvres, le Centre Pompidou détient la collection d’art moderne et contemporain la plus importante en Europe. Problème : son bâtiment parisien ne dispose que d’une capacité d’exposition de 1300 œuvres, et la grande majorité d’entre elles sont condamnées à rester cachées dans les réserves du musée. Plus de 30 ans après l’inauguration du musée, la création du Centre Pompidou Metz s’impose ainsi comme l’opportunité parfaite de dévoiler les plus grands chefs d’œuvres cachés de l’institution et de mettre davantage en avant sa collection.

Dans un entretien réalisé pour le catalogue de l’exposition inaugurale en 2010, Alfred Pacquement, alors directeur du musée national d’art moderne, déclare en effet :

« Ce qui m’a stimulé dans ce projet, c’est de pouvoir présenter davantage et mieux la collection du Mnam. (…) Elle a besoin de structures d’accueil complémentaires pour être présentée de façon plus complète. Metz répond concrètement à cet objectif. D’autre part le Centre Pompidou par sa vocation nationale, pédagogique, éducative, reste néanmoins contraint dans son mode de présentation de la collection. Il a des points fixes, des œuvres incontournables et même des obligations par rapport à certaines donations. Metz permet ainsi de proposer une autre présentation des collections, plus dynamique, en mouvement, en transformation et sans contrainte, sur un mode expérimental et complémentaire. »

En 2010, l’exposition inaugurale « Chefs d’œuvre ? » permet ainsi au public d’admirer 800 œuvres des plus grands maîtres de l’art contemporain tels que Picasso, Matisse, Braque, Soulages, Brancusi, Calder, Man Ray, Dali ou encore Duchamp. Puisées dans les stocks de Beaubourg mais aussi de grands musées nationaux comme le Louvre, elles occupent alors toute la surface du musée :  8000 m2. L’exposition est également l’occasion d’apprécier des œuvres jusqu’alors jamais exposées du fait de leur très grande taille, comme les 4 panneaux Relief pour l’escalier du palais des Chemins de fer de Robert Delaunay, mesurant 6,30 mètres de haut. Une exposition spectaculaire, qui permet aussi d’introduire au public un autre chef-d’œuvre du Centre Pompidou Metz : son bâtiment.   

Un nouveau bijou d’architecture

Le Centre Pompidou Metz
© Colle

Comme Beaubourg, le Centre Pompidou de Metz est une œuvre architecturale innovante, et le résultat d’un concours international d’architecture dédié. Une preuve supplémentaire de l’ADN commune entre les deux institutions.

Le Centre Pompidou Metz se compose de trois parallélépipèdes de béton, superposés en étoile, vitrés aux extrémités, et orientés en direction des plus beaux édifices de la ville. Ces blocs sont surmontés d’une toile blanche tendue reposant sur des piliers de bois. L’édifice trouve son originalité dans la légèreté de sa structure, l’illusion de mouvement et ses jeux de transparence, d’ombres et de lumières. L’ensemble, rappelant un chapeau chinois est ainsi une œuvre sculpturale à part entière, et le fruit du travail d’un japonais et d’un français : Shigeru Ban et Jean de Gastines.

Finalement, si au premier regard la filiation Beaubourg et l’institution Messine ne semble pas si évidente, c’est en prenant de la hauteur que leur lien ne fait plus l’ombre d’un doute. Les architectes ont en effet posé au sommet de l’édifice hexagonal un indice de taille : une flèche de 4 tonnes, culminant à 77 mètres de hauteur. 77, comme l’année d’inauguration du Centre Pompidou à Paris.

Des expositions innovantes reconnues mondialement

Nadia Lauro, I hear Voices
© Colle

Le Centre Pompidou Metz, en tant qu’institution autonome, libre dans sa programmation mais porteuse des valeurs de l’institution parisienne, s’impose rapidement comme un centre d’art de prestige. Ses expositions sont de véritables succès, et résonnent à travers le monde, jusque dans les pages du New York Times. « Paparazzi ! Photographes stars et artistes » en 2014, « Japanorama – Nouveau regard sur la création contemporaine » en2017 ; ou encore « Folklore », en 2020 attirent les foules et enchantent la critique.

Un succès pouvant être imputé à des choix de thématiques innovantes et à des scénographies d’exception : en 2018, l’exposition « Peindre la nuit » plonge les visiteurs dans une obscurité presque totale, proposant une déambulation expérimentale et sublime, multi-sensorielle, au fil des œuvres de Magritte, Kandinsky, Bacon ou encore Louise Bourgeois.

De la même façon, la troisième galerie du musée, la plus élevée, offre régulièrement aux visiteurs des expériences hors du commun. En 2015, c’est l’artiste coréenne Kimsooja qui recouvre intégralement le sol de miroir, donnant au public l’illusion de marcher sur l’eau dans une œuvre intitulée « To Breathe » En 2020, Susanna Fristscher prend possession de la galerie pour suspendre au plafond des milliers de fils de silicone transparents résonnant et ondulant au souffle du système d’aération du Centre Pompidou Metz. Un moment suspendu, hors du temps, intitulé « Frémissements ». Pour 2021, c’est d’abord le retour du public que le musée attend.

Frémissements, Susanna Fristcher
© Colle

En 2021 au Centre Pompidou Metz :

Le Ciel comme atelier. Yves Klein et ses contemporains. (jusqu’au 15 mars 2021)

Chagall. Le passeur de Lumières (jusqu’au 15 mars 2021)

Aerodream. Architecture, design et structures gonflables, 1950-2020 (du 30 janvier 2021 au 23 août 2021)

Mathilde Colle

Sources :

« Chefs-d’œuvre ? » Catalogue de l’exposition – Sous la direction de Laurent Le Bon (2010)

https://www.centrepompidou-metz.fr

https://www.francetvinfo.fr/culture/arts-expos/centre-pompidou/le-centre-pompidou-metz-fete-ses-dix-ans-avec-deux-expositions-phare-yves-klein-et-le-folklore-dans-l-art-contemporain_4047993.html

https://www.france.fr/fr/alsace-lorraine/liste/4-bonnes-raisons-de-visiter-le-centre-pompidou-metz

Pour lire les autres articles de la semaine, c’est ici !

Zhou Wenjing : la douleur et la violence dans la beauté

Le mot qui vient généralement à l’esprit quand on parle d’art contemporain est : incompréhensible. Aujourd’hui, cependant, je voudrais présenter une jeune artiste contemporaine chinoise, Zhou Wenjing, et ses œuvres d’art contemporain accessibles et intelligemment conçues.

Série des Femmes – DIU N°1

En 2014, elle a réalisé sa première œuvre d’art contemporain, intitulée Serie des Femmes-DIU. À première vue, cette œuvre ressemble à une série de bijoux magnifiquement réalisés, qui paraissent nobles et élégants sur un fond de velours bleu. Mais lorsqu’on se lance dans ce travail, en connaissant l’utilisation réelle et la douleur qui se cache derrière eux, on ne peut plus en apprécier la beauté (NB).

Série des Femmes – DIU N°1, 2014
140*120cm, cuivre/PVC/silicone

En février 2011, après que la mère de Zhou a retiré le stérilet qui avait été placé dans son corps pendant plus de vingt ans, elle a saigné abondamment pendant un mois. À l’époque, le médecin lui avait diagnostiqué un cancer de l’utérus, ce qui a eu un impact important sur elle et sa famille. C’est la raison pour laquelle l’artiste a commencé à rechercher les relations entre DIU (Dispositif Intra-Utérin), la maladie et les liens sociologiques et politiques. À cette fin, elle a également interrogé 50 femmes qui ont utilisé le stérilet et a réalisé une étude pathologique.

En 2014, elle a créé l’œuvre « DIU » en utilisant son matériau le plus typique, le cuivre. Elle a reproduit les différentes formes  que le stérilet a prises depuis sa création et en a fabriqué plus de 300 à l’échelle 1:1. Ils ont ensuite été placés sur un délicat velours bleu, comme des bijoux de femme, geste revêtant une forte dose d’ironie.

Reconstruction de ses idées artistiques après son arrivée en France

Elle s’est ensuite installée en France pour poursuivre un deuxième Master à l’École des Beaux-Arts de Nantes. Pendant cette période, l’école d’art a eu une influence majeure sur elle, notamment en matière de réflexion philosophique. Son artiste préférée est Pina Bausch, « I grieve so I dance » : La racine de l’art vient du sentiment, des émotions fortes, d’amour et de haine, il concerne tout le monde ; un autre artiste qu’elle admire est Bill Viola, dont le travail, selon elle, va à l’origine même de la vie et de la mort, qui sont la source de l’art.

En 2016, inspirée par l’une des œuvres précédentes de Bill Viola, Zhou Wenjing a voulu renforcer l’ironie de son précédent travail DIU et mettre en avant le sentiment douloureux d’être enraciné dans le corps. Elle a donc commencé à recréer le thème de “Stérilet”. C’est également un travail important dans sa série Rouge. Elle a inséré un anneau contraceptif dans  un carreau de porcelaine et puis l’en a fait sortir. La céramique a laissé une trace “douloureuse”, qui a ensuite été brûlé et garde une marque éternelle. Lorsque les deux œuvres de DIU sont présentées en même temps dans une exposition, un dialogue intéressant s’établit – l’une est réelle, l’autre est vide.

Série Rouge N°6, 2016 (image de droite)
Céramique

Le mot « rouge » est utilisé dans toute la série comme une métaphore. Le premier sens métaphorique est « sang ». L’effusion de sang est l’expérience la plus fréquente dans le corps féminin au niveau biologique, qu’il s’agisse de menstruations, d’accouchement, de blessures ou de maladies. Dans son travail, le deuxième sens métaphorique de rouge est la douleur, l’éveil de la conscience de soi, sa mère, l’amour.

Séries Rouge

Avec les six œuvres de sa série Rouge, on peut voir non seulement la variation de son expression artistique, mais aussi l’exploration apparemment intentionnelle de différentes formes d’art et la synthèse de différents matériaux. On y trouve des sculptures, des installations, des aquarelles et des vidéos, des matériaux du plâtre à la céramique en passant par les liquides rouges, etc.

Dans la série Scalpel (Red Series N°1), l’artiste dessine à l’encre rouge des appareils chirurgicaux, principalement des appareils chirurgicaux féminins, à l’échelle 1:1, avec des dessins techniques à côté pour indiquer leurs dimensions.

La forme froide contraste fortement avec l’intérieur chaud, utilisant également une approche paradoxale pour faire ressortir les émotions rationnelles. La série de fonds d’écran rouges est belle et chaleureuse. En y regardant de plus près, on voit que le contenu est constitué de ciseaux chirurgicaux et d’anneaux de contrôle des naissances dessinés à l’encre rouge. La froideur extérieure et la violence intérieure ont un fort impact sur la perception humaine. La séduction reste à la surface, en contradiction avec le sens profond de l’œuvre.

Série Rouge N°5, 2016
Animation vidéo 16:9

La troisième œuvre de la série Rouge est aussi celle qui étonne Zhou. Elle a créé 12 corps de femmes, en plâtre blanc immaculé, sans tête, ni mains, ni jambes, ni de symboles d’identité personnelle et sociale, ne conservant que les parties des femmes ayant des fonctions reproductives.

Le plâtre est un matériau qui se transforme lorsqu’il absorbe de l’eau. Au début, il révèle une couleur rose très douce. Mais au bout d’un mois, cela devient horrible. L’encre rouge est comme une lymphe qui monte et tache le corps. Comme ce plâtre absorbe lentement l’eau et sèche, il prend le caractère d’une maladie abstraite, formant des dépôts blancs et jaunes à la surface du plâtre, comme des sécrétions cutanées qui vous font sentir mal, le corps insulté, contaminé, endommagé.

Série Rouge N°3, 2016
40*20*20cm, plâtre

Une invitation à la réflexion

Nous pouvons percevoir aussi dans son travail une préoccupation réelle pour la souffrance des femmes, et cela nous rapproche de l’art contemporain qui peut être chaud, froid, ludique, et qui peut même afficher un soupçon de malice. De telles œuvres d’art, qui incitent à la réflexion et vont droit au cœur, ont un impact plus important que des slogans : les femmes veulent l’indépendance et la liberté. Certains problèmes ne peuvent peut-être pas être résolus du jour au lendemain, mais il faut au moins que quelqu’un les trouve et les présente au grand public.

Comme le dit l’artiste : l’art peut ne pas être une discipline pratique. L’art se présente souvent comme inutile, inutile pour rien. L’artiste pose les questions avec les yeux de l’art, et la personne qui peut vraiment résoudre ce problème est probablement un scientifique, un sociologue, un médecin ou autre.

Interview de Zhou Wenjing

TC : Votre dictionnaire du pouvoir définit l’art contemporain comme un art autre que les « beaux-arts ». Peut-on comprendre que les artistes contemporains ont plus de formes de création et doivent donc conceptualiser le message qu’ils veulent transmettre ?

ZW : Le dictionnaire est principalement ironique et humoristique, une satire sur le dilemme auquel est confronté l’art traditionnel aujourd’hui.

TC : Pensez-vous que l’art contemporain doit être compris par le public ?

ZW : Il est difficile de juger un genre artistique dans son ensemble, et la définition de l’art contemporain fait encore l’objet de nombreuses controverses, et il n’est pas facile de juger quand on ne sait pas clairement ce qu’est l’art contemporain.

Cependant, aujourd’hui, de nombreux artistes contemporains commencent à s’intéresser à la question de la publicité, et il existe également de nombreux artistes interdisciplinaires, tels que l’anthropologie sociologique et les études croisées sur l’art, ces types d’art doivent avoir un caractère public.

Personnellement, je pense que l’art doit provoquer à communiquer et à partager. La niche et la masse ne sont parfois qu’une question de temps. J’ai créé la Série de Stérilet en 2014, à l’époque peu de gens le voyaient et en discutaient. Est-ce considéré comme un créneau ? Aujourd’hui, plus de gens le voient et plus de gens y font attention, est-il considéré comme une niche ? Je n’en suis pas sûre.

TC : Êtes-vous d’accord avec les commentaires sur Internet concernant votre œuvre DIU : c’est beau et violent ?

ZW : Oui, c’est beau, mais la violence dans le contenu est une sorte d’approche paradoxale que j’aime. Il y a une différence entre cela et le terme « esthétique de la violence » que nous utilisons, parce que la douleur et la violence dans mon travail sont plus internes, physiques, de maladie, de pouvoir.

Tiantian Chen

NB :  Le taux de  DIU posés est relativement élevé chez les Françaises, plus que dans les autres  pays européens, avec 21 % des femmes entre 15 et 49 ans qui l’utilisent. En France les femmes sont régulièrement suivies par un médecin , de sorte qu’il n’y a généralement pas de dommages subis. En Chine, cependant, ce taux atteint 40 %. (Selon les données de l’OMS en 2011)

Depuis les années 1980, quand la Chine est entrée dans une période de planification familiale obligatoire, environ 10 millions de femmes  se sont fait poser un stérilet chaque année de 1980 à 1990, selon les données publiées par la Commission nationale de planification sanitaire en Chine, mais la plupart d’entre elles ne se soumettent pas à des contrôles de suivi. Et en raison du manque de connaissances sanitaires, elles ne savent pas non plus comment fonctionne le stérilet ni la durée d’expiration (5 ou 10 ans selon le type de stérilet) pour sa pose, et elles ne vont généralement chez le médecin que lorsqu’elles ressentent des douleurs insupportables. Cependant, les stérilets périmés risquent de s’incruster dans le myomètre ou la couche de plasma de l’utérus, ce qui provoque des douleurs abdominales, des saignements, des infections internes, des lésions d’organes, etc. En 2016, le professeur Sun Xiaoming de l’université des postes et télécommunications de Nanjing a déclaré dans une interview accordée à Xinjing News que son équipe avait prédit qu’environ 26 millions de Chinoises devraient se faire retirer leur stérilet au cours de la prochaine décennie.

Sources :

https://www.sohu.com/a/276411510_301394

https://www.chinesenewart.com/chinese-artists17/zhouwenjing.htm

https://www.shejipi.com/518672.html

https://beauxartsnantes.fr/zhou-wenjing-dnsep16

LE DISPOSITIF INTRA-UTÉRIN : AMÉLIORER LE CONSEIL CONTRACEPTIF CHEZ LA FEMME NULLIPARE, Revue de littérature systématique, présentée et soutenue publiquement le 15 octobre 2013, Léa Plan.

Pour aller plus loin :

Zhou Wenjing : son travail, ses œuvres

La transformación digital : una revolución cultural

De aquí al 2025, 75% de las empresas en el mundo se comprometerán a implementar una transformación digital. Se estima que solo 30% de ellas tendrán éxito, y que el otro porcentaje no lo harán por falta de capacidades organizacionales o falta de conocimientos humanos y digitales. El mayor porcentaje de quienes la implementan se presentan en el sector privado.

Las organizacionales culturales, poseen cada vez más participación del sector privado, en vista que las subvenciones son cada vez menores y deben optar a opciones de financiamiento de patrocinadores, bancos, empresas privadas, patrocinadores u otros. Pese a que se estructura de financiamiento está cambiando, el sector cultural se destaca por: 

  • La práctica cultural, ya no está reservada a una determinada categoría de la sociedad por lo que se está democratizando. 
  • Son las organizaciones sociales las que responden a problemas de movilidad, interactividad, accesibilidad, apertura etc. 
  • Su oferta se encuentra en un crecimiento exponencial.

Existe ahora una tendencia en el que la transformación digital está más presente en el sector cultural y explicaremos en que sentidos y porque eso se facilita. 

Qué es la transformación digital?

Transformación digital es la aplicación de (Big Data, Cloud Computing, Inteligencia artificial, Movilidad, redes sociales, internet de las cosas) Es decir la aplicación de un conjunto de estrategias dentro de una organización, que en su globalidad  entregan un valor añadido y empujan al crecimiento económico a cierta organización. 

Para impulsar hacia el éxito una transformación digital se consideran ciertos pilares fundamentales: 

1. Determinación de la tecnología 

La tecnología es un factor clave pero no por tan solo el hecho de implementarla implicara una transformación digital. Lo que le entregara valor además de implementarla es considerar el componente humano, la gestión, la creatividad de la implementación de este factor.  No es la tecnología que entregara valor sino el usuario. 

2. Alineación Estratégica

Esta transformación debe tener una visión de futuro y una estrategia de implementación, una definición de los actores y de la cultura que aporta esta transformación; una gobernanza y gestión, una definición de una cartera tecnológica.

3. Visión y maduración organizacional 

Esta alineación estrategia y puesta en marcha de tecnología, se facilitan por medio de una apertura organizacional, vale decir con organizaciones que se desarrollan de forma transversal, reduciendo los tratos jerárquicos y realizando un trabajo en conjunto. La transversalidad aporta transparencia a toda organización, concepto que además entrega la transformación digital. Por lo que se debe implementar como ecosistema. 

4. Capital Humano 

La transformación digital debe estar dirigida y desarrollada por un componente relevante e irremplazable, el humano. La gestión de la transformación digital como su desarrollo y puesta en marcha depende netamente del capital humano, de quienes realizan la labor dentro de una organización. Es por eso que además se han considerado nuevos puestos de trabajos con respecto a este tema (Arquitecto de datos, director digital, científico de datos, etc. Por lo que la transformación desarrollo un campo de expansión en términos de empleos y de gestión. 

5. Calidad de datos

La data bases, los datos son el corazón del business model. Estamos en una era donde el fake new son muy presente entonces los datos son muy importantes, para saber responder ante información falsa. Existe un concepto “Thedata driven organisation”. Los datos direccionan la organización, por lo que la calidad de la data y además la estrategia de gestionar los datos se debe integrar dentro de la estrategia de la transformación digital. 

6. Integración y sistemas operaciones 

Los sistemas de datos de transacción (SAP, Oracle, Microsoft, etc), los datos de decisión (Einstein; Watson, Hyperion, etc), las tecnologías cognitivas con algoritmos de Machine Learning y Deep Learning y software como servicios (SaaS, Paas, laas), deben todos nutrirse como ecosistema en forma de compartir el conjunto de datos. 

La Revolución Cultural!

La aplicación de la transformación digital es un cambio cultural, pero también es una estrategia que se aplica cada vez más en el sector cultural. Existen instituciones culturales en las que por ejemplo, desarrollan laboratorios, estos están diseñados para la creación, innovación y construcción de modelos de información participativos, donde el pilar es el intercambio de información generada por medio de Big Data, Open Data, etc. Estas iniciativas son la revolución cultural. 

Un ejemplo claro lo entrega El laboratorio de arte y tecnología STEREOLUX,  es un espacio dedicado a la experimentación en la unión de las artes digitales, la investigación y la industria. En una de sus creación crea ROB’Autisme, un robot que permite facilitar la comunicación de jóvenes autistas. Este proyecto nace en un ecosistema de actores en el cual la organización cultural pone en marcha con la Universidad de la ciudad de Nantes, L’Ecole Centrale de Nantes. Y así es como la transformación digital en la cultura, en las artes se integra en la sociedad.  STEREOLUX hoy en día, sigue ampliando sus temáticas en este aspecto.

Se puede observar que la transformación digital provoca una revolución cultural, al permitir:

  • El desarrollo de la inteligencia colectiva mediante la aplicación de prácticas de colaboración, enfoques participativos con el público pero también con las instituciones.
  • El desarrollo de un enfoque innovador, que fomente la creatividad, la emulación y la apertura.

Es necesario pensar los nuevos servicios digitales como un conjunto coherente, porque los actores en la cultura ya llevan la delantera, ya poseen modelos de transversalidad en sus formas de gestión y ya están más comprometidos con las problemáticas de la sociedad. Los datos, la inteligencia artificial, los algoritmos, las bases de datos caminan hacia el sector cultural, están cada vez más presentes en este sector. Por lo que podríamos considerar este como una excelente oportunidad, para innovar. 

La transformación digital es una revolución cultural! requiere Visión, compromiso y desarrollo. Esto nace del talento humano. Pensar que esto se hará sin el ser humano es absurdo, la creatividad no es remplazable.

Par Gisella Nuñez Salgado

Pour lire la traduction en français de cet article, cliquez ici !

La transformation digitale : une révolution culturelle

D’ici à 2025, 75 % des entreprises au monde s’engageront à mettre en œuvre une transformation digitale. On estime que seul 30 % d’entre elles réussiront et que les autres échoueront par manque de capacités organisationnelles ou de connaissances humaines et numériques. 

Les organisations culturelles sont de plus en plus impliquées dans le secteur privé car leurs subventions diminuent et qu’elles doivent rechercher des options de financement auprès de mécènes, de banques, d’entreprises privées ou d’autres organisations. Bien que la structure de financement change, le secteur culturel se distingue : 

  • La pratique culturelle n’est plus réservée à une certaine catégorie de la société et se démocratise ;
  • Ce sont les organisations sociales qui répondent aux problèmes de mobilité, d’interactivité, d’accessibilité, d’ouverture… ;
  • Leur offre croît de manière exponentielle.

La transformation digitale est plus présente dans le secteur culturel : de quelle manière ? comment cela est-il facilité ?

Qu’est-ce que la transformation digitale ?

La transformation digitale est l’application du Big Data, du Cloud Computing, de l’intelligence artificielle, de la mobilité, des réseaux sociaux, des objets connectés. Il existe tout un ensemble de stratégies au sein d’une organisation, qui apportent une valeur ajoutée et permettent de saisir des opportunités. 

Nous allons nous intéresser aux piliers fondamentaux permettant une transformation digitale réussie :

1. Détermination de la technologie 

La technologie est un facteur clef, mais sa mise en œuvre n’implique pas seulement une transformation digitale. Il faut considérer la composante humaine car c’est ce qui apporte de la valeur ajoutée – c’est-à dire qu’il faut prêter attention à la gestion et la créativité de la mise en œuvre de ce facteur.  En somme, ce n’est pas la technologie qui apporte de la valeur à l’utilisateur, mais l’utilisateur. 

2. Alignement stratégique

Cette transformation doit correspondre à une vision de l’avenir et une stratégie de mise en œuvre, ainsi qu’une définition des acteurs et de la culture que cette transformation apporte. Nous parlons ici d’une gouvernance, d’une gestion ainsi que d’un portefeuille technologique.

3. Vision et maturation organisationnelle 

Cet alignement stratégique et la mise en œuvre de la technologie sont facilités par l’ouverture organisationnelle – c’est-à-dire par des organisations qui se développent de manière transversale, en réduisant les relations hiérarchiques et en favorisant le travail ensemble. La transversalité apporte de la transparence à toute organisation et c’est un concept qui permet également la transformation digitale. Elle doit donc être mise en œuvre en tant qu’écosystème. 

4. Le capital humain 

La transformation digitale doit être dirigée et développée par une composante pertinente et irremplaçable : l’humain. La gestion de la transformation digitale ainsi que son développement et sa mise en œuvre dépendent clairement du capital humain, donc de ceux qui effectuent le travail au sein d’une organisation. C’est pourquoi de nouveaux emplois ont été envisagés dans ce domaine (architecte de données, directeur numérique, data scientist, etc.) La transformation a donc développé un champ d’expansion en termes d’emplois et de gestion. 

Penser que cela se fera sans humain est absurde, car la technologie est née du talent humain.

5. Qualité des données

Les bases de données sont au cœur du modèle économique. Nous sommes à une époque où les fake news sont des sujets d’actualité. Les données permettent donc de  savoir comment réagir à de fausses informations. Il existe un concept appelé « Thedata driven organisation”. Les données sont le moteur de l’organisation, donc la qualité de ces dernières ainsi que leur gestion doivent être intégrées dans la stratégie de transformation digitale. 

6. Intégration et exploitation des systèmes 

Les systèmes de données transactionnelles (SAP, Oracle, Microsoft…), les données décisionnelles (Einstein ; Watson, Hyperion…), les technologies cognitives fonctionnant avec des algorithmes de machine learning, deep learning et des logiciels en tant que services (SaaS, Paas, laas) doivent tous être nourris comme un écosystème sous la forme d’ensembles de données partagées.

La révolution culturelle !

La mise en œuvre de la transformation digitale est un changement culturel (au sens organisationnel), mais c’est aussi une stratégie qui est de plus en plus appliquée dans le secteur culturel. Il existe donc des institutions culturelles qui, par exemple, développent des laboratoires destinés à la création, à l’innovation et à la construction de modèles d’information participatifs, dont le pilier est l’échange d’informations générées par les big data, les open data… Ces initiatives constituent ainsi une révolution culturelle.

Un exemple clair est fourni par le laboratoire d’art et de technologie STEREOLUX, un espace dédié à l’expérimentation dans l’union des arts numériques, de la recherche et de l’industrie. Dans l’une de ses créations, elle a créé ROB’Autisme, un robot qui facilite la communication entre jeunes autistes. Ce projet naît dans un écosystème d’acteurs dans lequel l’organisation culturelle collabore avec l’Université de la ville de Nantes et l’Ecole Centrale de Nantes. C’est ainsi que la transformation digitale dans la culture, dans les arts, peut s’intégrer dans la société. Aujourd’hui, STEREOLUX continue d’élargir ses thèmes à cet égard.

On peut observer que la transformation digitale provoque une révolution culturelle, en permettant :

  • Le développement de l’intelligence collective par l’application de pratiques collaboratives, d’approches participatives avec le public mais aussi avec des institutions ;
  • Le développement d’une approche innovante, encourageant la créativité, l’émulation et l’ouverture.

Il est nécessaires de penser les nouveaux services numériques comme un ensemble cohérent, car les acteurs de la culture sont déjà en avance dans l’adoption de modèles de transversalité dans leurs formes de gestion et sont déjà plus engagés dans les problèmes de société. Les données, l’intelligence artificielle, les algorithmes, les bases de données se déplacent vers le secteur culturel, où ils sont de plus en plus présents. Une excellente occasion et un prétexte pour innover, donc. 

La transformation digitale est une révolution culturelle ! Elle exige une vision, un engagement et un développement. Elle est née du talent humain. Penser que cela peut se faire sans l’être humain est absurde car la créativité n’est pas remplaçable.

Par Gisella Nuñez Salgado

Pour lire cet article dans sa version originale, en espagnol, cliquez par ici !

Hommage à Luis Sepúlveda, auteur chilien du bien connu « Le Vieux qui lisait des romans d’amour »

Histoire d’une mouette et du chat qui lui apprit à voler, Histoire d’un chien mapuche, Histoire d’un escargot qui découvrit l’importance de la lenteur… L’écrivain chilien, Luis Sepúlveda, aura passé sa vie à raconter des histoires. Des nouvelles aux romans, de la poésie aux polars, des livres pour enfants aux récits de voyages, en passant par les essais et les récits écologistes, Luis Sepúlveda a exploré les confins du monde littéraire. Cette semaine, nous allons vous raconter l’« Histoire » de Luis Sepúlveda, conteur et militant, qui durant toute sa vie aura appliqué la devise de l’écrivain brésilien Joao Guimaraes Rosa « Raconter, c’est résister ».[1]

L’« Histoire » de Luis Sepúlveda  

Luis Sepúlveda est né en 1949 à Ovalle, dans le nord du Chili. Il rejoint à 12 ans les jeunesses communistes où il rencontre Ángel Parra, musicien chilien célèbre pour ses chansons Canción de amor et Cuando amanece el día, dont l’amitié durera plus de cinquante ans. Une fois étudiant, il rejoint la garde de Salvador Allende dont il soutient les idées socialistes et pacifiques. Suite au coup d’Etat orchestré par le général Pinochet le 11 septembre 1973, Luis Sepúlveda est emprisonné pendant plus de deux ans et sera libéré en 1977 grâce au concours d’Amnesty International. 

Dès lors, une vie de voyages et de luttes commence… Il sillonne le continent latinoaméricain, de l’Equateur à la Colombie, du Pérou jusqu’au Nicaragua où il s’engage aux côtés des sandinistes dans la brigade Simon-Bolivar. Pendant un temps, il s’installe en Amazonie aux côtés des Indiens Shuars. Il sort enrichi de cette expérience amazonienne qui lui inspirera son premier roman, Le Vieux qui lisait des romans d’amour. Traduit dans plus de 40 langues, ce roman est un ouvrage poétique et coloré aux sources enchantées, où indiens, fauves et chercheurs d’or se côtoient. Dans les années 1980, Luis Sepúlveda s’engage auprès de Greenpeace et s’installe en Europe où il devient journaliste. Il réalise de nombreux reportages en Angola et au Mozambique et écrit de nombreuses tribunes dans lesquelles il plaide la cause écologique.  

Cependant, malgré son parcours, de prisonnier sous la dictature de Pinochet à combattant écologiste, il refuse le terme d’écrivain engagé et préfère celui de « citoyen » participant à la construction d’une société plus juste. Pour lui, « l’écrivain est le porte-parole émotionnel de son époque »[2]. Lors d’un voyage en Allemagne, l’auteur se rend dans le camp de concentration de Bergen-Belsen où durant la guerre une main anonyme grava sur une pierre : « J’étais ici et personne ne racontera mon histoire ». Dès lors, l’écrivain chilien prêtera sa voix aux oubliés et sera le gardien de la mémoire :

La littérature, parfois, devient l’ombre de la mémoire. Seulement ce qui existe a une ombre et donc en ce sens, la littérature est l’ombre de ce qui se passe réellement. La littérature a un rôle de rappel de ce qui s’est passé et on ne va pas admettre une solution facile comme les amnisties par exemple ou le fait d’oublier et d’aller de l’avant, et bien non.

Luis Sepùlveda[1]

Luis Sepúlveda s’est éteint en avril à l’âge de 70 ans suite au covid-19. Il laisse derrière lui de nombreuses histoires, riches d’humanité et de poésie, dans lesquelles il rend hommage aux oubliés, à l’Homme et à la nature.

Histoire d’une baleine blanche, un conte du fond des océans 

Qui n’est pas fasciné par la beauté d’une baleine blanche ? À la fois la plus grande parmi les dauphins et la plus petite parmi les baleines, la baleine blanche se fait également appeler le dauphin blanc. Son éclatante couleur blanche et son large front souple font d’elle l’un des mammifères les plus beaux de l’océan. Bien qu’il s’agisse d’une espèce protégée, la baleine blanche est encore chassée et souffre du bruit du trafic maritime. 

Dans ce récit paru en 2019, Luis Sepúlveda donne la parole à la baleine blanche qui nous raconte son mode de vie dans un monde marin où les hommes sont omniprésents et où leurs activités nuisent à la pérennité des espèces aquatiques. Au large de la Patagonie, une baleine blanche, née de l’imagination d’Herman Melville dans Moby Dick, est la gardienne de nombreux secrets et mystères : elle est chargée de protéger les morts mapuches et de guider leurs âmes au-delà de l’horizon. Pour protéger le monde sous-marin, la baleine blanche devra affronter des prédateurs sans merci, les baleiniers, en particulier le baleinier Essex commandé par le capitaine Achab.

Dans cette rencontre en mer, le comportement des hommes me parut très étrange. La minuscule sardine n’attaque pas une autre sardine, la lente tortue n’attaque pas une autre tortue, le requin vorace n’attaque pas un autre requin. Il semble que les hommes sont la seule espèce qui attaque ses semblables, et je n’ai pas aimé ce que j’ai appris d’eux.[3]

Pourquoi lire cet ouvrage ? Cette nouvelle, empreinte de sagesse et de fantaisie, aborde avec beaucoup d’originalité et de délicatesse le thème de la nature menacée par les activités des hommes. À travers ce conte mythologique, Luis Sepúlveda nous fait part de son attachement à la Terre et au respect de l’environnement.

La fin de l’histoire, son dernier acte militant et romanesque

La fin de l’histoire, paru en 2016, est le dernier roman de Luis Sepúlveda. Dans cet ouvrage, Luis Sepúlveda retrouve son vieil ami, Juan Belmonte, le personnage principal d’un de ses précédents romans Un nom d’un torero. Juan Belmonte a les traits de son créateur : son passé et ses actes font échos à ceux de Luis Sepúlveda lors du coup d’Etat du général Pinochet et de la révolution sandiniste. Juan Belmonte est le symbole de la persévérance : guérillero avec un nom de torero, il a participé à toutes les révolutions perdues du continent latinoaméricain. Luis  Sepúlveda souhaitait revoir son personnage des années plus tard afin de savoir comment celui-ci vit avec son passé et pense le présent. D’après l’auteur, l’écrivain a de l’influence sur son personnage mais le personnage a également de l’influence sur l’écrivain.

Au début du roman, on retrouve Juan Belmonte en Patagonie au bord de la mer où il vit paisiblement avec son épouse Verónica. Tout comme la compagne de Luis Sepúlveda, la poétesse Carmen Yañez, Verónica a été torturée sous la dictature de Pinochet. Cependant, le passé de Juan Belmonte le rattrape…  Les services secrets russes, connaissant son passé de guérillero, l’obligent à leur prêter main forte pour une mission secrète. Des cosaques nostalgiques et puissants sont déterminés à libérer le tristement célèbre Miguel Krassnoff, emprisonné à Santiago pour crimes contre l’humanité. Ce dernier est le descendant d’une famille de cosaques responsables de nombreuses abominations au sein des régiments SS lors de la Seconde Guerre mondiale. Miguel Krassnoff, quant à lui, fut général de l’armée de Pinochet et a participé à de nombreux actes de torture et de répression durant la dictature. Comment Juan Belmonte va-t-il s’en sortir ? Il a des raisons personnelles de haïr Miguel Krassnoff car il fut le tortionnaire de Verónica…. Va-t-il privilégier sa vie et celle de son épouse ou ses valeurs morales et sa soif de justice ? 

Pourquoi lire ce roman ? La fin de l’histoire fait voyager d’un continent à l’autre et à travers les époques, de la Russie de Trotski à l’Allemagne d’Hitler, du Chili de Pinochet à la Patagonie d’aujourd’hui. Le roman est dédié aux victimes de la maison Grimaldi, un camp de torture et d’extermination fantôme sous la dictature de Pinochet, et à la prisonnière numéro 824, Carmen Yañez. Luis Sepúlveda, qui compare la naissance d’un roman à une porte qui s’ouvre, a écrit cet ouvrage suite aux demandes de libération du criminel, Miguel Krassnoff, en 2005 par un groupe de cosaques. Partisan de la doctrine « Pas d’oubli, pas de pardon », l’écrivain nous fait découvrir plusieurs parts d’ombre de l’histoire et rend aux hommages aux oubliés de la guerre.

Grâce à sa plume, Luis Sepúlveda nous enseigne que la littérature est un remède à la mémoire : « La littérature raconte ce que l’histoire officielle dissimule. »[4]

Par Lucille Sentenac


[1]https://www.lepoint.fr/culture/luis-sepulveda-l-ecrivain-qui-aimait-les-romans-d-amour-23-04-2020-2372610_3.php

[2]https://www.franceculture.fr/emissions/le-temps-des-ecrivains/emission-speciale-luis-sepulveda

[3]https://booknode.com/histoire_d_une_baleine_blanche_03033263/extraits

[4]Luis Sepúlveda  https://www.babelio.com/livres/Sepulveda-La-fin-de-lhistoire/929990

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Le jeu vidéo : l’avenir de la culture ?

En mars 2020, à l’heure où une majeure partie du monde entre dans une phase de distanciation sociale et de confinement, le jeu vidéo est propulsé aux devants de l’industrie du divertissement en atteignant des chiffres records. Tandis que les dépenses des ménages dans l’achat de jeux vidéo ou d’extensions de jeux en ligne auraient atteint les 10 milliards de dollars en mars 2020, le nombre de joueurs et d’heures de jeu a lui aussi atteint des sommets. 

Des chiffres records

Si le confinement a permis de propulser sur le devant de la scène des nouveaux jeux sortis au même moment, il a aussi renforcé le succès d’autres jeux déjà ancrés depuis plusieurs années dans la communauté des joueurs. On note par exemple le succès phénoménal et presque immédiat de la sortie du nouveau jeu Animal Crossing : New Horizons sur Nintendo Switch quelques jours après le début du confinement en France : le développeur Nintendo en avait vendu 11,77 millions d’exemplaires au 30 mars. Le jeu Minecraft a quant à lui également profité de cette période en dépassant les 200 millions d’exemplaires vendus depuis sa sortie en 2014, en comptant une hausse de 25% du nombre de joueurs mensuels au mois d’avril. Ce phénomène a été notamment facilité par les offres promotionnelles mises en place par les éditeurs de jeux vidéo telles que des réductions à l’achat ou la gratuité. 

À cela, il faut ajouter l’accélération de la tendance des plateformes de streaming de jeu vidéo en direct telles que YouTube (Google) ou Twitch (Amazon) déjà bien ancrées avant la crise. Quand on ne joue pas aux jeux vidéo, on regarde d’autres gens y jouer. Twitch comptabilise ainsi plus d’un milliard et demi d’heures de contenu visionnées en avril 2020 contre 750 millions en avril 2019. Les sessions live des streamer, loin d’être entravées par le confinement, se sont multipliées et ont rassemblé des communautés encore plus vastes. L’exemple de Gotaga, premier streamer francophone en termes de visionnage sur Twitch, est marquant : de février à avril 2020, le nombre d’heures vues est passé de 1,5 à 5,4 millions par mois. 

Il faut cependant nuancer cet apparent essor de l’industrie du jeu vidéo pendant le confinement. La crise entraîne d’ores et déjà des retards dans la production des consoles et dans le développement des jeux, bien que supposée pouvoir être compensés par la forte demande. De même, les salons dédiés aux jeux vidéo en 2020 tels que l’E3, participant grandement à la promotion des nouveautés et à la rencontre d’investisseurs, ont été annulés. Enfin, le secteur n’est pas épargné par la crainte économique générale qui s’est installée : certaines grandes entreprises du secteur voient déjà leurs actions chuter en valeur depuis le début de la crise, le français Ubisoft notant une baisse de -25% par exemple. 

Bien que le secteur ait déjà été reconnu au début des années 2010 comme un secteur en forte expansion et à fort potentiel pour les années à venir, la crise sanitaire semble l’avoir pour l’instant projeté d’autant plus au cœur de la culture. 

Quelle place pour le jeu vidéo ?

La dématérialisation du jeu vidéo était déjà à l’œuvre bien avant le confinement, mais ce dernier a indéniablement accentué ce phénomène. De l’achat physique du jeu en magasin spécialisé dans sa boîte, comme objet de collection, nous sommes passés à des modes de consommation immatériels, via des plateformes de téléchargement instantané – comme Steam, qui a battu son record de nombre de joueurs connectés pendant le confinement. Cette mutation est à la fois économique et culturelle, puisqu’elle implique une nouvelle approche du jeu vidéo et de ses dérivés à la fois du côté des joueurs et des créateurs de contenu. 

Aussi, mais surtout, en lien avec le débat philosophique de “l’art-évasion”, le jeu vidéo a pu être perçu par ses utilisateurs comme un échappatoire accessible de cette réalité anxiogène et emplie de solitude qu’ont apporté la pandémie et le confinement. En nous transportant dans une réalité parallèle, il peut être considéré comme un moyen efficace de divertissement, capable de passer le nouveau temps libéré. D’autant plus quand ces jeux permettent de retrouver des proches dans cette réalité en ligne avec le mode multijoueur, en devenant presque un véritable réseau social qui comblerait les besoins d’interactions sociales. Le jeu Fortnite (Epic Games), a notamment permis aux utilisateurs de se retrouver virtuellement dans son “métavers” (monde virtuel fictif) et de passer du bon temps, alors que les rencontres réelles étaient interdites. Deux ans après sa sortie, il comptabilise plus de 350 millions de joueurs depuis le mois d’avril 2020. C’est un excellent moyen de garder le lien mais aussi un phénomène social d’envergure : tout le monde connaît quelqu’un qui y joue (dans mon cas, mon petit frère). Fortnite va encore plus loin en misant sur la culture : en organisant des concerts ou des projections de film dans ce monde virtuel.  La nuit du 23 au 24 avril, le rappeur Travis Scott a réuni plus de 12 millions de spectateurs pour son concert en direct sur Fortnite. Le jeu vidéo devient un véritable espace de partage culturel, au-delà du simple produit de consommation.

Concert de Travis Scott sur Fornite

Ces initiatives sont-elles de simples tendances imposées par la situation de distanciation sociale que nous rencontrons actuellement, ou sont-elles le symptôme d’une mutation de la place du jeu vidéo dans le monde de la culture ? Bien que la situation actuelle favorise ces initiatives, ces dernières ne sont pas nouvelles. En effet, dès 2007 l’artiste plasticien français Patrick Moya investit le jeu “métarvers” Second Life et invite les joueurs à visiter ses expositions virtuelles chaque année sur son “île Moya”. Cette île est “conçue comme une œuvre globale”, une expérience immersive représentant l’intégralité de ses travaux. L’avenir de l’art et la relation entretenue entre l’artiste et les mondes réels et virtuels sont des questions qu’il se pose notamment dans son livre L’art dans le nuage publié en 2012.

Reproduction virtuelle de l’exposition « le cas Moya » à l’espace culturel Lympia (Nice)

De même, comme ce que peut apporter la pratique de la musique, de la peinture ou de la danse, certains types de jeux vidéo se rapprochent aujourd’hui à ce qui s’apparente plus à une pratique artistique qu’à une activité purement ludique en faisant appel à la créativité, l’imagination ou encore le partage. Tout particulièrement sur des jeux de simulation, jeux « bac à sable », ou encore des jeux interactifs. Les joueurs peuvent ainsi passer des heures à créer et imaginer des constructions architecturales dans des jeux comme Minecraft (Mojang) ou Les Sims (Electronic Arts). Dans ces exemples, le jeu vidéo devient un véritable espace de création pour ses joueurs. 

Ces exemples nous questionnent sur la limite de cette virtualisation de l’art par le jeu vidéo. Si elle est capable d’assembler différents acteurs de la culture, on peut se demander si toute forme d’art peut être retranscrite virtuellement. Cela nous interroge également sur les implications en termes de conservation de l’art, à partir du moment où nous ne sommes plus face à une expérience en physique. 

Sources :

Par Emeline Balusson

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Tour du monde en 6 initiatives culturelles et confinées

Alors que nous ressortons progressivement d’une période unique de confinement collectif, les lieux culturels tels que les cinémas, les salles de spectacles, les musées, les théâtres… demeurent toujours fermés. Cela n’a pas empêché les acteurs du secteur culturel de nous offrir un contenu artistique riche tout au long de ces deux derniers mois. Paradoxe inédit : bien que le secteur culturel ait vu l’ensemble de ses établissements fermés, les offres culturelles digitales n’ont jamais été aussi nombreuses, et l’accès à la culture autant facilité. L’art reste un remède indispensable face à l’ennui, l’isolement et l’anxiété provoquée par les perspectives d’une telle crise sanitaire sur notre vie future. Nous avons donc vu naître une multitude d’initiatives culturelles et artistiques à travers le monde, encouragée par la nécessité de garder un contact avec le public, de continuer à exercer sa créativité, ou tout simplement de remédier à l’ennui et d’oublier quelques instants l’isolement forcé. Pendant cette période si particulière, les acteurs du secteur culturel ont redoublé d’ingéniosité pour maintenir un contact avec leur public éloigné.

À défaut d’avoir pu voyager, je vous propose de faire un tour de quelques initiatives artistiques qui ont résonné dans le monde entier et permis à la culture de s’infiltrer chez nous durant le confinement, pour notre plus grand plaisir. Je vous invite à découvrir ou redécouvrir ces quelques exemples d’initiatives lancées par des artistes ou des institutions culturelles, qui ne représentent qu’une infime partie de ce que le monde de l’art a pu nous proposer ces derniers mois.

Peintures et reproductions, Le Getty Museum aux États-Unis

Depuis deux mois, les réseaux sociaux voient fleurir une multitude de reproductions d’œuvres d’arts représentant des tableaux célèbres tels que Les raboteurs de parquet de Gustave Caillebotte ou La laitière de Vermeer. Ce défi ouvert à tous est à l’initiative du Getty Museum de Los Angeles, qui a invité les internautes à reproduire chez eux des œuvres d’art en utilisant des objets du quotidien. Si les reproductions sont plus ou moins ressemblantes, ce défi a permis de mettre à l’épreuve l’imagination et la créativité des participants. Certains musées français comme le musée d’Orsay ont même repris cette idée, et publié sur leurs réseaux sociaux les résultats envoyés par les participants.


Rassemblement à distance de musiciens en Serbie

Le 20 mars 2020, alors que l’Italie a entamé depuis 10 jours un confinement suite à la forte propagation de l’épidémie, l’orchestre du théâtre national serbe a décidé de rendre hommage aux italiens en reprenant l’hymne révolutionnaire italien Bella Ciao.

Suivant la même initiative, les membres de l’orchestre National de France ont repris Le Boléro de Ravel à distance, permettant aux internautes de profiter en ligne de l’œuvre de Maurice Ravel.

Projection d’œuvres de street art au Brésil

L’artiste brésilienne Rafamon, habituée à dessiner ses œuvres géantes et colorées sur les murs de la ville de Rio, a choisi de projeter ses créations depuis chez elle sur le mur situé en face de son immeuble. L’occasion également de diffuser un message d’espoir et de soutien à destination des passants dans un pays où la situation sanitaire s’aggrave de jour en jour. Ces créations sont visibles sur la page Instagram de l’artiste (@rafamon).

© Instagram de Rafamon

#LOPERACHEZSOI avec l’Opéra National de Paris 

Les salles de spectacles et salles de danse demeurent toujours fermées à ce jour. Alors pour pallier le manque de contact avec leur public ou leurs élèves, de nombreux danseurs ont trouvé des alternatives durant le confinement et ont mis à disposition des cours de danse en ligne.

La chorégraphe néo-zélandaise Parris Goebel a fait danser simultanément 69 000 personnes à travers le monde via un live Instagram. Les danseurs américains Janelle Ginestra, Willdabeast et bien d’autres continuent d’alimenter régulièrement la chaine immadance.tv.

En France, les danseurs étoiles de l’Opéra de Paris comme Dorothée Gilbert ou Hugo Marchand ont proposé des cours en direct via des live Instagram. Faciles d’accès, ces cours ont permis de maintenir un contact régulier avec le public, et pour certains danseurs de se garantir une rémunération même sans cours en présentiel. Les internautes devaient parfois payer un abonnement pour avoir accès aux cours en ligne. L’Opéra national de Paris a par ailleurs posté sur sa chaine Youtube une série de vidéos intitulée #LOPERACHEZSOI incluant les vidéos des cours en ligne des danseurs étoiles du Palais Garnier. Les internautes peuvent également y retrouver des interviews de chanteurs lyriques, de danseurs étoiles, de réalisateurs, et des extraits d’opéra chantés ou joués par des artistes confinés.

Stay Art Home avec l’artiste espagnol Pejac

Originaire d’Espagne, Pejac s’inspire de l’espace public et utilise différents procédés comme la peinture ou le collage pour créer des œuvres composites poétiques. Afin de faire perdurer son art durant le confinement, l’artiste espagnol a lancé son propre hashtag #STAYARTHOMEPEJAC pour inviter les internautes à explorer leur créativité en réalisant une œuvre picturale depuis leur foyer. Le concept consistait à utiliser l’extérieur visible depuis leur fenêtre comme support de création et comme source d’inspiration pour y faire évoluer toutes sortes de formes ou de personnages. Chaque participant était ensuite libre de partager sa création sur les réseaux sociaux via le hashtag #STAYARTHOMEPEJAC. Cette campagne artistique a rencontré un certain succès puisque des centaines de créations provenant de plus d’une cinquantaine de pays à travers le monde ont été publiées. Cette initiative démontre de manière poétique la capacité de chacun à pouvoir jouer avec son environnement dans une situation aussi particulière que celle que nous vivons actuellement. 

Une chaîne de solidarité entre artistes en provenance du Royaume-Uni

Avec la fermeture des galeries d’art et le report des foires, vendre des œuvres d’art représente une difficulté supplémentaire pour les artistes et les institutions culturelles. Pour faciliter la vente à distance, l’artiste britannique Matthew Burrows a eu l’idée de développer une campagne intitulée Artist Support Pledge. L’idée est de proposer aux artistes souhaitant vendre une œuvre de publier sur Instagram une photo de leur création accompagnée du hashtag #artistssupportpledge. Le prix de vente de l’œuvre d’art ne doit pas dépasser £200. Si les ventes de l’artiste dépassent £1000, celui-ci s’engage par la suite à investir £200 dans l’achat de l’œuvre d’un autre artiste. Cette initiative a permis d’instaurer une solidarité financière entre artistes et de faire gagner en visibilité certaines créations. Des galeries d’art comme Beers London ont partagé l’initiative à leur communauté virtuelle pour encourager et donner plus de résonnance au projet. 

© Instagram #artistsupportpledge

Cette émergence d’initiatives nées d’un arrêt brutal de l’activité du secteur culturel doit s’appréhender de manière bien plus globale qu’une simple parenthèse créative due à un contexte particulier. Elle donne à réfléchir à la pertinence de certains supports digitaux pour maintenir un contact avec le public, dans un contexte où la digitalisation des modes de consommation tend à profondément modifier notre rapport à la culture. La mise en ligne des contenus, les visites virtuelles, les cours en visioconférence et les réseaux sociaux sont autant d’outils à développer pour proposer une interaction continue avec le public. À l’heure où les établissements redoublent d’efforts pour s’adapter aux contraintes imposées par les mesures de sécurité sanitaire en vue d’accueillir de nouveau du public, ces initiatives ont su démontrer la capacité des acteurs du secteur culturel à trouver des solutions pour proposer du contenu à leur public éloigné.

Sources :

Par Margot Di Bella

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Le Ballet dans votre salon

Depuis la survenue de l’épidémie de Covid-19 courant mars 2020, le monde du spectacle vivant est à l’arrêt – ou presque. Pour palier les annulations de saisons, de nombreuses compagnies de danse à travers le monde ont développé des outils digitaux pour permettre aux balletomanes de maintenir le lien avec elles et d’avoir accès à certaines pièces de leur répertoire.

Embarquons donc avec cet article pour un tour du monde des Ballets à l’heure du confinement, l’occasion de découvrir leurs pièces phares du moment sans avoir besoin de monter à bord d’un avion.

Opéra de Paris

Commençons par l’une des compagnies les plus emblématiques, tant pour son histoire que pour la qualité de ses danseurs et de son répertoire : l’Opéra de Paris. Entre les mouvements sociaux de décembre 2019 et l’épidémie de Coronavirus, c’est plus d’une centaine de représentations qui ont été annulées. Il était donc crucial pour cette Maison de renouer avec son public. A travers de nouvelles plateformes comme 3ème Scène ou encore Aria, l’Opéra avait déjà amorcé sa transition digitale au cours des dernières années, et c’est donc naturellement que le confinement a été l’occasion de maintenir le lien avec son audience en publiant régulièrement des captations de pièces chorégraphiques. En ce moment, c’est le ballet inédit de la saison 2019-2020 Body & Soul de Crystal Pite qui est mis à l’honneur. Entre harmonie du corps de ballet et solos d’étoiles explosifs, on ne peut que recommander de plonger dans l’univers de cette pièce phare de la saison.

NB : Pour vous essayer à la discipline, vous pouvez également vous rendre sur le compte Instagram du Ballet de l’Opéra de Paris, où des cours de danse ont été dispensés par des étoiles de la Compagnie en IGTV.

Malandain Ballet Biarritz

Après sa nomination aux Benois de la Danse 2017 et la Première de son ballet Marie-Antoinette à l’Opéra de Versailles, Thierry Malandain continue de nous éblouir avec sa nouvelle création : La Pastorale. Sur la 6ème Symphonie de Beethoven, le chorégraphe nous enchante à travers une composition mêlant esthétique classique et mouvements novateurs. La captation de La Pastorale au Théâtre de Chaillot est disponible sur Arte ici !

Royal Opera House

Le Royal Ballet de Londres proposait bien avant l’épisode de confinement une multitude de contenus digitaux : du cours de danse de la Compagnie à la répétition publique en passant pas les bandes-annonces des prochaines productions, l’institution britannique était déjà très avancé en matière de présence numérique. Si ce n’est pas encore fait, il est temps d’aller découvrir cette mine d’or, mais également de profiter de la mise en ligne de plusieurs pièces du répertoire. Dernière en date : Anastasia, dansée en 2016 par les fantastiques Natalia Osipova, Marianela Nunez, Federico Bonelli, Edward Watson et Thiago Soares.

New York City Ballet

De l’autre côté de l’Atlantique, le New York City Ballet gâte son audience avec la diffusion de deux ballets par semaine entre le 21 avril et le 29 mai. Prochain en date : Donizetti Variations de George Balanchine, l’occasion de découvrir ce chorégraphe emblématique du 20ème siècle à travers une pièce lumineuse et enjouée.

Het National Ballet

De retour en Europe, du côté des Pays-Bas, le Het National Ballet a lui aussi mis à profit cette période de fermeture pour mettre à disposition des spectateurs plusieurs ballets classique et contemporain, représentatifs du style éclectique de la Compagnie.  Jusqu’au 30 mai, vous pourrez découvrir la pièce Mata Hari, chorégraphiée par le directeur du Ballet Ted Brandsen. Ce ballet narre l’histoire de la célèbre Mata Hari, danseuse néerlandaise fusillée lors de la Première Guerre Mondiale pour espionnage.

L’opportunité de pénétrer l’univers chorégraphique de la Compagnie, mais aussi d’aller à la rencontre de ce personnage historique.

Marinsky Theatre

Nous finissons notre tour du monde des compagnies de danse avec le Marinsky Theatre en Russie. Vous pourrez trouver sur sa chaîne YouTube de nombreuses captations vidéos d’opéras, mais également de ballets emblématiques du répertoire classique tels que Giselle ou encore La Belle au Bois Dormant.

https://www.youtube.com/watch?v=_fjRUk13vBs

Bien sûr, si le digital amène des solutions partielles et temporaires à la fermeture des théâtres pendant l’épidémie, rappelons-nous qu’elles ne sont bien que partielles et temporaires. Du côté du public, il n’est de spectacle vivant à proprement parler que lorsque la dimension de coprésence existe, lorsque audience et artistes se rencontrent brièvement le temps d’une envolée d’une heure ou deux. De leur côté, les Compagnies souffrent, au-delà des contraintes financières, de ne pouvoir assouvir leur besoin d’aller à la rencontre du public, voire de ne pas survivre à cette crise. Dans un article publié sur la page Facebook du Malandain Ballet Biarritz, Thierry Malandain s’interroge :

Dans le monde d’après, y aura-t-il encore des danseurs permanents dans les Centres Chorégraphiques Nationaux ?

Thierry Malandain

Retournons donc aussi vite que se peut dans les théâtres applaudir ces artistes que nous aimons tant.

Par Axelle Marcot

Pour l’autre article de la semaine, c’est ici !

The crisis does not make culture less necessary, but rather indispensable

Historically, there has been little interest in the contribution of arts and artists to economic development in cities. The cultural sector (and cultural industries) have long been considered on the fringes of the urban economy but at the same time it is a complex, controversial and paradoxical term. Yet, it is seen as a key factor in boosting development, the economy and innovation in the territories.

What are innovation, development and economy?

Innovation is a key concept both for the creation of knowledge, the capacity to learn and for the territory, the latter being considered as a collective social and geographical process that induces a change in the capacity to understand both individuals and organizations.

On the other hand, development can be understood in three different ways: firstly as an optimal balance of interests and profits between different actors that interact with each other; secondly, as a source of inequality and polarization; finally, as a dynamic process resulting from a process of innovation and creation.

For many years, economy and culture forms have travelled along paths that are supposedly separate, responding to opposing discursive forms in which both domains were conceived. Culture has been erroneously associated as a nunproductive sector. The result of the intersection between economy and culture is the Creative and Cultural Industries.

Finally, culture is understood as an expression of collective intelligence, an instrument of emancipation and a mean of making a society for all. Innovation is an element resulting from creativity and stands out as a social construction and an investment in development which depends clearly on the political perspective.

Culture

Culture does not respond to the standards of economic theories or commercial markets, so it is difficult to define and quantify it. First, culture does not respond to the law of diminishing utility, which explains the effect that a consumptionof a good provides less additional utility the more it is consumed. Second, the marginal utility of consuming a good is not the same as that of consuming another good; it has an uncertain satisfaction.

According to this is that culture should be designed then not as a cost, but as a three-dimensional investment:

  • An economic investment because it is an essential factorin local development;
  • Collective investment because it promotes social cohesion, i.e. the possibility of bringing individuals together while respecting their differences;
  • A personal and intimate investment for the individual experience it delivers.

A little theory

In theoretical terms, I would like to highlight the expert in geography and economic growth, Richard Florida, who has given the first signs of classifying a population as « creative », despite some criticism, he gives a quantitative approach closer to classify the population with respect to economic growth.

According to this study, economic growth responds to three concepts: Talent, Tolerance and Technology. Describing the “creative” population as the mobile, qualified and connected population capable of solving complex problems.

« In my formulation, knowledge and information are materials of creativity and innovation… it’s the product. […]  Creativity will reappear today as a key element for contemporary capitalism. »

Richard Florida

In the United States, 30% of the population is part of the creative key. The importance of this creative class is that, on the one hand, they are engaged in the process of creation and that they are paid to be creative either in the fields of computer science, lawyers, scientists, researchers, engineers, artists, architects, etc.. On the other hand, as second theory, it is also worth mentioning the academic and expert in economics of culture Martial Poirson, with his theory « economy of attention » where he establishes the important role of knowledge as a form of cognitive exploitation, whose economic agents are not only in the media but also in cultural goods and services. He considers a new paradigm shifting the economic analysis from production to cultural consumption.

The Creative Industry and the Performing Arts

It has been demonstrated that culture brings together a set of creative knowledge that contributes to a territory, in the sense of measuring it. The Creative and Cultural Industry (ICC) is made up often main sectors: Visual Arts, Music, Performing Arts, Cinema, Television, Radio, Video Games, Books, Press and Advertising and Communication.

This sector has become increasingly important in the economies’ income. In France, it represents 3.2% of the GDP with a total turnover of 91.4 billion euros. The visual arts stand out as the sub-sector that provides the greatest added value, followed by live entertainment and music. Source: EY analysis, « The direct economic weight of culture in 2017 ».

In Latin America, the cultural sector generates 7% of the GDP, but even so its support and quantification model is deficient.

It is important to highlight within the Creative and Cultural Industries, the Performing Arts, given that this sector has caught my attention since in the European Union it has a quantification coming from its action, a situation that differs in Latin America.

The Performing Arts refer to those shows produced and disseminated by people who represent a work of the spirit in a territory, which refers  to dance, theatre, opera, contemporary music, fanfares, circus, street art, puppets, stories, among others. This sector shows the identity of a territory, and that due to factors such as a tendency to excess supply, a typical professional regime, differentiated remuneration, the performing arts area paradigm, from the economic and symbolic point of view that they represent.

Culture an international call

« To be creative is to bring out something new, in other words, to innovate ». The official discourse produced by the European Union as early as 2000 plays an important role in this phenomenon. The Lisbon Strategy aims to give Europe « the most competitive and dynamic knowledge-based economy in the world, capable of sustainable economic growth with more and better jobs and greater social cohesion ».

In this « knowledge economy », which is based on the triplych education-productivity-innovation, innovation is seen as a « catalyst for competitiveness ». Source: Cordobés and Ducret, in Godet, Durance and Mousli 2010, 328.

France’s strategy has designed and implemented various national programmes for sustainable development to include culture and creativity as a major area of intervention, and many ministries and partners are developing specific strategies to address the role of cultural and creative industries in sustainable development. This is why the intermittent regime, the Social and Solidarity Economy, the empowerment of entrepreneurs, the quality of entertainment entrepreneurs, are born as a response to a whole cultural ecosystem.

UNESCO describes CCIs as the workofthe future,which can emerge by supporting integrated cultural policy and regulatory environments throughout the value chain.

All is not lost

The different forms of responses by countries, international organizations that call for the recognition of creativity and culture, are once again on the agenda in times of crisis, as an instance torestructure strategies.

For this I would like to give some considerations to all those associations, individuals, entrepreneurs who seek to position themselves andactive agent in the reforms:

  • Consider culture and creativity as a sustainable development program within the restructuring of strategies, value chains and business models, among others.
  • Consider the care economy as a strategy of re-appropriation and emancipation within the new environmental, social and cultural challenges, placing care at the core of exchanges system in accordance with ethics and the common good.
  • Identify the level of digital experiences and technologies in which the projects, undertakings, startups, institutions, associations, museums, theatres, schools, etc. are related.
  • Complement and create information, which are two motors of production and culture.

We are now invited to use the economics of attention to the cognitive capacity of the brain in favor of economic growth and new models of capital accumulation. We are participating in a numerical era, where we are providers of relevant information for large industries, which should also be applied in the cultural and social sector. The digital revolution is forcing professionals to recognize creative economies and expand fields of competence, so we should first start by expanding our viewpoints and begin to build.

I invite you to a virtual journey!

Virtual Tours:

Theatre:

Music:

Online festivals:

Par Gisella Nuñez Salgado

Cet article en anglais est aussi disponible en espagnol ici. Pour découvrir l’autre article de la semaine, c’est par !